Le Premier ministre désigné Saad Hariri a affiché mardi un optimisme prudent quant à une formation du nouveau gouvernement, attendue depuis plus de huit mois, affirmant que la question serait "tranchée dans les deux prochains jours".
"Je suis prudemment optimiste. La situation est positive et le dossier sera tranché dans les deux prochains jours, si Dieu le veut", a déclaré M. Hariri aux journalistes à l'issue de la réunion hebdomadaire du bloc parlementaire de sa formation, le courant du Futur, à la Maison du Centre. Le Premier ministre désigné a précisé que le dossier de la formation du gouvernement sera tranché cette semaine, "d'une façon positive ou négative", se refusant à toute autre précision.
Saad Hariri n'a toujours pas réussi à former son cabinet depuis sa nomination fin mai dernier. Son entourage a fait savoir que la semaine actuelle serait "décisive". Ces derniers jours, la question d'une récusation de Saad Hariri de sa mission de former le cabinet est apparue, tout comme une possible réactivation du cabinet sortant. Dans la journée, le bureau de presse du ministre sortant de l'Intérieur, Nouhad Machnouk, a dans ce cadre démenti toutes les rumeurs selon lesquelles il serait pressenti pour prendre la suite de M. Hariri en cas de récusation de ce dernier.
Les tractations pour la mise sur pied de l'équipe ministérielle avaient repris la semaine dernière après plusieurs semaines de blocage. La formation du gouvernement bute toujours sur le fameux obstacle sunnite, né de l’insistance des six députés de la "Rencontre consultative" – bénéficiant de l'appui décisif du Hezbollah – de prendre part au cabinet, la volonté du chef du Courant patriotique libre, Gebran Bassil, d'obtenir le tiers de blocage, et la distribution de certains portefeuilles.
Dans la soirée, M. Bassil et M. Hariri se sont entretenus à la Maison du Centre et les membres de la "Rencontre consultative" se sont entretenus avec des responsables du Hezbollah. Plus tard, le Premier ministre désigné a dîné avec le leader druze Walid Joumblatt dans un restaurant dans le quartier d'Achrafieh, à Beyrouth. "Dîner entre amis au restaurant Kelly's", a écrit le ministre sortant de la Culture et conseiller de M. Hariri, Ghattas Khoury, dans un message posté sur Twitter accompagné d'une photo dans laquelle on reconnaît également le député joumblattiste Waël Bou Faour et l'ambassadeur d'Egypte à Beyrouth, Nazih Najjari.
Plus tôt dans la journée, le bloc du Futur avait déclaré que "la semaine actuelle est décisive", exprimant l'espoir d'entrer "dans une nouvelle phase qui serait couronnée par la publication du décret de formation" du cabinet. Saad Hariri "a pleinement assumé ses responsabilités constitutionnelles et politiques" en "arrondissant les angles" pour parvenir à une "formule répondant aux exigences de la concorde nationale", a ajouté le bloc, déplorant que la formule trouvée par le Premier ministre désigné se soit "heurtée à plusieurs conditions" qui ont retardé la naissance du cabinet.
(Lire aussi : Hariri ne se récusera pas, mais pourrait prendre des décisions courageuses d’ici la fin du mois)
Recours à la rue?
Fayçal Karamé, un des six députés de la "Rencontre consultative", hostiles au courant du Futur de Saad Hariri, avait aussi exprimé l'espoir de voir le gouvernement prochainement formé, tout en affirmant qu'il ne voyait "aucun élément nouveau depuis neuf mois", à l'issue d'une réunion à Aïn el-Tiné avec le président de la Chambre, Nabih Berry. M. Karamé a en outre rappelé que les députés de la "Rencontre consultative" voulaient avoir "un représentant exclusif" au sein du gouvernement qui votera pour et se réunira avec la "Rencontre consultative". Il a dans ce cadre affirmé que le ministre "coopérera avec le président de la République et le Premier ministre".
Du côté du CPL, le ton commence à monter. Le ministre sortant de l'Energie, César Abi Khalil, a ainsi exprimé l'espoir que le gouvernement voie le jour dans la semaine. "Mais si cela ne devait pas se produire avec tout ce que nous avons fait sur ce plan, nous prendrons une autre position la semaine prochaine", a-t-il prévenu à l'issue de la réunion hebdomadaire du bloc parlementaire du "Liban fort", dont le CPL est la principale composante. "Si les concertations venaient à échouer, le CPL nommera les choses par leur nom et nous examinerons d'autres recours, dont celui de descendre dans la rue", avait déclaré dans la journée Edy Maalouf, député CPL du Metn.
De son côté, le patriarche maronite Béchara Raï a accusé les politiciens de "laisser mourir le pays" et de faire primer leurs intérêts personnels sur la formation du gouvernement.
Samedi, le secrétaire général du Hezbollah avait reconnu que les négociations en cours butaient encore sur l'obstacle sunnite né de l’insistance des six députés sunnites hostiles à M. Hariri à prendre part au cabinet, et sur la révision du partage des portefeuilles au sein de la future équipe, tout en appelant à « la prière » pour que ces efforts aboutissent à un dénouement heureux. Dans ce contexte, le Hezbollah a fait porter la responsabilité du blocage de la formation du cabinet au Premier ministre désigné. Ce dernier a accusé pour sa part le parti chiite d'entraver cette formation.
Nabih Berry avait dernièrement indiqué que si le gouvernement n’est pas formé d’ici au 31 janvier, il plaidera pour la tenue d’une séance du Conseil des ministres afin d’approuver le budget 2019 et de l’envoyer au Parlement pour qu’il soit voté. Le président de la Chambre avait également fait savoir qu’en cas de nouveau retard gouvernemental, il convoquera le Parlement à des séances parlementaires successives. Lundi, il a convoqué le bureau du Parlement libanais à une réunion mercredi.
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00 h 23, le 30 janvier 2019