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Liban - MONT-LIBAN II / REPORTAGE

Législatives : Au Metn, une célébration du « pluralisme de la société chrétienne »

Samy Gemayel a voté hier à Bickfaya. Michel Sayegh

Du littoral jusqu’à la montagne, en passant par la banlieue bordant Beyrouth par le nord-est, les Metniotes étaient appelés hier à élire huit députés, lors d’une longue journée électorale. Si la participation était timide dans les villages du Metn durant la matinée, et si elle s’est accentuée dans l’après-midi, elle était plutôt constante tout le long de la journée dans les localités du littoral. Cinq listes étaient en compétition, de nombreux partis ayant décidé de mener la bataille en solo. Cela s’est traduit sur le terrain par une diversité de couleurs et de slogans, sans le désordre habituel créé par les délégués qui, autrefois, distribuaient des listes de candidats à l’entrée des bureaux.

Amine Gemayel et la campagne « avant-gardiste »
Présent en force dans la plupart des localités, le parti Kataëb, qui se présente avec le PNL et nombre d’indépendants, s’est fait remarquer sur le terrain. Peu avant midi, Bickfaya a accueilli avec enthousiasme l’ancien président Amine Gemayel et son épouse Joyce, suivis par le président du parti, Samy Gemayel, qui a tenu à visiter tous les bureaux de vote et à saluer ses supporters. « Je laisse aux gens le choix de voter librement, puisque je respecte le silence électoral, contrairement à beaucoup d’autres », a affirmé Samy Gemayel, qui a préféré ne pas donner de pronostics.

De son côté, le président Amine Gemayel a estimé, lors d’un entretien accordé à L’OLJ, que « Samy a fait une campagne avant-gardiste qui reflète ses ambitions nationales ». « La mobilisation est importante ; espérons que nos candidats pourront répondre aux attentes des gens surtout sur le plan social, a-t-il ajouté. Il faut mettre un terme à la dilapidation des fonds publics et cela ne peut être réalisé qu’à travers une bonne gouvernance mise en place par le nouveau Parlement, s’il est formé d’éléments jeunes et responsables. Le parti Kataëb est en train de défier certaines traditions obsolètes et un système corrompu. Sa tâche est difficile car les mentalités anciennes sont bien ancrées, mais c’est un combat qui vaut la peine d’être mené. »

À Bickfaya, Carine, 27 ans, a estimé que « Samy Gemayel incarne le changement et se donne à fond en tant que député ». Dalal, une émigrée en Suède votant pour la première fois en 45 ans, a rappelé qu’il est important d’arrêter l’émigration. « Les émigrés ont besoin de stabilité pour rentrer au pays, afin que les jeunes puissent trouver un travail avec un salaire décent », a-t-elle expliqué. Quant à Karen, venue voter avec sa grand-mère, elle a estimé qu’« il est temps que les jeunes prennent les choses en main et que la corruption s’arrête », ajoutant que « la nouvelle loi électorale limite nos choix car aucune liste ne me convainc complètement ».


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« Un pluralisme qui caractérise la société chrétienne »
Pendant ce temps, l’ancien ministre et candidat sur la liste du CPL-Tachnag, Élias Bou Saab, votait à Dhour el-Choueir, et son collègue Ibrahim Kanaan, à Jdeidé. Les banderoles aounistes orange étaient déployées tandis qu’on entendait dans de nombreux villages des chansons patriotiques dédiées au général Michel Aoun. À Baabdate, où il aura fallu attendre la fin de la messe pour voir les électeurs affluer, Nabil, 75 ans, s’aidait de sa canne pour arriver au bureau de vote. « Je viens voter pour l’avenir. Et pour le président Aoun. Nous votons aujourd’hui pour pouvoir rester au Liban. Parce que même à mon âge, si la situation ne s’améliore pas, nous pouvons quitter ce pays. Mais je veux croire en l’avenir, je garde espoir », affirme-t-il. À Beit-Méry, tôt le matin, Ghassan Moukheiber, candidat sur la même liste, a voté, suivi par Lina Moukheiber, candidate sur la liste opposée dirigée par les FL. « Je vote pour la première fois, a affirmé Roy, 26 ans, et je donnerai ma voix à Ghassan Moukheiber. C’est un député qui travaille comme il faut, qui participe aux commissions et aux séances parlementaires. »

De son côté, Nicolas a espéré que ces législatives vont permettre de faire entrer dans l’hémicycle « de nouveaux visages ». « Je vote pour liste des FL car j’estime que c’est la liste qui rassemble le plus de candidats indépendants », a-t-il ajouté. Près de lui, une tente regroupant des partisans de Sarkis Sarkis, candidat sur la liste du CPL. « Nous avons besoin de députés comme Sarkis qui aide tous ceux qui frappent à sa porte », répétaient-ils.

À Sin el-Fil, dans la cour d’une école publique accueillant des bureaux de vote, une électrice exprimait un « ras-le-bol de la classe politique », tandis qu’une électrice handicapée peinait à monter les marches menant au bureau de vote. Sous une même tente, partisans du CPL, des FL et des Kataëb ont passé l’après-midi ensemble. « Nous sommes tous une même famille », a commenté à Mansourieh un représentant de la liste présidée par Michel el-Murr. « Quels que soient les résultats, nous féliciterons les gagnants. C’est la démocratie. Et c’est ce pluralisme qui caractérise la société chrétienne », a-t-il déclaré.


(Lire aussi : Les lenteurs du vote ont-elles fait ombrage à la liberté des législatives ?)



« Ressentiment à l’égard de Gebran Bassil »
Les partisans de Michel el-Murr étaient présents dans certaines localités plus que dans d’autres. L’ancien vice-président du Conseil avait voté à Bteghrine accompagné de son fils Élias, sous une pluie de roses et de riz. « La manière dont le CPL a essayé de se débarrasser de Michel el-Murr n’est pas éthique », assurait également Raja, un de ses partisans à Beit-Méry. À Jdeidé, de nombreux Arabes naturalisés votaient également en faveur de cette liste. De nombreux chiites aussi, comme Mona, qui a fait l’éloge d’un « homme modéré ». « Nous sommes des chiites du Metn qui avons souvent voté pour des partis chrétiens, mais cet homme au passé historique mérite de gagner. » Son cousin, Tarek, a pour sa part voté pour Murr par « ressentiment à l’égard de Gebran Bassil », chef du CPL. « Je suis partisan du mouvement Amal et Nabih Berry veut que ses 5 000 partisans au Metn soutiennent Michel el-Murr », a-t-il encore dit.

Près de lui, Fatmé, une octogénaire, se plaignait de devoir attendre plus de 2 heures pour voter avant de se ressaisir. « Cheikh Saad lui-même a attendu pour voter à Beyrouth, qui suis-je pour me plaindre ? » a-t-elle dit, avant d’affirmer que cette nouvelle loi « est chaotique car elle ne permet pas le panachage ».

La journée s’était déroulée sans problèmes majeurs, même si certains électeurs âgés ont dû souvent recevoir des instructions concernant le processus de vote de la part des présidents des bureaux. À Bourj Hammoud, où la plupart des électeurs votaient pour le Tachnag, une dispute a éclaté en fin de journée avec une journaliste d’al-Jadeed qui avait fait une remarque désobligeante au président d’un bureau de vote. Peu nombreux, les partisans de la société civile essayaient encore de convaincre certains électeurs indécis. Dana, 21 ans, votait pour la liste Koullouna Watani. « Même mes parents vont voter pour la société civile aujourd’hui. En tant que jeunes, nous n’avons pas d’avenir. Les jeunes émigrent parce qu’il n’y a pas de travail, et quand il y en a, les salaires sont médiocres. Il est temps de changer et d’essayer de nouveaux candidats », a-t-elle souligné.


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