Le Premier ministre libanais Saad Hariri, dont la démission le 4 novembre depuis Riyad a pris de court son pays et la communauté internationale, est retourné mardi soir au Liban pour la fête de l'Indépendance, célébrée mercredi, après une médiation de la France. Le président Michel Aoun attendait ce retour avant d'accepter sa démission, la tradition voulant que celle-ci soit remise par écrit et sur le sol libanais, ce qui n'a pas été le cas.
Que va faire le chef de gouvernement démissionnaire? Dans le pays profondément divisé entre le camp emmené par M. Hariri et celui dirigé par son rival le Hezbollah chiite pro-iranien, trois scénarios sont envisageables.
Nouveau gouvernement sans Hariri
Si M. Hariri maintient sa démission, son gouvernement se chargera des affaires courantes.
"Quand le Premier ministre présente sa démission, il est naturel que le président le charge de diriger un gouvernement d'affaires courantes", explique à l'AFP l'expert constitutionnel Edmond Rizk.
Or la démission d'un Premier ministre à partir d'un sol étranger est sans précédent dans l'histoire du Liban, soulevant des interrogations sur la recevabilité de celle-ci par le chef de l'Etat.
Le Liban étant une démocratie parlementaire, le président de la République doit ensuite entamer des consultations avec les députés de tous bords en vue de nommer un nouveau Premier ministre.
Parmi les possibles candidats, les ex-Premiers ministres Fouad Siniora, un des "faucons" du camp emmené par M. Hariri et hostile au Hezbollah, ou Najib Mikati, une figure sunnite plus acceptée par le parti chiite.
Retour de Hariri après compromis
Au Liban, pays aux équilibres confessionnels fragiles, l'élection du président (chrétien) et la nomination du Premier ministre (sunnite) font l'objet de tractations laborieuses entre différents partis politiques. Le processus peut prendre du temps.
Le pays était resté plus de deux ans sans président, avant qu'un accord en 2016 entre les deux camps rivaux ne permette d'élire M. Aoun à la présidence. Par la suite, M. Hariri, un protégé de Riyad, a été nommé Premier ministre à la tête d'un gouvernement comprenant son rival, le Hezbollah.
Si les députés choisissent de nouveau M. Hariri, "il devra former un nouveau gouvernement. Ce pourrait être une sortie" de crise, précise M. Rizk.
Mais les négociations en vue d'un nouveau gouvernement se heurteront une fois de plus aux sujets qui fâchent et qui sont à l'origine de la démission de M. Hariri, notamment les accusations d'ingérence du Hezbollah dans des conflits qui déchirent le Moyen-Orient, comme en Syrie et au Yémen.
Poids lourd de la politique libanaise, le Hezbollah est le seul mouvement à ne pas avoir déposé les armes après la guerre civile libanaise (1975-1990). Son arsenal est la principale pomme de discorde au Liban.
En démissionnant, M. Hariri avait dénoncé la "mainmise" de l'Iran et de son allié du Hezbollah sur le Liban.
Retour sur sa démission
M. Hariri peut tout simplement revenir sur sa démission. C'est ce qu'il a fait entendre, en posant notamment comme condition le respect d'une "politique de distanciation" vis-à-vis des conflits régionaux, une allusion claire au Hezbollah.
"Je ferai connaître ma position après m'être entretenu avec le président Michel Aoun, avait-il lancé samedi dernier depuis Paris. Vous savez que j'ai présenté ma démission et on en discutera au Liban".
Un appel reçu favorablement lundi soir par le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah. "Nous sommes ouverts à tout dialogue, toute discussion dans le pays".
NB : Cet article a été actualisé dans la nuit de mardi à mercredi.
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"Nous sommes ouverts à tout dialogue, toute discussion dans le pays". A condition, bien sûr que l'on ne remette pas en cause notre droit fondamental de posséder des armes ni celui, non moins évident, de soutenir militairement tous les mouvements révolutionnaires chiites deans les pays du P-O!
07 h 09, le 22 novembre 2017