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Moyen Orient et Monde - Décrytpage

Pourquoi Israël a lancé son opération à la frontière libanaise

L’État hébreu veut avertir le Hezbollah de sa détermination à faire respecter ses lignes rouges tout en testant sa réponse.

Des soldats israéliens patrouillant, à la frontière israélienne, le 4 décembre 2018. REUTERS/Ronen Zvulun

Israël avait annoncé la couleur depuis déjà plusieurs semaines : si les activités du Hezbollah et de l’Iran restent la principale menace sécuritaire aux yeux de l’État hébreu – bien plus que le Hamas –, l’attention est à nouveau portée depuis quelque temps davantage sur le Liban que sur la Syrie. Le lancement ce matin de l’opération « Bouclier du nord », du côté israélien de la frontière avec le Liban, visant à détruire les « tunnels d’attaque » creusés par le Hezbollah, s’inscrit complètement dans cette nouvelle dynamique. Israël semble considérer que le Hezbollah est en train de renforcer ses capacités offensives au Liban, à un moment où la position des Iraniens et de leurs obligés apparaît de plus en plus fragilisée en Syrie. Dans un entretien accordé à une radio israélienne, et rapporté par le Haaretz, Amos Yaldin, directeur de l’Institut national des études sécuritaires à l’université Tel-Aviv, expliquait il y a quelques jours que les « Iraniens ont changé de tactique. Ils sont en train de tout transférer vers le Liban ». Cette analyse suggère que la marge de manœuvre des Iraniens et de leurs supplétifs est désormais extrêmement limitée en Syrie du fait de la puissance des frappes aériennes israéliennes couplées à la volonté de Moscou de stabiliser le pays et, par conséquent, d’encadrer les activités iraniennes. Si Moscou, parrain du régime Assad, et l’État hébreu ont frôlé la crise diplomatique le 17 septembre dernier, à la suite du crash d’un avion de reconnaissance russe visé par erreur par l’armée syrienne au cours d’une opération israélienne, les deux partenaires semblent s’entendre sur la nécessité de ne pas laisser Téhéran construire un front contre l’État hébreu à partir du terrain syrien. Après une période de quasi-trêve, Israël a bombardé le 30 novembre dernier des casernes de l’armée syrienne devenues un centre de recrutement du Hezbollah ainsi qu’un dépôt d’armes dans la banlieue sud de Damas, sans que Moscou ne fasse le moindre commentaire.


(Lire aussi : Opération israélienne : silence radio chez le Hezbollah, la Finul se veut rassurante)



« M. Sécurité »
L’opération lancée ce matin intervient quelques jours après ces frappes, et au lendemain d’une rencontre à Bruxelles, qualifiée d’« inhabituelle » par la presse israélienne, entre Benjamin Netanyahu et le secrétaire d’État américain Mike Pompeo pour discuter de la menace iranienne. Il fait peu de doutes que le Premier ministre israélien a averti au cours de cette rencontre son allié américain du déclenchement de l’opération.

Le timing de celle-ci s’inscrit dans un double contexte régional et local pour l’État hébreu. Benjamin Netanyahu n’a jamais caché qu’il voyait l’Iran et ses obligés comme la principale menace sécuritaire pour Israël. Dans sa croisade anti-iranienne, il peut aujourd’hui se targuer d’avoir le soutien des Américains, qui exercent une forte pression sur la République islamique via le rétablissement des sanctions économiques, mais aussi celui, plus discret, des États arabes du Golfe, qui considèrent également l’Iran comme une puissance déstabilisatrice dans la région. Le Premier ministre israélien, qui a répété à plusieurs reprises que l’État hébreu ferait tout pour empêcher l’établissement des Iraniens et de leurs alliés en Syrie, est déterminé à faire respecter, dans le même temps, ses lignes rouges au Liban. D’autant que l’opération peut lui permettre de redorer son aura de « M. Sécurité » en Israël, mise à mal par la démission de son ministre de la Défense Avigdor Lieberman qui reprochait au Premier ministre sa frilosité vis-à-vis du Hamas. Benjamin Netanyahu souhaite en effet éviter un nouveau conflit à Gaza, notamment parce qu’il considère que l’effort israélien doit se concentrer en priorité sur le front nord. Le Premier ministre israélien est, dans le même temps, au cœur d’un scandale de corruption alors que la police a recommandé il y a deux jours son inculpation. Monstre froid, Benjamin Netanyahu n’est toutefois pas le genre de dirigeant à lancer une opération militaire sur un coup de tête : s’il va sans doute chercher à profiter de celle-ci pour améliorer son image dans l’opinion à quelques mois des nouvelles élections législatives, les questions d’ordre sécuritaire et géopolitique semblent ici primordiales. Dans un discours au ton très grave, celui qui assume en plus aujourd’hui le portefeuille de la Défense avait laissé entendre en novembre dernier que de nouvelles opérations militaires allaient bientôt être révélées.

Pas comme 2006
Benjamin Netanyahu menace directement le Liban depuis déjà plusieurs semaines. Il avait accusé, dans un discours devant l’Assemblée générale de l’ONU en septembre dernier, le Hezbollah de cacher des missiles à proximité de l’aéroport de Beyrouth. Tout en avertissant : « J’ai un message pour le Hezbollah. Israël sait ce que vous êtes en train de faire et ne vous laissera pas vous en tirer comme ça. » Selon lui, Téhéran aurait ordonné au Hezbollah de construire des sites secrets pour transformer des projectiles inadaptés en missiles guidés, « des missiles qui peuvent frapper en profondeur Israël avec une précision de 10 mètres ».

En septembre dernier, la chaîne américaine Fox news avait cité des sources occidentales des services secrets affirmant que deux vols commerciaux inhabituels en provenance de Téhéran auraient atterri à Beyrouth, dont un ayant fait escale à Damas, laissant suspecter une livraison d’armes destinées au Hezbollah. Ce dernier a largement renforcé ses capacités militaires depuis 2006, qui plus est grâce à son intervention en Syrie, et disposerait aujourd’hui d’environ 120 000 roquettes et missiles.

L’armée israélienne dit avoir connaissance de l’existence des tunnels depuis plusieurs années. Dans ce contexte, l’opération « Bouclier du nord », qui ressemble à celles menées par l’État hébreu contre les tunnels construit par le Hamas à la frontière de la bande de Gaza, est à la fois un avertissement et un test. Un avertissement adressé non seulement au Hezbollah et à l’Iran, mais aussi à l’État libanais, qu’Israël est prêt à agir en cas de dépassement des lignes rouges, c’est-à-dire si le Hezbollah renforce significativement ses capacités offensives. Circonscrite au territoire israélien, l’opération n’est pas synonyme de déclaration de guerre, et rien ne permet d’assurer pour l’heure qu’elle provoquera une forte escalade. Tout dépendra désormais de la réaction du Hezbollah, qui est directement testé dans cette séquence. Le Hezbollah peut-il se contenter d’une réponse rhétorique contre l’État hébreu, comme il le fait depuis déjà plusieurs années à partir du front libanais ? A-t-il les moyens de mener une contre-attaque d’envergure alors qu’il est encore mobilisé en Syrie et que son parrain est asphyxié par Washington ? Une seule chose paraît certaine pour l’heure : si elle devait avoir lieu, une confrontation entre le Hezbollah et Israël ne ressemblerait pas au scénario de 2006. Israël a clairement fait comprendre qu’il ne faisait pas de distinction entre le Hezbollah et l’État libanais. Dans le même temps, il pourrait cette fois-ci obtenir le soutien de l’administration américaine pour une telle opération. Reste une grande inconnue : alors que Moscou tente d’accroître son influence au Liban, quel rôle serait-il en mesure de jouer dans le cas d’une telle escalade ?

Israël avait annoncé la couleur depuis déjà plusieurs semaines : si les activités du Hezbollah et de l’Iran restent la principale menace sécuritaire aux yeux de l’État hébreu – bien plus que le Hamas –, l’attention est à nouveau portée depuis quelque temps davantage sur le Liban que sur la Syrie. Le lancement ce matin de l’opération « Bouclier du nord », du côté...

commentaires (3)

merci à votre analyste pour toutes les explications et justifications des points de vues d'Israél. Rappelons lui que le soutien américain n'a pas manqué en 2006, et que l'état libanais a été visé aussi ,. A moins qu'il ne considère le sud Liban comme ne faisant pas partie de l'état libanais. Ce sud Liban, a été très touché en 2006. Les archives de l'Orient le jour pourraient lui rafraîchir la mémoire.

HIJAZI ABDULRAHIM

00 h 39, le 05 décembre 2018

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Commentaires (3)

  • merci à votre analyste pour toutes les explications et justifications des points de vues d'Israél. Rappelons lui que le soutien américain n'a pas manqué en 2006, et que l'état libanais a été visé aussi ,. A moins qu'il ne considère le sud Liban comme ne faisant pas partie de l'état libanais. Ce sud Liban, a été très touché en 2006. Les archives de l'Orient le jour pourraient lui rafraîchir la mémoire.

    HIJAZI ABDULRAHIM

    00 h 39, le 05 décembre 2018

  • ILS PREPARENT QUELQUE AGRESSION SOUS LE TITRE DE DEFENSE CONTRE LES ACTIONS DANGEREUSES DE LA MILICE IRANIENNE...

    LA LIBRE EXPRESSION

    18 h 47, le 04 décembre 2018

  • A quoi ça sert de parler et d'expliquer ? S'ils se sentent cap de le faire , alors qu'ils le fassent . Ils sauront de quel bois la résistance se chauffe .

    FRIK-A-FRAK

    17 h 24, le 04 décembre 2018

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