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Liban - Reportage

Liban-Nord III : Une vague orange déferle sur Batroun

Une bataille prononcée entre le CPL et les FL se déroulait dans les 67 villages de ce caza majoritairement maronite, qui compte de petites minorités grecque-orthodoxe, chiite et sunnite.

Le ministre des Affaires étrangères et candidat à l’un des sièges à Batroun, Gebran Bassil, en compagnie d’un enfant tout d’orange vêtu... Photo ANI

Les électeurs de Batroun devaient choisir, hier, deux représentants maronites dans la circonscription du Liban-Nord III, où quatre listes regroupant des candidats de Zghorta, Koura, Bécharré et Batroun étaient en lice. Dans ce dernier caza, sept candidats se disputaient les deux sièges maronites. Il s’agit de Gebran Bassil et Nehmé Ibrahim du Courant patriotique libre (CPL) sur la liste « Le Nord fort », de Fady Saad des Forces libanaises (FL) et Samer Saadé du parti Kataëb sur la liste du « Pouls de la République forte », Boutros Harb qui se présentait seul à Batroun sur la liste « Ensemble pour le Liban et le Nord », soutenue par les Marada, et Layal Bou Moussa et Antoun Khoury Harb qui figuraient sur la liste de la société civile Koullouna Watani.
À la fermeture des bureaux de vote, le taux de participation était de 52 % à Batroun.

« J’étais CPL, je suis FL… »
Le parvis de l’église Mar Saba, à Eddé, caza de Batroun. Ici, les électeurs et les délégués du CPL et du FL fraternisent et racontent au fil de la conversation l’histoire du village.
 « Le premier martyr Kataëb était le frère de mon grand-père, originaire de ce village. Il s’appelait Ibrahim Najem. Il est tombé lors des événements de 1958. Notre village était donc initialement Kataëb. Il a rassemblé de nombreux partisans FL et, ensuite, avec l’arrivée du général Michel Aoun au pouvoir, beaucoup ont suivi le CPL », raconte Nizar, qui clame sur tous les toits qu’il votera pour les FL.
 « J’étais CPL auparavant. Parce que je croyais au changement et parce que je voulais libérer le Liban de l’occupation syrienne. Et puis les choses ont changé. J’ai vu surtout du népotisme et de la corruption. En 2009, j’ai voulu sanctionner mon propre parti. J’ai voté donc en choisissant seulement un député CPL et un autre FL. Aujourd’hui, j’ai changé de bord et je voterai pour les FL. Depuis que Michel Aoun est président de la République, c’est toute sa famille qui est au pouvoir. C’est à se demander où se trouvent la réforme et le changement », martèle-t-il. Et à ceux qui disent que c’est le ministre Gebran Bassil qui l’emportera haut la main à Batroun, Élie rétorque que « ce n’est pas une réussite ». « Il est le gendre du président, il est ministre depuis treize ans et la loi électorale a été conçue pour qu’il soit élu. Et vous savez aussi au Liban comment les choses et les intérêts des gens fonctionnent », dit-il.


(Lire aussi : Législatives libanaises 2018 : Les leçons à retenir du scrutin)


Pourtant, quoi qu’en disent les partisans FL ou Kataëb, la couleur de Batroun était orange hier. D’ailleurs, à Jrane, village du candidat FL Fady Saad, de nombreuses personnes qui attendaient devant le bureau de vote arboraient la couleur du CPL. Carine, 25 ans, vote pour la première fois, comme 20 % des électeurs qui ont eu 21 ans au cours de ces neuf dernières années. À la question de savoir si les jeunes apporteront un souffle nouveau à la vie politique libanaise, la jeune fille, qui porte un t-shirt orange, indique que « chacun fait selon sa conscience et ses convictions ». Un peu plus loin d’elle, une petite fille, venue au bureau de vote avec ses parents, tient une poupée de chiffon aux cheveux couleur orange. Sa maman, Paméla, explique : « Nous n’avons pas fait exprès pour la couleur des cheveux, mais ça tombe bien, car elle montre bien notre appartenance. »


(Lire aussi : Les lenteurs du vote ont-elles fait ombrage à la liberté des législatives ?)



Boutros Harb et les « nouveaux venus »...
À Chabtine, village du candidat Kataëb Samer Saadé, les partisans Kataëb jouent à fond la caisse une chanson que des artistes du caza ont créée spécialement pour le candidat du village. Dans les bureaux de vote, ce sont les délégués des Kataëb et du CPL qui sont les plus nombreux.
À Kfifane, on vote dans le salon de l’église et deux tentes dressées non loin de là se livrent une guerre d’hymnes partisans CPL et FL, faisant régner une affreuse cacophonie.
Entre les oliviers, les genêts en fleurs et les arbres fruitiers, et dans une ambiance bon enfant, les habitants du jurd de Batroun, notamment Bchéaïlé, Douma et Tannourine, ont divisé en gros leur vote sur trois listes, celles du CPL, des FL et de Boutros Harb allié aux Marada. Historiquement, ces villages perchés de Batroun faisaient partie de la « zone libre » gérée par la résistance chrétienne, à l’instar de Beyrouth-Est et sa banlieue lors de la guerre du Liban.

À Tannourine, fief du député Boutros Harb, on dénonce « les nouveaux venus, ceux qui ne respectent pas l’histoire et les personnes qui se sont données à fond par le passé au caza ». Dans un entretien à L’Orient-Le Jour, M. Harb, qui a contracté une alliance contre nature avec les Marada, met en cause « la loi qui a fait en sorte d’empêcher que les élections soient menées sur la base des principes politiques. De plus, le pouvoir en place est un pouvoir partisan qui privilégie des candidats contre d’autres ». « Il fallait également faire avec l’argent politique », ajoute-t-il.
La liste de la société civile, elle, n’avait pas beaucoup de partisans. Et ses délégués étaient peu nombreux dans les bureaux de vote.

Cap enfin sur Batroun, chef-lieu du caza. Ici, tout est orange, même les roues des voitures peintes de cette couleur spécialement pour les élections. Le siège de la machine électorale du ministre des Affaires étrangères Gebran Bassil est comparable à une ruche d’abeilles. À 16h, les ordinateurs simulaient déjà les résultats selon les pronostics donnés par les délégués du parti. Non loin de là, dans l’un des bureaux de vote, deux délégués, l’un FL et l’autre CPL, affirment que les liens sociaux sont plus importants que les rivalités politiques – et pourtant, l’on sent que l’ambiance est un peu tendue.
À Batroun, comme dans les autres villages du caza, délégués et électeurs promettent que quels que soient les résultats, ils iront en bons Libanais trinquer à l’arak et partager une kebbé nayé. En espérant qu’ils tiendront parole.


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