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Liban - Législatives 2018

Législatives libanaises : les violations à la pelle seront soumises au Conseil constitutionnel

Conférence au sommet avec l’électeur autour de l’isoloir.

Des urnes qui se baladent dans la nature, ou à moto, un isoloir qui souvent n’en est pas un et des pressions psychologiques sur les électeurs... Autant d’irrégularités venues entacher la transparence de l’opération électorale en instillant le doute dans la tête des citoyens.
Aux nombreux rapports dénonçant les violations publiées par l’Association pour la démocratie des élections (LADE), qui a relevé 3 000 irrégularités dont certaines ont été confirmées par la Lebanese Transparency Association (La Fassad), sont venues s’ajouter les critiques et dénonciations formulées par les candidats malheureux, pointant du doigt un processus électoral aux multiples failles.

Le ministre de l’Intérieur, Nouhad Machnouk, a reconnu, lundi soir, « certaines bévues » qui se sont produites et a promis d’y remédier au plus tôt là où cela était possible. Il n’en reste pas moins que la confiance dans la gestion de l’opération électorale a été entre-temps altérée, la liste des recours qui sera présentée devant le Conseil constitutionnel s’annonçant d’ores et déjà assez longue, si l’on en croit les intentions exprimées par certains candidats.
Parmi ces recours, celui que compte présenter la candidate au siège des minorités chrétiennes, Joumana Haddad, qui a revendiqué hier son droit à un nouveau décompte et à « une explication rationnelle de ce qui s’est passé (lors du dépouillement des bulletins), chiffres à l’appui ».
Donnée gagnante lundi soir par l’ensemble des machines électorales, dont celles de ses concurrents, la candidate de la liste Koullouna Watani devait apprendre quelques heures plus tard que c’est son concurrent de la liste CPL-Futur-Tachnag, Antoine Pano, qui a remporté le siège après un décompte tardif et « entouré de flou ». Le fait que les délégués de la liste Koullouna Watani aient été refoulés pendant plusieurs heures par le président de la commission de décompte des voix et interdits d’assister à l’opération de vérification du dépouillement n’a fait qu’accentuer les doutes chez la candidate mais aussi chez les observateurs de la LADE, également refoulés.


(Lire aussi : Infractions et dérapages, lors des législatives libanaises, en images et vidéos)


Le cafouillage qui a eu lieu dans les numéros attribués au bureau de vote – le numéro 4 ayant été inscrit au lieu du 12 dans l’un des bureaux de l’école de Zahret el-Ihsan, provoquant une panne dans le système de décompte – « a ravivé un peu plus la polémique », comme l’explique à L’OLJ un chercheur et expert électoral au sein de la LADE, Ali Slim.
« Le problème réside dans le fait que la procédure n’a pas été respectée dans plusieurs cas de figure lors de l’opération électorale », relève M. Slim donnant pour exemple les modalités de transfert des bulletins d’un endroit à l’autre, notamment entre le bureau de vote jusqu’aux sièges des commissions de décompte « non conformes aux réglementations ». Il constate à ce propos le fait que des dizaines d’urnes n’ont pas été accompagnées par les services de l’ordre, comme prévu par la loi, sans compter qu’à plusieurs reprises, des délégués ont été empêchés d’être présents lors du décompte.
« Dans le cas de Joumana Haddad, nous ne concluons pas pour autant qu’il y a eu fraude, même si cela reste une hypothèse plausible. Il n’empêche que la transparence du processus électoral est sérieusement remise en compte », commente M. Slim, qui invite tous les candidats qui ont des doutes à présenter des recours devant le Conseil constitutionnel en se basant sur les rapports détaillés de la LADE.
C’est le même constat que fait également le directeur de la campagne de la coalition Koullouna Watani, Saïd Sanadiki, qui laisse entendre que Mme Haddad « pourrait bien avoir perdu à cause de l’arrivée, en dernière minute, de plusieurs urnes contenant les votes des Libanais de l’étranger, comme on l’affirme. Mais le problème est qu’il y a eu tellement de violations que les doutes sont devenus légitimes », dit-il.


(Lire aussi : Démonstration de force symbolique du Hezbollah à Beyrouth)



D’autres plaintes
À Beyrouth II, d’autres protestations ont été formulées par plusieurs candidats malheureux. C’est le cas notamment des candidats de la liste indépendante de « Beyrouth al-Watan », parrainée par le journaliste Salah Salam qui dénonce, entre autres, « le transfert d’urnes non scellées des bureaux de vote vers le siège des commissions centrales de décompte, le dépouillement des bulletins de vote des Libanais de l’étranger avec une lenteur délibérée », mais aussi « le fait de retrouver lundi, au ministère de l’Intérieur, six urnes qui étaient portées disparues par les commissions de décompte ». Dans un communiqué, les candidats de la liste ont fait part de leur intention de présenter un recours devant le Conseil constitutionnel. Même contestation de la part des candidats d’une autre liste indépendante à Beyrouth II, « Sawt al-Nass » (la voix des gens) qui, dans un communiqué, évoque « une manipulation » des bulletins de vote.


(Lire aussi : Derrière l’abstention aux législatives libanaises, deux coupables : le rejet de la loi et le découragement)


 Un autre désaveu est venu de la part d’une candidate sunnite sur la liste « Karamet Beyrouth » (la dignité de Beyrouth) Hanane Adnan Chaar qui, à son plus grand étonnement, a constaté lors du dépouillement des bulletins, auquel elle était présente, qu’elle n’a reçu aucune voix, alors que toute sa famille avait voté pour elle, en plus de son propre bulletin. « Je vais finir par douter que je n’ai pas voté pour moi-même », ironise la candidate sur une vidéo qui circule sur les médias sociaux. Mme Chaar a porté plainte devant le mohafez de Beyrouth, Ziad Chbib, qui lui a répondu que ce genre de situation « n’est pas de son ressort ».
Devant autant de violations, les candidats insatisfaits se sont concertés entre eux hier et ont décidé de venir protester en groupe aujourd’hui à 10h devant le ministère de l’Intérieur.
Dans un rapport, la LADE a relevé des violations généralisées de l’article 96, alinéa 4 de la loi électorale relatif au secret de vote en détaillant une série de cas où les délégués et chefs des bureaux de vote ont accompagné l’électeur à l’isoloir. L’association a également noté « le chaos » qui a entouré la remise de bulletins de vote des Libanais de l’étranger, le « retard » mis pour envoyer les urnes aux commissions de décompte et l’absence dans certains cas de figure de procès-verbaux qui doivent accompagner les urnes devant les commissions.


(Lire aussi : Remaniement des votes au Baalbeck-Hermel : chercher le courant du Futur ?)

Réactions internationales


– Bruno Foucher, ambassadeur de France, dans une déclaration : « Ces élections législatives, les premières depuis 2009, confirment la force démocratique du Liban. Je voudrais rendre hommage à la compétence dont a fait preuve le ministère libanais de l’Intérieur dans l’organisation des élections, notamment l’action des services de sécurité et de l’armée lors du scrutin. Je souhaite qu’un nouveau gouvernement soit formé, aussitôt que le nouveau Parlement entrera en fonction, en vue de répondre aux défis et de collaborer avec les partenaires internationaux du Liban, notamment la France. »

– Angelino Alfano, ministre italien des Affaires étrangères, dans un communiqué : « L’organisation des élections a réaffirmé l’attachement traditionnel et constant des Libanais aux valeurs de liberté et de démocratie. Ce scrutin représente également une consolidation des institutions officielles du Liban et un rempart à toute menace de déstabilisation. L’Italie est attachée à l’amitié historique entre les deux pays. En sont témoins la conférence de Rome qui s’est tenue le 15 mars pour soutenir les forces armées et de sécurité, l’engagement important de l’Italie dans la Force intérimaire des Nations unies pour le Liban (Finul), et les relations bilatérales solides dans le domaine commercial, économique et culturel. »


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