Le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a demandé lundi aux pays de la Ligue arabe de ne pas se mêler des affaires internes du Liban. Ces propos interviennent au lendemain de l'adoption par les ministres arabes des Affaires étrangères d'un communiqué, au nom de la Ligue arabe, qualifiant le Hezbollah d'"organisation terroriste".
Le discours du leader chiite était en grande partie consacré aux questions régionales. Evoquant brièvement la crise gouvernementale qui secoue le Liban depuis la démission du Premier ministre, Saad Hariri, Hassan Nasrallah s'est contenté de souligner qu'il attendait son retour à Beyrouth, se disant "ouvert au dialogue".
"Je ne vais pas répondre aux accusations contre le Hezbollah de ne pas avoir respecté le compromis politique (en référence à l'accord politique qui a permis à Michel Aoun d'accéder à la présidence de la République et à M. Hariri à la présidence du gouvernement). La priorité est au retour de Saad Hariri", a-t-il ajouté, réaffirmant qu'il ne considère pas le Premier ministre comme étant démissionnaire.
Depuis sa démission annoncée le 4 novembre depuis Riyad, M. Hariri n'était pas rentré au Liban pour présenter officiellement sa démission. Et ce malgré les appels unanimes de la classe politique libanaise, y compris de la part du Courant du Futur. Samedi, à partir de Paris où il se trouve à l'invitation du président français, Emmanuel Macron, M. Hariri avait annoncé qu'il reviendrait au Liban pour la fête de l'Indépendance et qu'il précisera à ce moment-là, après un entretien avec Michel Aoun, ses intentions.
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"Ces accusations ne sont pas nouvelles"
Dans son discours retransmis sur les chaînes de télévision, Hassan Nasrallah s'est longuement attardé sur la réunion extraordinaire, tenue dimanche au Caire, des ministre des Affaires étrangères, convoquée par l'Arabie saoudite, et à l'issue de laquelle la Ligue arabe a accusé "le Hezbollah et les Gardiens de la révolution iraniens de financer et d'entraîner des groupes terroristes à Bahreïn". Dans sa déclaration finale, la Ligue arabe a également "fait assumer au Hezbollah, un partenaire dans le gouvernement libanais, la responsabilité de fournir aux groupes terroristes dans les pays arabes des armes sophistiquées et des missiles balistiques".
"Ces accusations ne sont pas nouvelles et il n'y pas de raison pour que cela suscite une inquiétude ou une tension", a lancé le leader chiite.
"Au moment où le Hezbollah libère (la ville syrienne de) Boukamal de Daech (acronyme arabe de l'EI, ndlr), ils le déclarent organisation terroriste, a dénoncé le leader chiite. Ils accusent l'Iran d’être un État parrainant le terrorisme alors que l'Iran aide à combattre la terrorisme". Et de lancer : "Et vous, qu'avez-vous fait dans le combat contre Daech ? Où l'Arabie saoudite a-t-elle combattu Daech ?"
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Et Hassan Nasrallah de poursuivre en s'adressant aux pays arabes : "Les armes du Hezbollah constituent un facteur important pour préserver la stabilité au Liban. Laissez le Liban tranquille et ne vous mêlez pas de ses affaires si vous vous souciez de sa sécurité, a-t-il lancé. N'envoyez pas les tafkiristes au Liban et ne provoquez pas Israël (afin qu'il mène une nouvelle offensive contre le Liban, ndlr)". "Qui protège le Liban d'Israël ? Vous et vos armes?", a-t-il également lancé.
Il y a quelques jours, le leader chiite avait accusé Riyad d'avoir demandé à Israël de frapper militairement le Liban. L'Arabie saoudite et Israël n'ont pas de relations diplomatiques, mais un ennemi commun, l'Iran, dont l'expansion régionale les alarme. La récente escalade verbale entre Riyad et Téhéran, qui s'affrontent par alliés interposés sur les théâtres de guerre du Proche-Orient, a nourri les conjectures sur une convergence secrète entre l'Arabie saoudite et Israël et la possibilité d'une action contre l'Iran ou le Hezbollah libanais, son allié et autre grand ennemi d'Israël.
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"J'ai beaucoup ri en lisant un point soulevé par La ligue arabe", a ajouté Nasrallah en lisant l'article de la déclaration qui fait assumer au Hezbollah la responsabilité de "fournir aux groupes terroristes dans les pays arabes des armes sophistiquées et des missiles balistiques". "Nous avons uniquement envoyé des armes en Palestine et je suis fier de le dire, a-t-il répondu. Et en Syrie, il y a les armes avec lesquelles nous combattons". Et d'insister : "Nous n'avons jamais envoyé d'armes au Yémen, à Bahreïn ou au Koweït, nous n'avons jamais envoyé d'armes vers aucun pays arabe".
"Est-ce cela l'honneur des Arabes?
Selon le leader chiite, la raison de la tenue de la réunion de la Ligue arabe est le tir, début novembre, d'un missile balistique depuis le Yémen vers l'aéroport de Riyad. Le tir de ce missile, intercepté près de la capitale saoudienne, a été revendiqué par les rebelles chiites houthis, qui luttent au Yémen contre une coalition militaire emmenée par l'Arabie saoudite. Hassan Nasrallah a dans ce contexte nié lundi toute implication. "Je nie catégoriquement le lien de tout homme du Hezbollah avec le tir de ce missile", a-t-il dit.
Il a en outre dénoncé la situation humanitaire au Yémen, rappelant que des milliers de yéménites souffrent de choléra. "Est-ce cela l'honneur des Arabes?", a-t-il lancé, appelant l'Arabie à mettre fin à son blocus. "Êtes-vous sans cœur? Sans religion?, a-t-il martelé. Nous voyons des milliers de Yéménites mourir de faim et le monde entier est silencieux. Y a-t-il un seul mot dans la déclaration de la Ligue arabe concernant le Yémen? (...) Les pays arabes sont muets devant un peuple entier".
Prêt à se retirer d'Irak
Le secrétaire général du Hezbollah a également abordé les conflits irakiens et syriens, se disant être prêt à retirer ses combattants d'Irak après la défaite totale du groupe Etat islamique (EI), acculé dans ses derniers réduits.
"Au début de la guerre contre l'EI, nous avons envoyé un grand nombre de commandants, d'entraîneurs et d'experts et nous avons eu des blessés et des morts, a indiqué le leader chiite. Si nous jugeons que c'est fini et qu'il n'est plus nécessaire pour nos frères de rester là-bas, ils reviendront (au Liban) pour rejoindre d'autres théâtres d'intervention". "Nous considérons que la mission a été accomplie, mais nous attendons l'annonce irakienne de la victoire finale", a souligné Hassan Nasrallah, dont le mouvement est également présent contre l'EI en Syrie voisine.
L'Irak a repris le 17 novembre en quelques heures la toute dernière localité tenue par l'EI sur son territoire, Rawa, infligeant une nouvelle défaite à l'organisation jihadiste qui ne contrôle plus que quelques zones désertiques à la frontière syrienne.
Les autorités de Bagdad ont annoncé vendredi avoir repris Rawa, dernière localité tenue par l'EI sur le territoire irakien, infligeant une nouvelle défaite à l'organisation jihadiste qui ne contrôle plus que quelques zones désertiques à la frontière syrienne. En un peu plus de trois ans, l'organisation ultraviolente responsables d'exactions et d'attentats sanglants a vu son "califat" autoproclamé en 2014 sur de larges pans de l'Irak et de la Syrie s'écrouler quasiment totalement.
"L'Etat de Daech est fini"
Le chef du Hezbollah a d'ailleurs affirmé qu'après la libération totale de la ville syrienne de Boukamal, le "califat" de l'EI sera fini. "Après Alep, Deir ez-Zor, Mayadine, la dernière bataille se passe à Boukamal. Quand le dernier quartier de cette ville sera libéré, l'histoire pourra marquer la fin de Daech en tant qu'Etat avec ses infrastructures, a-t-il lancé affirmant toutefois que "cela ne veut pas dire la fin de l'organisation jihadiste".
L'armée syrienne et ses alliés ont progressé samedi à Boukamal, reprenant le contrôle de la quasi totalité du dernier bastion urbain contrôlé par le groupe jihadiste en Syrie.
Hassan Nasrallah a accusé les Etats-Unis d'avoir "soutenu l'EI par tous les moyens" à Boukamal où, a-t-il indiqué, le parti chiite a perdu de nombreux combattants. "Les Etats-Unis ont assuré une protection aérienne à Daech, lui ont fourni des renseignements et lui ont procuré toutes les facilités pour qu'il se retire" de la ville. "L'Iran est par contre resté aux côtés de la Syrie, de l'Irak et du Liban dans le combat contre Daech", a affirmé Nasrallah. "L'Etat de Daech est fini", a-t-il encore martelé comparant le groupe jihadiste à un "cancer" qui pourrait à nouveau réapparaître.
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" Le premier des droits de l'homme c'est la liberté individuelle, la liberté de la pensée. " Jean Jaurès
FAKHOURI
16 h 07, le 21 novembre 2017