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Erdogan cherche à aider Doha mais sa marge de manœuvre est limitée

"Cette crise est très malvenue pour la Turquie car elle entretient une relation étroite à la fois avec le Qatar et avec l'Arabie saoudite", relève le président du Center for Economics and Foreign Policy.

 

Le président turc Recep Tayyip Erdogan Kayhan s'est départi dès mardi de toute précaution de langage en critiquant les sanctions imposées à Doha. Ozer/Presidential Palace/Handout via REUTERS

La Turquie, dont la politique au Proche-Orient se rapproche de celle qui a valu au Qatar sa mise au ban par ses voisins, cherche à aider Doha dans cette crise mais sa marge de manoeuvre est limitée, estiment des analystes.

A l'instar du Qatar, la Turquie du président islamo-conservateur Recep Tayyip Erdogan soutient plusieurs mouvements de l'islam politique comme les Frères musulmans et le Hamas et entretient des rapports cordiaux avec l'Iran chiite, dont le chef de la diplomatie a effectué mercredi une visite à Ankara en pleine crise entre Doha et ses voisins du Golfe.

Or c'est justement en raison d'un positionnement politique similaire que Doha s'est attiré le courroux de l'Arabie saoudite, des Émirats arabes unis, de Bahreïn et de l'Égypte qui ont rompu lundi toute relation avec le Qatar pour l'isoler, dans la pire crise diplomatique dans la région depuis des années.

Dans un apparent souci de ne pas compromettre ses bonnes relations avec l'Arabie saoudite, chef de file des monarchies du Golfe, la Turquie a dans un premier temps appelé à la retenue et offert ses bons offices.
Mais M. Erdogan s'est départi dès mardi de toute précaution de langage en critiquant les sanctions imposées à Doha et en clamant son intention de développer les relations avec le Qatar, dont l'émir Tamim ben Hamad al-Thani fut l'un des premiers dirigeants au monde à lui apporter son soutien après le putsch manqué de juillet dernier.

Des hashtags de soutien au Qatar sont depuis le début de la crise parmi les plus populaires sur les réseaux sociaux turcs et les chroniques dans la presse progouvernementale prenant le parti de Doha se multiplient.

 

(Lire aussi : La presse saoudienne se déchaîne contre Doha, le Qatar tente de rassurer ses habitants)

 

Intérêts économiques
Et mercredi, dans un autre signe de soutien à Doha, le Parlement turc a approuvé le déploiement de troupes sur une base dont Ankara dispose au Qatar, même si aucune date n'a été fixée.

Au-delà des liens diplomatiques étroits, la position d'Ankara s'explique aussi par le poids croissant des investissements qataris dans l'économie turque qui, selon des chiffres publiés par la presse, s'élèvent actuellement à 1,5 milliard de dollars. En outre des compagnies turques ont remporté des contrats d'une valeur de plus de 13 milliards de dollars dans les projets de construction au Qatar en vue de la Coupe du monde de football en 2022.

"Cette crise est très malvenue pour la Turquie car elle entretient une relation étroite à la fois avec le Qatar et avec l'Arabie saoudite", relève Sinan Ülgen, président du Center for Economics and Foreign Policy basé à Istanbul.

Dressant les parallèles entre la politique de Doha et celle d'Ankara, certains chroniqueurs turcs redoutent que la Turquie ne soit à son tour visée par des représailles de l'Arabie et ses alliés.

Jugeant qu'un tel scénario n'est "pas réaliste", M. Ülgen estime toutefois que la Turquie pourrait pâtir par ricochet des sanctions imposées à Doha. "La perte par le Qatar de son indépendance en matière de politique étrangère affaiblira le partenariat entre la Turquie et cet allié-clef du Golfe", dit-il.

 

(Lire aussi : La presse saoudienne se déchaîne contre Doha, le Qatar tente de rassurer ses habitants, le décryptage de Scarlett HADDAD)

 

La Turquie à son tour visée?
Marc Pierini, du centre de réflexion Carnegie Europe, convient qu'une éventuelle médiation turque dans cette crise a peu de chances d'aboutir.

"L'impact d'une politique de conciliation émanant d'Ankara sera évidemment limité par le litige quasi-permanent entre Ankara et Le Caire depuis le renversement du président (Mohamed) Morsi par le Maréchal (Abdel Fattah) al-Sissi", note-il.

"La Turquie est considérée dans le Golfe arabique comme un allié politique étroit du Qatar. Indirectement, elle pourrait donc souffrir diplomatiquement de cette nouvelle situation dans la péninsule arabique", ajoute-il.

Soulignant que la Turquie se trouve "dans une position difficile", Didier Billion, de l'Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS) estime que "sa principale orientation est de tenter de faire baisser la pression mais avec des chances très relatives d'être véritablement entendue à ce stade".

Mas il exclut lui aussi de voir la Turquie visée à son tour par l'Arabie saoudite en raison de ses connexions avec les Frères musulmans ou avec l'Iran.
"Les Saoudiens savent parfaitement qu'ils ont affaire avec la Turquie à une puissance régionale importante qu'ils ne peuvent faire rentrer dans le rang, leur rang en l'occurrence", dit-il.

 

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