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Liban - Législatives 2018

Remaniement des votes au Baalbeck-Hermel : chercher le courant du Futur ?

Bakr Hojeiry.

À Baalbeck-Hermel, l’étape de finalisation des procès-verbaux au Palais de justice de la ville de Baalbeck a suscité des questionnements sur sa transparence, après des informations, dont L’Orient-Le Jour a obtenu la confirmation, sur un remaniement des bulletins de vote par les juges chargés de valider le décompte des votes.

Au vu de l’historique des méthodes d’intimidation du Hezbollah sur l’électorat, c’est ce parti qui a été d’abord soupçonné de remodeler les résultats. Les craintes étaient que l’une des deux percées, sunnite et maronite, subies par sa liste ne soit annulée. Très vite, le chef des Forces libanaises, Samir Geagea, a réagi en y déléguant des représentants sur place.
Mais la question s’est vite posée sur les motifs du parti chiite de gommer ces deux percées, que ses propres médias avaient eux-mêmes reconnu la veille. Le doute s’est alors porté sur la possibilité qu’une troisième percée ait eu lieu, cette fois au niveau de l’un des six sièges chiites, plus compromettante pour le parti, qui aurait cherché à la faire disparaître. Cette hypothèse s’est elle aussi avérée douteuse, une telle percée s’avérant improbable.
D’abord par calcul mathématique. Le principal candidat à même de rivaliser avec le Hezbollah, l’ancien député Yehia Chammas qui préside la liste parrainée par le courant du Futur et les FL, aurait été dépassé d’au moins 7 000 voix par le dernier gagnant chiite sur la liste du Hezbollah-Amal, selon les résultats officieux. Si en revanche la liste de M. Chammas avait réussi à obtenir un troisième seuil d’éligibilité, qui imposerait la victoire d’un troisième candidat, celui-ci n’aurait pas été de la communauté chiite.


(Lire aussi : À Baalbeck-Hermel, « voter avec le sang »)


Du reste, le Hezbollah avait déjà exercé suffisamment de pressions lors du vote pour faire solidement barrage à une percée chiite. Il aurait à titre d’exemple coupé court aux velléités de certaines tribus d’accorder une partie de leurs voix à Yehia Chammas, lui-même membre d’un clan. L’un des membres de la tribu Jaafar avait ainsi prévu de transférer discrètement à Yehia Chammas une part des voix répondant de lui. Un projet mis en échec sur place par la machine électorale du Hezbollah – grâce à ses moyens de pression morale – en l’occurrence au niveau du bureau de vote du village al-Boustan (Hermel). Comme lors de précédents scrutins, c’est dans les villages éloignés du Hermel que le Hezbollah a redistribué les cartes : c’est principalement là qu’a été observé l’afflux d’électeurs jusqu’à 23 heures, soit deux heures après la limite fixée par le ministère de l’Intérieur et dont celui-ci avait pourtant directement informé le Hezbollah, selon l’un des candidats opposés à ce parti. C’est là aussi que la violence exercée sur les délégués des listes rivales, au moment du décompte des votes à des heures avancées de la nuit, est la plus palpable.


Le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, dans son bilan des résultats du scrutin hier, a fait valoir que Baalbeck-Hermel est « la matrice de la résistance », au même titre que le Liban-Sud. Cela a, au final, été confirmé par le scrutin, en partie parce que, du constat d’un indépendant chiite de la région, « les calculs électoraux ont primé sur l’enjeu stratégique de confronter le Hezbollah ». Cet indépendant fait ainsi référence à la rivalité entre opposants chiites, chacun aspirant à se rallier au courant du Futur et aux FL pour se faire une place, alors que c’est l’inverse qui aurait dû se produire.


(Lire aussi : Machnouk promet les résultats complets des législatives « dans les 36 à 48 heures »)


Remplacer un candidat par un autre
Qu’est-ce qui au final, si ce n’est pas le Hezbollah, a provoqué « un trucage des votes », hier au Palais de justice de Baalbeck, comme le confirment à L’OLJ deux sources concordantes ?
La réponse serait à chercher chez le courant du Futur. Il aurait en effet cherché à accorder la victoire à l’un de ses deux candidats sunnites, au détriment de l’autre. Ainsi, les premiers résultats relatifs à la percée sunnite ont fini par être inversés : au lieu de Hussein Solh, donné vainqueur la veille, c’est Bakr Hojeiry qui a fini par s’imposer. Le premier est originaire de Baalbeck, le second de Ersal. Les deux sont membres du courant du Futur et les deux n’ont pas réussi à se faire élire au bureau politique du parti. Si le courant du Futur a opté pour deux candidats relativement faibles au sein du parti, c’est en partie parce qu’il n’a pas l’intention de mobiliser sa base pour mener une bataille ouverte contre le Hezbollah.

Bien avant la formation des listes, le parti chiite avait compris qu’au moins une percée serait inévitable. L’enjeu était pour lui de l’orienter, en modulant la répartition de ses votes préférentiels entre les candidats sur sa liste. L’impression a été dès le départ, chez plusieurs acteurs du terrain, qu’une percée serait « concédée » au courant du Futur au niveau de l’un des deux sièges sunnites. Aussi, et comme pour favoriser une telle percée par défaut, le Hezbollah a opté pour un candidat sunnite peu influent : Younès Rifaï, membre des Ahbache, peu populaire à Baalbeck. C’est lui qui a fini par être défait.


(Lire aussi : Législatives libanaises : les violations à la pelle seront soumises au Conseil constitutionnel)


En contrepartie, le courant du Futur a opté pour deux candidats très modérés par rapport au Hezbollah, et donc tolérés par lui. Il n’aurait en outre « rien fait » pour unifier la bataille de ces deux candidats. Un délégué de Hussein Solh à Baalbeck confie à L’OLJ avoir sollicité « maintes fois, sans réponse », le leadership du courant du Futur pour « fédérer la machine électorale », de sorte à mobiliser la plus grande partie des électeurs sunnites (17 000 à Ersal, 11 000 dans la ville de Baalbeck et 15 000 répartis dans des villages avoisinants). La passivité du courant du Futur et le quasi-abandon de son discours souverainiste ont ainsi accentué la rivalité entre Hussein Solh d’une part et Bakr Hojeiry de l’autre, c’est-à-dire entre Ersal et Baalbeck. Et si cette rivalité a été rendue possible, c’est parce que aussi bien l’un et l’autre candidats ne sont pas portés sur le discours souverainiste. C’est-à-dire que ni l’un ni l’autre n’était à même de faire l’unanimité au niveau de la base sunnite, et encore moins des partisans du courant du Futur – dont certains auraient été carrément exclus de la machine électorale par l’un des deux candidats concernés, apprend-on de source interne.
Il reste à savoir pourquoi la formation haririenne a préféré Bakr Hojeiry, au point de gommer la victoire de Hussein Solh. Ce serait simplement pour la symbolique, M. Hojeiry étant originaire de Ersal. C’est d’ailleurs à cette bourgade que s’est limitée la tournée électorale du secrétaire général du courant du Futur, Ahmad Hariri. C’est à elle que le courant du Futur se sent redevable. Mais c’est aussi Ersal qui est de plus en plus infiltrée par le Hezbollah, à commencer par le conseil municipal.


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commentaires (1)

Donc, de fausses confidences "nous avons perdu 1/3 de nos sièges" (nous ne l'aurions pas su sinon) en vrai bidouillage des urnes, à lire cet article, le PM continue à vivre (vivoter?) de sa bonhomie (réelle et très sympathique) et de sa grinta. Quitte à lui donner un petit coup de main au besoin.

Marionet

13 h 49, le 08 mai 2018

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Commentaires (1)

  • Donc, de fausses confidences "nous avons perdu 1/3 de nos sièges" (nous ne l'aurions pas su sinon) en vrai bidouillage des urnes, à lire cet article, le PM continue à vivre (vivoter?) de sa bonhomie (réelle et très sympathique) et de sa grinta. Quitte à lui donner un petit coup de main au besoin.

    Marionet

    13 h 49, le 08 mai 2018

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