Un (rare) consensus. Depuis plusieurs semaines, tous les partis politiques au Liban s’accordent pour le dire : il est urgent de trouver un règlement au dossier épineux des migrants et réfugiés syriens, même si les moyens à mettre en œuvre et surtout la partie habilitée à s'en charger ne font pas l’unanimité. Pourtant, malgré cette convergence et alors que, notamment chez les chrétiens, tout le monde essaye de faire de ce dossier un cheval de bataille, Sleiman Frangié se distingue par sa discrétion. Le chef des Marada et candidat présidentiel du tandem Amal-Hezbollah en avait pourtant fait l’un des points cardinaux de sa campagne. Mais, aujourd'hui, il se retrouve dans une position où il estime qu'il vaut mieux garder profil bas.
Lors de la séance de débat général au Parlement consacrée mercredi au dossier des migrants et réfugiés, aucun des députés du bloc formé autour des Marada n’a demandé la parole, laissant la scène, chez les chrétiens, aux Forces libanaises et au Courant patriotique libre. De même, la réunion du 9 mai dernier organisée par l'Église maronite à Bkerké autour du même sujet a été boycottée par le ministre sortant de l’Information, Ziad Makari, un fidèle de M. Frangié, qui figurait pourtant parmi les invités.
« Soldat d'Assad »
Dans le camp des détracteurs de Sleiman Frangié, on affirme que ce dernier marche sur des œufs afin de ne pas froisser son allié (et ami d'enfance), le président syrien Bachar el-Assad. « Contrairement à l’image que M. Frangié veut donner, notamment à l’Occident, la réalité est qu’il reste le fidèle soldat du régime syrien », assure un député de l'opposition. À l'heure où le Liban subit l'impact de la crise migratoire, Bachar el-Assad utilise ce dossier comme moyen de pression sur la communauté internationale afin d'obtenir une levée des sanctions sur Damas. D'ailleurs, le pouvoir syrien s'est imposé dans le débat sur la question via une missive envoyée en début de semaine au gouvernement libanais. Dans cette lettre, le ministre syrien des Affaires étrangères Fayçal Mekdad appelle son homologue libanais Abdallah Bou Habib à ne pas prendre d'engagement devant la communauté internationale sur la question des réfugiés et migrants syriens sans « coordonner » avec la Syrie.
« Il suffit de voir comment les Marada gèrent le dossier des Syriens dans leurs municipalités pour s'en rendre compte », rajoute le député précité. Le caza de Zghorta accueille à ce jour près de 40 000 ressortissants syriens, selon un chiffre fourni par les Marada. Toutefois, certains font état d’un nouvel afflux en provenance du caza de Batroun, depuis que les municipalités de celui-ci ont pris des mesures strictes pour expulser les étrangers sans papiers. Ces derniers se seraient redirigés vers Zghorta, où la plupart des localités sont sous le contrôle des Marada et où les mesures de refoulement ne seraient pas aussi fermes. « Ce laxisme traduit la volonté de Sleiman Frangié de ne pas fâcher son allié Bachar », commente le député. Côté Marada, on nie cette version des faits et souligne que ce dossier constitue « un fardeau pour le Liban qu'il faut résoudre ».
En attendant le bon moment
Mais ce n'est pas la seule explication derrière la discrétion dont fait preuve Sleiman Frangié. « Il boude », affirme une figure zghortiote opposée au zaïm des Marada. Cela peut principalement s’expliquer par le fait que le candidat à la présidentielle considère que les autres partis chrétiens – des FL et du CPL principalement – tentent de marcher sur ses platebandes en se présentant comme les champions de la campagne en faveur du rapatriement des Syriens. « La compétition avec les grands partis chrétiens est certes l’une des raisons qui expliquent le silence de M. Frangié. Ce dernier ne veut pas se mettre à pied d’égalité avec eux (puisqu'il se considère comme le seul candidat sérieux à la présidentielle)», décrypte Jimmy Moawad, politologue originaire de Zghorta, qui évoque le « pragmatisme » du leader de Zghorta. « Sleiman Frangié est un vieux de la vieille qui connaît parfaitement les rouages de la politique auxquels il est rodé depuis les années 90. Il sait que toute cette agitation ne mènera à rien dans la mesure où la solution est entre les mains de Damas, du Hezbollah et de la communauté internationale », dit-il. Selon cette lecture, Sleiman Frangié se contente de se mettre en retrait et d'observer, en attendant le bon moment pour sortir de son silence.
Mais à l'heure où le Parlement recommande aux autorités de reprendre langue avec le gouvernement syrien – après un changement de cap chez plusieurs partis politique – , une carte a-t-elle été retirée des mains du baron de Bnachii ? Du côté des Marada, on affirme l'inverse. « Du fait de ses relations personnelles en Syrie, Sleiman Frangié est le mieux placé pour trouver une issue à cette question », a affirmé M. Makari, en amont du débat à la place de l’Étoile, mercredi. Un an plus tôt, Sleiman Frangié avait insisté sur ce point lors d'une conférence de presse à Zghorta. « Cette question ne peut être résolue par ceux qui sont hostiles au régime syrien », commente pour L’Orient-Le Jour le conseiller de M. Frangié, Tony Merheb, en allusion notamment aux FL et mettant en relief les relations privilégiées de M. Frangié avec Bachar el-Assad (son ami d'enfance) mais également « ses bons contacts avec les pays arabes et l’Occident ».
Il ferait mieux de prendre sa retraite et s'il aime tant Bachar aller se faire élire a Damas. Nous lui souhaitons bonne chance la bas!
08 h 46, le 21 mai 2024