Le patriarche maronite, Mgr Béchara Raï, l’archevêque maronite de Beyrouth, Mgr Boulos Matar, et le responsable du Centre catholique d’information, le père Abdo Abou Kassem, reçus à l’aéroport par le ministre d’Etat saoudien aux Affaires du Golfe, Thamer al-Sabhane, à leur arrivée à Riyad. Photo Saudi Press Agency/Handout via Reuters
C'est une visite doublement historique que le patriarche maronite, le cardinal Béchara Raï, a entamé hier en Arabie saoudite. D'abord parce qu'il s'agit de la première visite d'un chef religieux chrétien au royaume wahhabite, depuis sans doute le Prophète, ensuite parce qu'elle intervient dans un contexte local et régional particulièrement trouble.
Le patriarche est arrivé à 18h (17h, heure de Beyrouth) à Riyad. Un accueil officiel lui a été réservé à sa descente d'avion. Il a notamment été accueilli par le ministre saoudien chargé des Affaires du Golfe, Thamer Sabhane, entouré des représentants du protocole royal ainsi que des délégués du ministère de l'Éducation et de l'Information, de l'ambassadeur du Liban en Arabie saoudite, Abdel Sattar Issa, des responsables de l'ambassade, ainsi que de l'ancien député Farès Souhaid.
Il s'est ensuite rendu au siège de l'ambassade du Liban où l'attendaient les membres de la communauté libanaise à Riyad.
Dans une allocution prononcée à cette occasion, le patriarche maronite a rendu un vibrant hommage au roi Salmane ben Abdel Aziz, ainsi qu'au prince héritier Mohammad ben Salmane pour l'attention qu'ils portent aux Libanais installés au royaume. « Je n'imaginais pas pouvoir venir un jour ici », a lancé le patriarche, acclamé à plusieurs reprises par l'audience.
« Les relations entre l'Arabie saoudite et le patriarcat maronite remontent à très loin, comme en attestent les correspondances entre les patriarches Arida, Boulos Méouchy, Antonios Khoreiche et Nasrallah Sfeir et les monarques du royaume. Aujourd'hui, elles se concrétisent par cette visite », a lancé le chef de l'Église maronite qui a par la suite plaidé vigoureusement en faveur de la convivialité islamo-chrétienne, après avoir rappelé les paroles du pape Jean-Paul II pour qui « le Liban, un petit pays, est porteur d'un grand message ».
(Lire aussi : Raï à Riyad, une visite historique et hautement symbolique)
« Ce message s'articule autour du pluralisme dans l'unité, un pluralisme religieux et culturel. Le Liban est une mosaïque et non pas une fusion où tout s'emmêle », a-t-il dit, en expliquant que c'est ce modèle qui fait sa richesse et sa singularité et qu'il souhaite véhiculer.
« Dans trois ans, nous célébrerons le centenaire du Grand-Liban. Cet anniversaire signifie surtout que le Liban ne va pas disparaître, un Liban où chrétiens et musulmans continueront de coexister », a soutenu le patriarche sous un tonnerre d'applaudissements.
Pas de politique donc dans son discours devant les Libanais de Riyad, mais dans une conversation à bâtons rompus avec la presse, il a indirectement affirmé soutenir l'appel du Premier ministre démissionnaire, Saad Hariri, à une application rigoureuse de la politique de distanciation, affirmant cependant souhaiter que M. Hariri regagne Beyrouth pour en discuter de vive voix.
Mgr Raï a dit avoir été pris de court et attristé par la démission de ce dernier, soulignant l'immobilisme dans lequel le pays est plongé depuis. Le patriarche n'a pas voulu commenter les réactions hostiles à sa visite, mais a minimisé en même temps leur importance, en faisant remarquer qu'au Liban, il y a toujours des gens qui sont hostiles à quelque chose.
Le chef de l'Église maronite a insisté sur le fait qu'il se trouve en Arabie « pour parler de principes et non pas de politique ».
(Lire aussi : Mortelles distances, l'édito d'Elie Fayad)
Dialogue entre le christianisme et l'islam
« La visite du patriarche ne relève pas de la politique interne libanaise », commente à ce sujet l'ancien député Farès Souhaid, qui se trouve également à Riyad, en sa qualité de l'une des personnalités qui avaient contribué à l'organisation du voyage. « Elle vise essentiellement à établir une politique de dialogue entre le christianisme et l'islam dans la mesure où, d'un côté, le monde musulman, en crise, accuse les chrétiens de ne pas soutenir ses causes, notamment la cause palestinienne, et de l'autre, les chrétiens, de par la montée du radicalisme, considèrent les musulmans comme une source de tracas », souligne M. Souhaid.
L'importance de la visite, selon les explications fournies par M. Souhaid, réside dans le fait qu'elle imprime une nouvelle politique à même d'impacter positivement la coexistence et la convivialité islamo-chrétienne dans la région et de contribuer ainsi à combler le fossé que les épouvantables guerres régionales et les agissements des groupuscules extrémistes avaient creusé entre chrétiens et musulmans. « Devant la montée du fondamentalisme et la peur qu'elle a engendrée, les chrétiens du Liban et de la région s'étaient tournés il y a quelques années vers l'Occident, en quête de protection et de garanties. Aujourd'hui, en 2017, c'est le patriarche maronite qui effectue le parcours inverse. À travers sa visite en Arabie saoudite, il montre que les garanties requises par ses coreligionnaires ne peuvent pas provenir de l'Occident, mais d'un dialogue de fond entre l'islam et le christianisme. Les chrétiens d'Orient ne représentent pas une communauté étrangère pour se tourner vers l'Occident. Les chrétiens réalisent désormais que c'est seulement à travers cet espace commun de dialogue qu'ils peuvent avoir les garanties souhaitées », explique l'ancien député dont les propos répercutent la stratégie suivie par le patriarcat maronite.
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L'une des principales conséquences des assises de Riyad sera ainsi la fondation d'un Centre international permanent de dialogue interreligieux, au sein duquel les questions conflictuelles seraient discutées et qui véhiculera surtout un message de paix. « En 1919, le patriarche Élias Howayek s'était tourné vers un des architectes internationaux, Georges Clémenceau, pour réclamer le Grand-Liban. Cent ans plus tard, le patriarche Raï se tourne vers un des architectes de la région pour demander la création d'un centre permanent de dialogue interreligieux. L'Église maronite redonne encore une fois sa raison d'être à notre pays », affirme Farès Souhaid.
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C'est une visite doublement historique que le patriarche maronite, le cardinal Béchara Raï, a entamé hier en Arabie saoudite. D'abord parce qu'il s'agit de la première visite d'un chef religieux chrétien au royaume wahhabite, depuis sans doute le Prophète, ensuite parce qu'elle intervient dans un contexte local et régional particulièrement trouble.
Le patriarche est arrivé à 18h (17h,...
commentaires (7)
Allah y'adim kel khair!
Wlek Sanferlou
13 h 08, le 14 novembre 2017