Le Premier ministre libanais, Saad Hariri (c.), s'adressant à ses supporters venus à sa rencontre à la Maison du Centre, le 22 novembre 2017. Photo AFP / STR
En annonçant aujourd'hui en fin de matinée, sur le perron du palais présidentiel de Baabda, qu'il gelait sa démission, à la demande du chef de l'Etat, Michel Aoun, le Premier ministre, Saad Hariri, a engagé le pays sur la voie d'une phase délicate, celle de discussions sur le problème de fond qui se pose aujourd'hui au pays.
Dans l'immédiat, la position de M. Hariri a pour conséquence, à court terme, de faire baisser la tension politique née de la démission du chef du gouvernement, le 4 novembre à partir de Riyad. De source proche de la présidence de la République, on indique que la décision du Premier ministre est le fruit, entre autres, des démarches intensives entreprises ces derniers jours par le président français Emmanuel Macron avec le président Aoun ainsi qu'avec les dirigeants américains, saoudiens, israéliens et égyptiens. L'objectif recherché par l'Elysée au stade actuel était de calmer le jeu, comme première étape, afin d'éviter que le Liban ne sombre dans une situation de crise institutionnelle aigue.
Le risque immédiat d'instabilité chronique ayant été ainsi écarté, pour l'heure, le président Aoun et le Premier ministre devraient entamer d'ici quarante-huit heures, peut-être même dès demain, des discussions avec les principales factions locales afin de débattre du problème de fond. Un délai d'une quinzaine de jours aurait été convenu afin de mener à bien ce dialogue dont le chef d'orchestre sera à l'évidence le président Aoun. Le Hezbollah aurait indiqué qu'il est disposé à se prêter au jeu et à faciliter un tel dialogue, ce qui aurait amené M. Hariri à accepter de geler sa démission.
Sur quoi porteront ces discussions ? Dans la déclaration écrite qu'il a lue ce matin au Palais de Baabda, le Premier ministre est retourné aux fondamentaux et a réitéré les mêmes positions de principe qu'il avait exposées à Riyad lorsqu'il avait annoncé sa démission. La différence, c'est que cette fois-ci, il a adopté un ton calme et serein, et, surtout, il s'est abstenu de faire allusion au Hezbollah et à l'Iran, comme il l'avait fait de manière ferme et agressive dans le communiqué qu'il avait lu à Riyad.
(Lire aussi : Hariri accueilli par une foule de partisans à la Maison du Centre : "Je resterai avec vous")
Mais au-delà de cette question de forme, M. Hariri persiste et signe. Sur le perron du Palais de Baabda, il a souligné qu'il laissait la porte ouverte à un dialogue qui devrait porter, a-t-il clairement précisé, sur les moyens de tenir le Liban à l'écart des guerres et des conflits de la région, d'une part, et sur la nécessité de préserver les bonnes relations du Liban avec les pays arabes, d'autre part. Une façon diplomatique et « soft » de réaffirmer son intention de discuter, notamment avec le président Aoun, de l'implication du Hezbollah dans la guerre en Syrie, dans les actions déstabilisatrices menées dans certains pays arabes, et surtout dans les campagnes médiatiques et politiques contre l'Arabie saoudite. D'emblée, M. Hariri a annoncé la couleur sur ce plan en lançant à trois reprises, avec insistance et détermination, le slogan « Liban d'abord », lors de l'imposant meeting populaire organisé par ses partisans devant sa résidence, la « Maison du centre », à Beyrouth, au terme des cérémonies de l'indépendance. De manière plus explicite, il a exhorté toutes les parties libanaises – mais sans nommer, là aussi, le Hezbollah- à faire prévaloir l'intérêt libanais sur tout autre intérêt étranger ou arabe.
M. Hariri réussira-t-il, sur base du geste de bonne volonté qu'il a fait ce matin, à amener le président Aoun à recentrer sa ligne de conduite, dans le sens d'un plus grand équilibre, en veillant au respect de la politique de distanciation à l'égard des conflits régionaux ? La réponse à cette interrogation dépendra, à l'évidence, des véritables intentions de l'Iran et du Hezbollah. Si la période de quinze jours qui a été convenue pour remettre sur le tapis ce problème de fond n'aboutit pas à des résultats palpables au niveau d'un rééquilibrage de la position du pouvoir, M. Hariri pourrait alors confirmer sa démission et poursuivre son action politique en dehors du gouvernement. Et à cet égard, il a mis un terme aujourd'hui, lors du rassemblement populaire devant sa résidence, à toutes les rumeurs selon lesquelles il pourrait se retirer de la politique et passer le flambeau à son frère Bahaa. « Je continuerai le combat avec vous et vous me verrez dans toutes les régions du Liban », a-t-il aini lancé aux milliers de ses partisans qui l'acclamaient avec enthousiasme.
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10 h 04, le 23 novembre 2017