En dépit des informations faisant état d’un climat positif au sujet de la formation du gouvernement, plusieurs sources différentes affirment qu’il n’y a encore rien de concret. Tantôt ce climat positif est attribué à la renonciation du ministre Gebran Bassil à obtenir (avec la quote-part du président) 11 ministres sur trente, tantôt il est attribué à la volonté du Hezbollah de faciliter la formation du gouvernement avant le sommet de Varsovie organisé par l’administration américaine et dirigé contre l’Iran. Certains l’attribuent aussi à une décision du Premier ministre désigné de former le gouvernement au plus tôt, car il estime faire partie des principaux perdants en raison du retard dans ce processus.
Même si, officiellement, les différentes sources continuent d’affirmer que le blocage est purement intérieur, des sources diplomatiques arabes à Beyrouth précisent que c’était peut-être le cas au départ, mais que désormais la formation du cabinet est tributaire des développements régionaux.
Selon ces mêmes sources, l’Iran – qui a l’habitude de prendre son temps dans toutes les décisions et qui ne réagit jamais à chaud – n’aurait pas l’intention de faciliter la formation du gouvernement avant que la situation régionale ne se précise. L’Iran considère ainsi que la carte du gouvernement libanais est entre ses mains, à travers la représentation des députés sunnites de la Rencontre consultative qui dépend du Hezbollah. La République islamique préférerait donc attendre la tenue du sommet de Varsovie (prévu les 12 et 13 février), en évaluer la participation et les résultats, avant soit de durcir sa position, soit au contraire d’être plus conciliante. Mais il n’y aurait donc aucune raison de prendre des décisions précipitées avant de voir en quoi consiste la nouvelle coalition menée par les Américains contre elle.
Les sources diplomatiques arabes ajoutent aussi que les Iraniens ne seraient pas satisfaits du cours des développements en Syrie, où leurs forces sont depuis quelque temps la cible d’attaques régulières israéliennes avec l’aval des Russes, qui sont la partie la plus influente dans ce pays. Selon ces mêmes sources, les Israéliens auraient obtenu des Russes l’autorisation de bombarder les positions iraniennes et celles du Hezbollah en Syrie, à condition de ne pas toucher au président Bachar el-Assad et à ses forces. Ce serait la raison pour laquelle le rythme des attaques aériennes se serait accéléré ces dernières semaines. En même temps, toujours selon les mêmes sources, les Iraniens seraient conscients de la tentation pour le président syrien d’écouter les sirènes arabes qui lui laissent entendre qu’il pourrait réintégrer le giron de la Ligue et bénéficier des aides financières des pays du Golfe, moyennant son éloignement de la République islamique. Il s’agirait pour lui d’une offre tentante, au moment où il s’apprête à engager un bras de fer avec la Turquie et son président dans le Nord syrien.
Pour toutes ces raisons, la République islamique d’Iran préférerait donc attendre avant de faciliter la formation du gouvernement libanais, sachant que la stabilité du Liban reste importante pour de nombreux pays impliqués dans la situation régionale, comme les pays de l’Union européenne et même la Russie qui s’intéresserait de plus en plus à la situation interne libanaise.
Face à cette approche qui attribue donc à l’Iran la responsabilité du blocage gouvernemental, il y en a une autre qui estime au contraire que l’Iran ne se mêle pas des dossiers internes libanais, laissant le Hezbollah les gérer selon ce qu’il estime utile pour ses intérêts. Les sources proches du Hezbollah estiment donc, bien au contraire, que le blocage viendrait essentiellement des Américains et de leurs alliés arabes, avec à leur tête l’Arabie saoudite. Selon ces mêmes sources, l’actuelle administration américaine ne cache pas son intention de combattre l’influence iranienne et par conséquent le Hezbollah considéré comme l’instrument le plus important de la politique iranienne dans la région. Par conséquent, les États-Unis et leurs alliés ne voudraient pas d’un gouvernement où le Hezbollah aurait une grande influence et des portefeuilles importants comme celui de la Santé. Les dirigeants saoudiens actuels, jeunes et n’ayant aucun lien affectif avec le Liban comme celui qui unissait leurs pères et grands-pères avec ce pays, seraient aussi d’accord avec la décision de « punir » le Liban tant qu’il ne se décide pas à isoler le Hezbollah et à combattre son influence. Selon ces mêmes sources, les dirigeants saoudiens actuels auraient en quelque sorte « tiré un trait » sur le Liban, ne se souciant plus vraiment de leurs alliés traditionnels dans ce pays. Ce serait la raison pour laquelle les promesses de pousser les ressortissants saoudiens à revenir au Liban ne se sont pas encore traduites concrètement. Les sources proches du Hezbollah ajoutent pour étayer leur thèse que chaque fois que le Premier ministre désigné semble sur le point d’accepter un compromis au sujet de la représentation des députés sunnites de la Rencontre consultative, les anciens Premiers ministres se réunissent et publient un communiqué soi-disant d’appui à Saad Hariri, mais dont le contenu réel est un avertissement contre la possibilité de toucher aux « droits des sunnites »...
Quelle que soit la version adoptée, le point commun entre les deux est que la formation du gouvernement serait plus que jamais plongée dans la tourmente des enjeux régionaux et internationaux.
Habituellement rien ne manque des les chroniques de Scarlett. Cette fois-ci elle a omis de souligner qu'un nouveau facteur est entré en lice dans la crise libanaise, il s'appelle Nicolas Maduro, président du Venezuela, nouvel ami du Hezbollah en Amérique latine où réside une forte communauté chiite.
18 h 43, le 26 janvier 2019