Le président de la République recevant hier des délégations scolaires à Baabda. Photo Dalati et Nohra
Au-delà de la question de son « sort » qu'il a certainement voulu clarifier, le Premier ministre démissionnaire Saad Hariri, salué dès dimanche soir par le député Walid Joumblatt comme « l'homme du compromis et du dialogue », a profité de son entretien télévisé pour plaider en faveur de la politique de distanciation du Liban par rapport aux axes régionaux. Il a, par la même occasion, appelé le Hezbollah à mettre fin à ses ingérences dans les pays arabes. Si ces propos de M. Hariri ont été interprétés comme un appel à un dialogue qui serait principalement axé sur la question épineuse de l'arsenal du parti chiite, la balle semble désormais être dans le camp du président de la République, Michel Aoun. Ce dernier devrait donc tenter de convaincre son allié chiite d'accepter de remettre la question de ses armes sur le tapis.
C'est d'ailleurs sur cette base que le député Okab Sakr (courant du Futur) a expliqué les propos du Premier ministre démissionnaire. « Sur le plan strictement local, les armes du Hezbollah devraient être discutées dans le cadre d'une table de dialogue », a-t-il déclaré dans un entretien accordé hier à la LBCI. « Il est nécessaire de tenir un dialogue et de discuter de la stratégie de défense, dans la mesure où il est très important de mettre immédiatement un terme à l'ingérence du Hezbollah dans les affaires des pays arabes », a-t-il ajouté.
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Se voulant encore plus clair, Okab Sakr a déclaré sans détours : « La démission est définitive, sauf si le Hezbollah abandonne sa stratégie régionale et s'engage dans un dialogue interne qui porterait sur ses armes. »
Mais il va sans dire qu'une telle décision ne pourra voir le jour prochainement, au vu, notamment, des intérêts stratégiques iraniens dans la région et de l'épreuve de force que cela suscite entre Téhéran et Riyad. C'est sans doute ce constat pragmatique qui pousse certains à mettre en garde contre une longue crise que vit le pays et que le retour de Saad Hariri à Beyrouth ne suffirait pas à résoudre.
À la faveur de cette logique, les Forces libanaises (FL), l'allié chrétien de Michel Aoun, ont invité le président à jouer son rôle sur ce plan, en sa qualité d'allié du parti chiite depuis plus d'une dizaine d'années. « C'est le président Aoun qui devrait se charger des pourparlers avec le Hezbollah, afin de conserver la patrie, mais aussi le compromis politique de 2016 », souligne ainsi un cadre FL à L'Orient-Le Jour.
Il reste que Meerab n'hésite pas à adresser des messages directs à son plus grand adversaire politique : « Si le Hezbollah est tellement soucieux du maintien de l'accord élargi d'octobre 2016, il devrait répondre favorablement aux appels de Saad Hariri », ajoute le proche de Samir Geagea, estimant que « le Premier ministre a imposé de nouvelles conditions à l'application de l'entente politique ».
« Il est encore possible de sauver le compromis si le gouvernement se conforme réellement à la politique de distanciation du Liban, notamment pour ce qui est du retrait du Hezbollah de Syrie et des crises régionales », a d'ailleurs relevé hier le président des FL, Samir Geagea, sur son compte Twitter.
Se voulant encore plus optimiste, Boutros Harb, député de Batroun, estime, dans une déclaration à L'OLJ, que « l'entretien télévisé de M. Hariri a facilité la recherche d'une solution, même si le problème des armes du Hezbollah existe toujours ». Selon lui, « la neutralité du Liban de même que la tenue d'un dialogue ne sont plus une option théorique ».
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Le Hezbollah s'en prend à Riyad
De son côté, le Hezbollah continue de focaliser son discours politique sur la « forme » de la démission de Saad Hariri et reste encore très loin des motifs de cette décision surprise annoncée le 4 novembre. L'interview de M. Hariri n'a pour l'instant modifié en rien le positionnement du parti chiite. Loin de là. Le Hezbollah a décidé d'en profiter pour tirer à boulets rouges sur le royaume wahhabite, l'accusant d'exercer des pressions sur le Premier ministre démissionnaire. C'est donc à une nouvelle campagne médiatique que l'on devrait s'attendre de la part du parti chiite, après celle menée par les médias proches de lui, appelant à clarifier le sort de Saad Hariri, « assigné à résidence par les autorités saoudiennes ».
Ainsi, Hussein Moussaoui, député de Baalbeck (Hezbollah), préfère ne pas commenter explicitement le fond de l'entretien de M. Hariri. Interrogé par L'OLJ, il estime que « les propos de Saad Hariri sont ceux d'une personne détenue par des criminels ». « Nous ne commentons pas ce genre de discours et espérons le retour de M. Hariri », ajoute-t-il.
Mais Hachem Safieddine, membre du conseil politique du parti chiite, s'est pour sa part déchaîné sans détour contre Riyad, qui a « insulté le Liban, un État souverain ». Une allusion à la manière dont Saad Hariri a annoncé sa démission par le biais d'une lecture d'un communiqué retransmise par la chaîne al-Arabiya. « Si l'Arabie veut accomplir un objectif lié à ses alliés libanais faibles, cela ne signifie aucunement qu'elle peut porter atteinte au Liban et ce qui y est établi », a-t-il lancé dans un discours prononcé lors d'une cérémonie, estimant que le royaume « voudrait attaquer et détruire le Liban ».
Mais dans les milieux chiites hostiles à la formation dirigée par Hassan Nasrallah, on adopte une approche beaucoup plus pragmatique dénonçant les infractions commises par le parti de Dieu au compromis politique. On ajoute aussi une dimension régionale et internationale : la démission de Saad Hariri n'est autre que le résultat de l'indignation de la communauté internationale face aux récentes actions du Hezbollah, dans la mesure où des attaques pourraient être menées à partir du Liban en direction des pays voisins.
Ce point de vue est celui de Harès Sleiman, opposant au Hezbollah et membre du directoire du Renouveau démocratique, qui exhorte, via L'OLJ, Michel Aoun à « cesser d'assurer au parti une couverture officielle qui porte gravement atteinte au Liban ».
La balle est donc, plus que jamais, dans le camp du locataire de Baabda.
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« Hariri décidera à son retour s'il persiste ou non dans sa démission », affirme Sleiman
Au-delà de la question de son « sort » qu'il a certainement voulu clarifier, le Premier ministre démissionnaire Saad Hariri, salué dès dimanche soir par le député Walid Joumblatt comme « l'homme du compromis et du dialogue », a profité de son entretien télévisé pour plaider en faveur de la politique de distanciation du Liban par rapport aux axes régionaux. Il a, par la même...
commentaires (10)
SOYONS PLUS CLAIR, CE QUI PARAIT QUE HARIRI N'A PAS ACCOMPLI À LA LETTRE LA MISSION QUE L'ARABIE SAOUDITE LUI A DONNÉ. C'EST POUR CELA QU'ILS L'ONT CAPTURÉ CHEZ EUX VU QU'IL EST UN DE LEURS EN MÊME TEMPS QU'IL PORTE LA DOUBLE NATIONALITÉ. PAR CONTRE, MICHEL AOUN N'AURA PAS CES PROBLÈMES LÀ. PARCE QU'IL APPLIQUE À LA LETTRE LES CONSIGNES QU'ON LUI DICTENT LES IRANIENS VIA HASSAN NASRALLAH. ET LES GENS QUI RÊVENT D'UN RÉVEIL DE SA PART, ILS SONT ENTRAIN DE RÊVER EN COULEURS. ATTENDONS QUE LE PEUPLE AURA UN PEU PLUS DE FAIN, POUR ESPÉRER LE RÉVEIL.
Gebran Eid
15 h 00, le 14 novembre 2017