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Liban - Mont-Liban III / Reportage

Mont-Liban III : Dans la Montagne, la guerre des drapeaux

Le chef de l’État, Michel Aoun, remplissant son devoir électoral à Haret Hreik, dans le caza de Baabda. Photo Dalati et Nohra

Dans les villages du Metn-Sud, le vote se déroule dans une ambiance paisible, et les quatre listes qui croisent le fer – Kataëb, indépendants, société civile, CPL, Hezbollah, Arslane et PSP-FL – se font surtout la guerre par drapeaux interposés.

Vers 10 heures, après avoir traversé Monteverde et remonté la vallée toute fleurie de genêts, on arrive à Zandouka où le CPL a investi l’entrée du village. Ses partisans ont installé une table et des chaises et proposent aux passants café et eau. Mais les bureaux de vote sont encore quasiment vides. Paisible aussi le village voisin de Kortada, où les portraits de Samir Geagea dominent le paysage. Les habitants sont à l’église, d’autres font encore la grasse matinée. Ils viendront plus tard. Cap alors sur Ras el-Metn, où le drapeau libanais de la société civile est brandi timidement parmi ceux du PSP et des FL. Du jamais-vu dans ce village du Metn-Sud. Même l’atmosphère est bon enfant entre les délégués des partis en lice. On peut dire que le Liban multiculturel et démocratique n’a pas totalement volé en éclats !

À l’école publique où se déroule le vote, la réponse est partout la même : tout roule bien et rondement. Même 30 personnes de la famille Freiha, qui avaient quitté le village pendant la guerre civile, sont là pour voter, et 80 autres électeurs de la même famille étaient attendus dans l’après-midi. Dans la cour, les habitants se retrouvent, s’embrassent et s’invitent les uns chez les autres. L’un explique qu’il faut voter pour éviter l’invasion du Parlement par le CPL, le Hezbollah et le Parti syrien national social, un argument qui a été brandi par nombre d’électeurs. Une jeune femme qui essuie consciencieusement l’encre de son doigt avec un mouchoir en papier annonce qu’elle a voté pour la liste de la société civile, provoquant une discussion assez agressive avec un groupe de parents et amis(es) tous pro-Joumblatt.

Plus haut à Deir el-Harf, où le taux de participation est le plus important de la région, les drapeaux du CPL et des FL flottent au vent. Malgré les divergences, pas d’accrocs entre eux. « Ici, nous sommes en famille », affirme Rami Abou Jaoudé, 36 ans, qui dit avoir glissé son bulletin dans l’urne « dans l’espoir d’un avenir meilleur ».
À Hammana, on rouspète contre l’interdiction du panachage qui permettait à l’électeur de biffer le nom d’un candidat sur la liste pour le remplacer par celui d’un autre tiré d’une liste concurrente. « Une aberration politique », déclare un vieux monsieur. Là aussi tout est calme, et jusqu’à midi on ne comptait que 65 électeurs. Soudain une dispute éclate entre des partisans, chacun d’eux tirant à lui une vieille dame qui venait d’arriver et qui semblait totalement perdue. Un membre de l’armée intervient demandant à la dame par qui elle voudrait être accompagnée. Aucune réponse. Une petite foule s’agglutine autour d’eux. Quelqu’un dit qu’elle est atteinte d’alzheimer. Ce qui n’était pas le cas de Marie Biri, 86 ans, qui assure savoir exactement pour qui elle va voter : « À ceux qui me donneront l’électricité, l’eau et la paix. » Encore faut-il qu’ils existent !


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Pique-nique champêtre
 Direction Aabbadiyé, à 150 mètres de l’école publique qui accueille les bureaux de vote. L’espace est un vrai pique-nique où les partis offrent sandwiches et boissons gazeuses. Il y a même des narguilés qui circulent, alors que sont diffusées des chansons tonitruantes. Le candidat Fadi Alamé (sur la liste CPL-Hezbollah-Arslane) passe dans l’indifférence presque générale, ou alors peu de gens le connaissent. Mais quand le ministre des Affaires sociales et candidat Pierre Bou Assi arrive, accompagnée de son épouse, il est aussitôt happé par des grappes de dames qui posent à ses côtés pour des photos-souvenir. Un monsieur lui fait observer qu’aucune mesure n’a été prise pour faciliter l’entrée des vieux et des handicapés dans les bureaux de vote, ce à quoi le ministre répond en se défaussant sur d’autres responsables. Un jeune couple vomit sa rancœur dans une longue diatribe : l’adolescence gâchée par la guerre civile, le mal-logement, le pays perdu, et comme un refrain « jamais ce pays n’a rien fait pour nous ».


(Lire aussi : Les lenteurs du vote ont-elles fait ombrage à la liberté des législatives ?)



À Baabda et Hadeth, c’est la couleur orange qui domine, les partisans du CPL occupant fermement le terrain. Le général Khalil Hélou trouve dommage que les partis chrétiens n’aient pas fait bloc pour barrer la route au Hezbollah. « Si nous avions une liste commune, on aurait pu rafler tous les sièges. Malheureusement, il y a eu trop de concessions. » Micha Nakhlé, 26 ans, vote pour la première fois. Cette ingénieure civile diplômée de la LAU espère toutefois du changement. Georges Francis ayant eu 21 ans il y a deux semaines n’a pas pu le faire. Son nom n’était pas enregistré sur la liste d’électeurs, mais il était là à encourager ses amis à voter.
Le plus surréaliste est toutefois dans la banlieue sud : les rues sont totalement vides, à l’exception d’une certaine animation devant les bureaux de vote. Mais le plus étrange reste du côté des quartiers Laylaki-Tahouita, Sfeir, Jamous et Mreijé. Jean Issa, le moukhtar de Laylaki, et Habib Boustany, responsable des Forces libanaises dans le secteur, recevaient Ali Ammar, le député du Hezbollah, pour un café. Dans l’après-midi, un partisan du Hezbollah, Sami Rahal, a également débarqué en visite amicale ! Les affiliés de Salah Haraké, qui se présente sur la liste FL-PSP, ont eu moins de chance : pressions et occupation des locaux de vote par les partisans du parti chiite ont retardé le processus de vote de deux à trois heures, selon ses partisans.


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