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Liban - Beyrouth II / Reportage

Beyrouth II : Raz-de-marée bleu à Tarik Jdidé

Dans les quartiers populaires de Beyrouth II, la liste du Futur semble recueillir une grande partie des suffrages. Mais les indépendants espèrent se faire une place.

Le Premier ministre Saad Hariri a voté... Jamal Saidi/Reuters

« J’attends mon tour depuis deux heures. Et j’attendrai toute la vie s’il le faut, cheikh Saad en vaut la peine. »
Dans le bureau de vote installé à l’école Khaled ben Walid à Tarik Jdidé, Nouhad Akkaoui, une mère de famille de 58 ans, donne le ton. Ce quartier populaire, principal fief du courant du Futur à Beyrouth II, est entièrement pavoisé de bleu : les ballons bleus flottent sur les ruelles, les délégués cueillent les votants sous des auvents bleus pour leur donner les consignes de vote. Et pour leur faciliter la tâche, ils ont apposé sur leurs tee-shirts la photo du candidat pour lequel ils leur demandent d’accorder leur vote préférentiel. À Khaled ben Walid, c’est Saad Hariri, et Nouhad Akkaoui, qui attend son tour dans la file des femmes, s’en félicite : « L’avenir de nos enfants est entre ses mains. J’espère que notre pays va aller mieux, que nos jeunes ne vont plus émigrer. »
Les haut-parleurs accrochés par les partisans du Futur diffusent à tue-tête une chanson à la gloire de Saad Hariri, qui avait arpenté vendredi, à pied ou juché sur le toit de sa voiture, toutes les ruelles du quartier pour galvaniser les habitants. Devant tous les bureaux de vote, des jeunes sont massés, dans une atmosphère bon enfant. Mais un incident peut vite éclater : près d’un bureau de vote derrière l’Université arabe, des partisans du Hezbollah et des Ahbache ont essayé de planter un drapeau du Hezbollah, et l’un d’eux a même tiré un coup de feu, avant que l’armée, lourdement déployée, n’intervienne pour rétablir le calme.


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Plus de femmes au Parlement
À l’école Omar Zeenni, près du stade municipal, l’affluence est à son comble en milieu de journée. Dans une chaleur étouffante, les femmes s’éventent à l’étage qui leur est réservé en attendant de pouvoir déposer leur bulletin dans l’urne, des délégués portent sur un brancard une femme handicapée venue voter… Ici, la consigne est de voter pour Roula Tabch Jaroudi, seule femme de la liste du courant du Futur.
 « J’espère que nous aurons un Parlement plus représentatif. Nous voulons plus de femmes par exemple », dit Khayrat Habbal, médecin de famille qui attend son tour. J’espère qu’il y aura un changement, pour que les gens aient de nouveau confiance dans le pays et n’aient plus à émigrer… » « Je suis venue exercer mon droit démocratique. Je suis réaliste, je n’attends pas de changements radicaux, mais je veux espérer dans la mesure du possible un Parlement meilleur », affirme Yussur Kutub Ramadan, ingénieure d’une quarantaine d’années.
Dans les salles de classe, les délégués sont sagement alignés sur les bancs, arborant les couleurs de leurs formations : bleu évidemment, mais aussi jaune pour les Ahbache, ces fondamentalistes sunnites alliés au Hezbollah et au mouvement Amal, présents en force dans le quartier, rouge pour la liste de l’homme d’affaires Fouad Makhzoumi… En tout, neuf listes, un nombre record, se font concurrence à Beyrouth II, qui englobe les quartiers formant Beyrouth-Ouest du temps de la guerre civile. Dans cette circonscription qui compte 347 270 électeurs, quelque 83 candidats s’affrontent pour occuper 11 sièges, dont six sunnites, deux chiites, un grec-orthodoxe, un druze et un protestant. Les délégués rapportent consciencieusement la moindre infraction, mais le vote se déroule globalement bien. Les votants utilisent l’isoloir pour faire leur choix, les noms sont bien vérifiés… Des délégués de la liste soutenue par l’ancien ministre Achraf Rifi ont cependant affirmé avoir été empêchés d’entrer dans des bureaux de vote.
Si la liste du tandem chiite, alliée aux Ahbache, est certaine de faire élire des candidats, les autres listes, notamment celles représentant la société civile, espèrent émerger de ce raz-de-marée bleu.


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L’argent politique
« Il y a 580 salles de vote à Beyrouth II et nous n’avons que 280 délégués », affirme à L’OLJ, juste après avoir glissé son bulletin dans l’urne à l’école Fakhreddine à Mazraa, Hassan Sinno, candidat sur la liste Koullouna Beyrouth formée d’indépendants. « Les Libanais ont soif de démocratie et de changement, mais le système fait que les indépendants sont désavantagés », explique-t-il, tout en se disant « encouragé » par le fait que « beaucoup de personnes qui ne voulaient pas voter ont décidé de nous appuyer. Mais est-ce que l’argent politique va gâcher nos efforts ? ».
Jusqu’en milieu de journée, il n’a pas été possible de voir des opérations d’achat de voix, même si les rumeurs allaient bon train. Mais les deux dernières heures de vote sont souvent les plus propices à de telles malversations.
C’est plutôt dans les beaux quartiers que la liste des indépendants a des chances de recueillir des voix. « C’est la première fois que je vote, je suis très enthousiaste », s’exclame Rawan Ghalayini, venue voter à l’école Chakib Arslane à Verdun, où défilent les femmes élégantes, portant leur it bag. « Il faut qu’il y ait un changement dans le pays. Nous voulons des actes, pas seulement des paroles », explique la jeune fille, qui ne travaille pas, venue accompagnée de sa mère. « Nous voulons changer toute l’ancienne équipe. Nous les avons déjà essayés », lâche un autre électeur.
C’est là que Saad Hariri a voté dimanche matin, dans une atmosphère de kermesse. Mais qui n’est pas partagée par tous, même parmi ses électeurs potentiels : « Je me sens désespéré, frustré. C’est le confessionnalisme dans toute sa gloire, il suffit de voir le découpage électoral de Beyrouth », affirme Mohammad Berjaoui, un instituteur de 35 ans.


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