Près de sept mois après la désignation du Premier ministre Saad Hariri et l’échec à mettre sur pied un nouveau gouvernement en raison d’une série d’obstacles, dont le dernier en date est sunnite, le président de la République Michel Aoun a annoncé vendredi dernier qu’il est sur le point d’adresser un message au Parlement pour débloquer cette crise gouvernementale. L’article 53 al. 10 de la Constitution accorde certes au chef de l’État la prérogative d’ « adresser, en cas de nécessité, des messages à la Chambre des députés », mais la question est de savoir si le message évoqué par M. Aoun peut comporter une demande aux parlementaires de revenir sur la désignation du Premier ministre et de choisir un nouveau chef du gouvernement, et si ces derniers doivent ou peuvent obtempérer.
Salah Honein, constitutionnaliste et ancien député, affirme à L’Orient-Le Jour que « le règlement intérieur du Parlement définit deux mécanismes permettant la transmission par le président de la République d’un message à la Chambre », précisant que « le chef de l’État peut soit se rendre personnellement auprès de l’Assemblée plénière et lui faire directement part de ses idées et projets, soit adresser sa lettre au chef du législatif, qui en lira le contenu aux parlementaires ». Quant au message lui-même, M. Honein affirme qu’ « il ne peut comporter une demande non conforme à la Constitution », soulignant plus particulièrement qu’ « aucun article de la Constitution n’évoque la possibilité d’un retrait de la désignation du Premier ministre, et par conséquent, il n’existe nulle part une disposition fixant un mécanisme de ce retrait ». « Quand bien même le chef de l’État viendrait à faire des demandes en ce sens, les députés n’auront pas le droit de revenir sur leur décision », ajoute M. Honein.
(Lire aussi : Aoun relance ses démarches en quête d’un déblocage)
Parallélisme des formes ?
L’éventualité de la demande de désignation d’un autre chef du gouvernement est écartée par l’ancien ministre Chakib Cortbaoui. Interrogé par L’OLJ, il estime que « si M. Aoun veut transmettre un message à la Chambre, il le ferait seulement pour exercer une pression politique sur les députés et sur le Premier ministre désigné, et ce en les plaçant devant leurs responsabilités en vue d’une accélération du processus de formation du gouvernement ». Sur le point de savoir si le Parlement aurait le droit, en cas de demande, de revenir sur la décision de désignation de M. Hariri, l’ancien ministre évoque, sans se prononcer personnellement, « plusieurs interprétations de la loi, notamment celle qui fait prévaloir le parallélisme des formes. Selon cette interprétation, tout comme les députés ont désigné le Premier ministre, ils peuvent décider de lui ôter son mandat ». « Aucune loi n’est mathématique ni exhaustive », indique M. Cortbaoui, indiquant que « l’interprétation des textes est souvent liée à des considérations politiques ». « D’ailleurs, pour le moment, le chef de l’État semblerait reporter la décision d’utiliser sa prérogative constitutionnelle », estime-t-il, se basant notamment sur les réunions à Baabda qu’a effectuées hier le président tour à tour avec M. Hariri et le président du Parlement, Nabih Berry. « Je doute qu’au lendemain de ces pourparlers directs, M. Aoun s’adressera de sitôt à la Chambre. »
Un avis partagé par Michel Moussa, député du bloc berryste, qui estime qu’ « au vu des concertations ayant eu lieu aujourd’hui (hier), et d’autres qui se tiendront dans les jours à venir, aucune demande ne sera adressée par M. Aoun au Parlement ». « Ces tractations vont ouvrir de nouveaux horizons et de nouvelles alternatives », note M. Moussa, affirmant à L’OLJ qu’en tout état de cause, « le droit constitutionnel dont dispose le chef de l’État pour adresser des messages à la Chambre ne renferme pas le droit de demander le retrait du mandat du Premier ministre ».
Une source proche de Fayçal Karamé, ancien ministre qui fait partie des six députés sunnites non haririens réclamant un portefeuille ministériel, affirme également que « les députés ne peuvent retirer leur mandat ». La source ne reconnaît pas au chef de l’État le pouvoir de formuler une telle demande, estimant d’ailleurs que l’annonce présidentielle s’est effectuée « dans la volonté d’induire un choc afin de résoudre la crise du gouvernement, plutôt que d’opérer un retrait de la désignation de M. Hariri ».
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commentaires (2)
LANGUE(S) DE BOIS PENSIEZ VOUS ? PIRE ENCORE, IMAGINEZ UN ANCIEN MINISTRE DE LA JUSTICE QUI TROUVE NORMAL CERTAINES "INTERPRETATIONS" DE LA CONSTITUTION, CIRCONSTANCIELLES ECRIT IL POUR VOULOIR DIRE & JUSTIFIER UNE "INTERPRETATION TTE PERSONNELLE AVEC , A LA SAUCE , ENFREINDRE LES LOIS ETABLIES. JOLI .
Gaby SIOUFI
10 h 14, le 11 décembre 2018