Al-Mayadine, samedi 20h30. « L’entretien de l’année » ( selon le nom donné par la chaîne à l’interview avec le secrétaire général du Hezbollah) est sur le point de commencer. Tout a été préparé avec minutie, sachant que Hassan Nasrallah ne s’était plus exprimé publiquement depuis plus de deux mois, en dépit de l’affaire dite des tunnels, sans parler de la crise gouvernementale. Au point que de nombreuses rumeurs avaient circulé sur son état de santé.
D’ailleurs, il a sciemment choisi de rompre le silence dans lequel il s’était cantonné par un entretien et non un discours pour couper court à d’éventuelles rumeurs sur un enregistrement effectué il y a quelque temps déjà. De plus, tout au long de l’entretien, qui a duré trois heures avec les pauses, le « sayyed » a pris soin de donner plusieurs indications pour bien montrer que la diffusion est en direct, en mentionnant des faits récents, alors que son interlocuteur avait ouvert la possibilité pour les téléspectateurs de poser des questions en direct et d’exprimer leurs réactions, donnant ainsi la preuve de la simultanéité entre le déroulement de l’entretien et sa diffusion. Pour Hassan Nasrallah, c’était le meilleur moyen de démentir toutes les rumeurs sur son état de santé, tout en adressant un défi aux Israéliens qui affirment qu’il est terré dans un sous-sol, coupé de tout contact téléphonique ou par internet avec le reste du monde.
Dans l’entretien diffusé samedi soir, la forme avait donc été soigneusement étudiée pour faire parvenir un message clair : le secrétaire général du Hezbollah est en bonne santé mentale et physique, et il se sent suffisamment fort pour défier les consignes habituelles de sécurité. C’est toujours dans ce même esprit qu’il a annoncé lui-même qu’il doit prononcer trois discours en février à trois occasions différentes. À travers cette annonce, il a donc voulu préciser que c’est lui qui choisit quand il veut parler, selon son propre agenda et des considérations qui ne dépendent que de lui.
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Concernant le fond, le secrétaire général a fait de nombreuses révélations dans le cadre de cet entretien, concernant le conflit avec les Israéliens, ainsi que sur le dossier syrien, avant de lancer des messages précis sur le plan interne à l’adresse de la base du CPL et même à l’égard du Premier ministre désigné, dont il a salué « le souci d’arrondir les angles ».
S’il est vrai que la plus grande partie de l’entretien mené par Ghassan ben Jeddo était consacrée au conflit avec les Israéliens et à la situation régionale, il est clair que le « sayyed » a tenu à adresser un message à la base aouniste, poussant vers la prolongation de la durée de l’entretien pour pouvoir le faire. Il faut préciser que la veille de l’entretien, c’est-à-dire vendredi, Ghassan ben Jeddo s’était rendu au palais de Baabda pour un rendez-vous avec le chef de l’État. Ce qui laisse supposer qu’il y a eu un échange indirect entre le président Michel Aoun et le secrétaire général du Hezbollah qui a abouti à la décision de Nasrallah de s’adresser ouvertement à la base du CPL. Il a ainsi précisé que la relation entre lui et le chef de l’État est toujours la même, basée sur le respect, la confiance et l’affection. Il a même rappelé que la confiance et le respect entre eux se sont confirmés et renforcés lors des révélations de WikiLeaks, après la guerre de juillet 2006, lorsqu’il est apparu que le chef du bloc du Changement et de la Réforme à l’époque (Michel Aoun) ainsi que le ministre Gebran Bassil n’avaient pas un double langage et tenaient en public et en privé avec les responsables américains et avec ceux du Hezbollah le même discours. Ce qui n’était pas le cas de tous ceux qui se déclaraient les alliés de cette formation. Ces affirmations étaient destinées à dissiper le malaise entre les bases respectives du Hezbollah et du CPL, causé par les tiraillements au sujet de la formation du gouvernement, notamment dans le cadre du nœud dit sunnite. De même, Hassan Nasrallah a catégoriquement nié l’intention de son parti– et de la communauté chiite en général – de modifier le système de gouvernance libanais en réclamant un partage du pouvoir en trois tiers (un tiers pour la communauté sunnite, un autre pour les chiites et le troisième pour les chrétiens. Ce qui serait désavantageux pour ces derniers auxquels Taëf accorde la parité entre chrétiens et musulmans) qui avait été évoqué lors de la réunion chrétienne à Bkerké.En même temps, il a déclaré que l’alliance solide entre le Hezbollah et le CPL n’en fait pas un seul parti. Ils restent deux formations différentes avec chacune ses particularités et ses priorités. Et pour la première fois, il a mis sur le même plan la relation du Hezbollah avec le CPL et celle qui le lie au mouvement Amal, précisant ainsi que chacune des formations chiites a son style, son langage et ses particularités. Nasrallah avait en fait déjà évoqué dans ses précédents discours l’existence de divergences entre son parti et le CPL, mais c’est la première fois qu’il précise aussi que le Hezbollah et Amal ne sont pas des clones ni un même parti, mais deux formations distinctes. Certains vont probablement interpréter cette phrase comme l’expression d’une mésentente entre les deux formations chiites, mais la manière dont la phrase a été formulée montre surtout qu’il s’agit d’un message au CPL pour qu’il ne fasse pas assumer au Hezbollah la responsabilité des actes des partisans d’Amal, dans une allusion à ce qui s’est passé avant la tenue du sommet économique arabe .
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Si les propos de Hassan Nasrallah au sujet de la scène interne se veulent apaisants, concernant le conflit avec Israël et la situation régionale ils le sont beaucoup moins. Aux Israéliens, il a réitéré ses menaces au sujet de la possession par le Hezbollah de missiles à haute précision et de son intention de riposter à la moindre attaque. En même temps, il a reconnu l’existence de tunnels en précisant que certains remontent à plus de 13 ans, alors que les SR israéliens ont mis tout ce temps pour les découvrir. Il a aussi indiqué que son parti a trouvé le moyen « de contourner le mur de séparation pour entrer en territoire palestinien occupé lors de la prochaine confrontation », sans donner plus de précision, semant ainsi le doute et l’inquiétude chez les Israéliens, selon leurs propres médias.
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Réjouissons-nous les gars, notre "waly alfaqih" est en bonne santé, nous pouvons continuer notre lutte à côté de nos alliés de la "moumana3a"...Quant au gouvernement, à l'économie, aux finances...vétilles que tout cela!
14 h 16, le 28 janvier 2019