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Liban - Mont-Liban IV / Reportage

Législatives : Au Chouf et à Aley, la fibre communautaire domine

Dans un des bureaux de vote à Baakline, les files d’attente se prolongent. Photo N.M.

Le rouge, couleur adoptée par la liste de « la Réconciliation », fruit d’une alliance entre le Parti socialiste progressiste (PSP), les Forces libanaises (FL) et le courant du Futur, et dans une moindre mesure l’orange du Courant patriotique libre (CPL) sont omniprésents dans la circonscription du Mont-Liban IV (Chouf-Aley) où plus de 320 000 électeurs étaient appelés hier à choisir treize députés – cinq maronites, quatre druzes, deux sunnites, un grec-catholique et un grec-orthodoxe – parmi soixante-quatre candidats répartis sur six listes.

Mis à part deux incidents enregistrés en matinée à Barja, dans l’Iqlim el-Kharroub, à majorité sunnite, et en fin d’après-midi à Choueifate, sur le littoral de Aley, l’ambiance est calme et bon enfant. Les routes sont pratiquement vides dans l’ensemble de la circonscription, sauf dans les périmètres des bureaux de vote où la circulation se fait un peu plus dense.

Dans pratiquement tous les villages de la circonscription, la plus grande en termes de nombre de sièges, de petits convois du PSP sillonnent les rues, brandissant les fanions du parti. Des photos des trois générations des Joumblatt – Kamal, Walid et Teymour, candidat à la succession de son père – foisonnent dans les rues.
« Je suis venue voter Teymour », clame haut et fort Rouane, jeune fille de 23 ans, qui exerce son droit électoral pour la première fois, à Baakline. « C’est un jour de gloire », lance-t-elle sur un ton enjoué. La jeune femme est accompagnée de sa sœur et de son père, Imad, qui affirme que « les électeurs sont venus de leur plein gré ». « L’important, c’est que les gens exercent leur droit de manière démocratique, poursuit-il. Cette nouvelle loi est taillée sur mesure. Elle n’est pas adaptée à un pays où la fibre communautaire l’emporte. Même nos partis sont communautaires. Malgré tout ce qu’on peut reprocher à Walid beik, l’heure H, on oublie tout. »

Quelques pas plus loin, Rim Merhi attend son tour patiemment dans la file qui se prolonge devant ce bureau électoral. Sur son visage se lit une vive indignation. « Cette journée me rappelle que le peuple libanais est ignorant, se désole la jeune femme de 24 ans. La civilisation commence par la manière de voter. Tout le monde essaie de doubler l’autre pour réélire les personnes qui leur ont appris le manque de civilité. Quant aux délégués, ils sont en train d’imposer aux électeurs le nom du candidat qui bénéficiera de leur vote préférentiel. C’est inacceptable ! » Et Rim d’insister : « L’ambiance est imprégnée d’ignorance. Personnellement, je suis venue voter pour un vrai changement. »


(Lire aussi : Législatives libanaises 2018 : Les leçons à retenir du scrutin)



Échauffourées à Barja et Choueifate
Dans l’Iqlim el-Kharroub, notamment à Barja, le ton est au bleu. Les représentants et partisans de Ali el-Hajj, candidat sur la liste de la « Garantie de la Montagne », fruit de l’alliance entre le Parti démocratique libanais de Talal Arslane, le CPL et le Parti syrien national social (PSNS), sont présents en force dans ce village. Ici, l’ambiance dénote avec le reste de la circonscription. Le ton monte d’un cran entre un jeune électeur et des délégués du courant du Futur. Un accrochage qui dégénère pour opposer les délégués du courant du Futur d’une part à ceux de Ali el-Hajj d’autre part. Ce qui pousse les forces de l’ordre à interdire l’accès du bureau de vote aux électeurs le temps de contenir l’incident. L’armée renforce aussi son déploiement devant ce bureau de vote, établi à l’école publique de Barja-Dimas.

À Choueifate également, la journée, qui a démarré de manière calme, s’est clôturée, peu de temps avant la fermeture des bureaux de vote, par des échauffourées qui ont éclaté à l’intérieur d’un centre où une urne a été endommagée lors d’une empoignade. Les bulletins de vote se sont éparpillés sur le sol. Un peu plus tard, un automobiliste refuse de s’arrêter à un barrage de l’armée dans le périmètre d’un bureau de vote, poussant les militaires à l’extirper de force de son véhicule, sous les objectifs des caméras. L’identité et les motivations du conducteur n’ont pas été connues.


(Lire aussi : Les lenteurs du vote ont-elles fait ombrage à la liberté des législatives ?)



Lutte contre la corruption
L’orange domine à Damour où les délégués des candidats du CPL Farid Boustany et Mario Aoun sont déployés en grand nombre devant les bureaux de vote, ainsi que ceux de Ziad Choueiri, candidat sur la liste de « l’Union nationale », parrainée par l’ancien ministre Wi’am Wahhab. Nayla, 60 ans, est stricte : « Il est important d’exprimer en cette journée notre volonté de jeter aux oubliettes nos vieux dirigeants qui ont, au cours des dernières années, laissé le pays sombrer. Peut-être que les autres n’ont pas de chance, mais il faut commencer à faire bouger les choses. Le problème de la société civile, c’est qu’elle s’est départagé les voix, au lieu de s’unir dans une même liste et de faire un bloc contre les partis traditionnels. »

À Deir el-Qamar, Ibrahim, 63 ans, affirme vouloir voter en faveur des FL. « Le Liban est beau, mais les corrompus sont nombreux, souligne-t-il. Nous voulons des gens qui luttent contre la corruption. » Dans cette ville, les représentants du Parti national libéral sont omniprésents. « Historiquement, cette ville vote Camille (Chamoun) et Kamal (Joumblatt), confie Élie, 28 ans. J’espère qu’elle rendra justice aux Chamoun (en allusion à Camille Chamoun, candidat sur la liste “La décision libre”, fruit d’une alliance entre le PNL et les Kataëb) parce qu’ils sont les seuls à ne pas avoir volé le pays. » Ici aussi, l’allégeance aux candidats du PSP, Nagy Boustany, et des FL, Georges Adwan, est fortement ressentie.
Bhamdoun est loyale dans sa majorité à Walid Khairallah, ancien président du conseil municipal, qui « a fait ses preuves et œuvré pour le redressement du village », affirme Nadim. « Ici, nous sommes contraints de voter pour ceux qui œuvrent dans ce sens puisque le village et tout le caza ont souffert du déplacement et de la destruction de 1983. » Sa fille Néda, 23 ans, n’est pas très convaincue par son discours. Elle affirme avoir fait ses propres recherches et vouloir « voter pour un renouveau ».
À Aley, en fin d’après-midi, les électeurs se font rares. Mais dans le chef-lieu du caza, le ton était au rouge, et plus précisément en faveur du candidat du PSP, Akram Chehayeb. Même tableau à Kahalé, qui a revêtu dans sa majorité les couleurs du parti orange.


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