La reconnaissance, jeudi par la Finul, de l’existence des tunnels reliant le Liban à une localité située dans le nord d’Israël a mis le gouvernement libanais au pied du mur.
Cette constatation de la part de la force multinationale, qui a qualifié les faits de « graves », a mis fin aux spéculations autour de la crédibilité des annonces faites par Israël mardi au sujet de tunnels offensifs du Hezbollah contre lesquels l’armée israélienne a lancé une opération de destruction du côté israélien de la frontière. Les déclarations de la Finul placent aussi désormais l’État libanais devant ses responsabilités.
Le chef du commandement nord de l’armée israélienne, le général de division Yoel Strick, a clairement fait assumer, jeudi soir, la responsabilité de ce qu’il considère être une violation claire de la résolution onusienne 1701 au gouvernement libanais, à l’armée, mais aussi à la Finul, chargée de veiller à l’application de la 1701 qui, adoptée en août 2006, avait mis fin à la guerre de 33 jours entre le Liban et Israël.
Les trois parties visées par Israël aujourd’hui sont appelées, tôt ou tard, à répondre aux accusations lancées par l’État hébreu et à assumer chacune sa part de responsabilité dès que la Finul aura présenté ses conclusions préliminaires aux interlocuteurs libanais.
À ce jour, le gouvernement – qui s’est contenté de contre-attaquer en accusant Israël d’avoir violé à maintes reprises les espaces aérien et maritime libanais –, a éludé toute réponse directe à la question de l’existence des tunnels, tablant sur l’éventualité d’une mise en scène farfelue basée sur des informations non crédibles lancées par l’État hébreu.
C’est en ce sens qu’il faut comprendre les réfutations des accusations par l’armée, mercredi dernier, suivies des propos du président du Parlement, Nabih Berry, qui a affirmé que les accusations israéliennes n’étaient pas fondées. La position du ministre sortant des Affaires étrangères, Gebran Bassil, qui avait donné ses instructions mercredi pour déposer une plainte au Conseil de sécurité contre Israël, l’accusant de « violer en moyenne 150 fois par mois le territoire libanais », devait être une autre fuite en avant, destinée à occulter le vrai problème, à savoir l’existence des tunnels qui infiltrent le territoire israélien. Le Premier ministre Saad Hariri s’est, pour sa part, contenté de considérer que « les développements à la frontière sud ne devraient pas servir de prétexte à une quelconque escalade ».
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Une situation embarrassante
Autant de positions qui doivent être désormais revues et corrigées, dès lors que la Finul a confirmé l’existence de l’un des deux tunnels découverts et que les Israéliens ont multiplié les injonctions en direction du Liban. Ils ont notamment invité les autorités libanaises à faire démolir la partie de ce tunnel qui s’étend en territoire libanais.
Que compte donc faire le Liban face à cette situation quasi inextricable dans laquelle vient de le placer l’État hébreu ? C’est la question que se posent nombre d’observateurs qui constatent en chœur que le gouvernement libanais – scindé autour de la question du Hezbollah et de ses activités paranationales – se trouve dans une situation embarrassante. Le gouvernement va-t-il avaliser la position de la Finul ou poursuivre la politique de déni ?
Aucune indication ne montre à ce jour quelle position pourrait prendre le cabinet sortant que le chef des Forces libanaises, Samir Geagea, avait invité mercredi à se réunir d’urgence pour trouver une réponse à cette nouvelle crise. Une proposition qui ne manquera pas de susciter un nouveau débat, certains experts ayant déjà contesté la pertinence constitutionnelle d’une telle réunion dans le cas d’un gouvernement qui, disent-ils, ne fait plus qu’expédier les affaires courantes et ne peut par conséquent prendre des décisions de grande importance.
L’issue serait, comme le préconisent certains, la convocation du Conseil supérieur de défense qui viendrait alors proposer un plan d’action, s’il en existe un, pour contrer les menaces de l’État hébreu qui a commencé dès à présent à mobiliser la communauté internationale sur cette affaire.
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Les choix de l’armée libanaise
Les intrications de ce nouveau défi lancé par Israël sont d’autant plus vastes qu’elles comportent pour le Liban des risques à plusieurs niveaux, dont l’altération de l’image de l’armée libanaise. Celle de la Finul en prendrait également un coup, entraînant le risque de voir sa mission remise en cause, à la faveur des coups de boutoir que vient de lui asséner l’État hébreu, en la rendant, au même titre que le gouvernement libanais, responsable d’avoir mal veillé à l’application de la 1701 qui réaffirme le respect de la ligne bleue et indique qu’aucune force armée, à part l’armée libanaise et la Finul, ne doit se trouver au sud de la rivière Litani. Ce sont ces inquiétudes que formule l’officier à la retraite Khalil Hélou, qui dit craindre que les bailleurs de fonds de la Finul – dont les États-Unis qui financent cette force à concurrence de 8 milliards de dollars à eux seuls – n’en viennent à reconnaître son inefficacité face au Hezbollah et à mettre fin à sa mission, une décision dangereuse pour le Liban. « Si une telle initiative est prise, M. Netanyahu n’en sera que plus heureux, lui qui aimerait avoir les coudées franches dans cette zone frontalière », commente M. Hélou.
L’ancien officier dit appréhender également une réaction similaire de la part des États-Unis à l’égard de l’armée libanaise dont il est le principal bailleur de fonds et qui, dit-il, « ne fait que subir le laxisme d’un gouvernement qui rejette souvent la balle dans le camp de l’institution militaire pour se dérober à ses responsabilités ». « Le Premier ministre israélien est en train d’envoyer un message clair aux Américains pour leur signifier que cette institution militaire qu’ils soutiennent ne sert à rien en définitive », ajoute l’officier.
L’armée, qui est chargée de l’application de la 1701, doit-elle se comporter, dans cette affaire, en faux témoin au risque de donner l’impression qu’elle est de connivence avec le Hezbollah ?
Telle est l’interrogation que soulève Moustapha Allouche, membre du bureau politique du courant du Futur, qui considère qu’en se terrant dans le silence, le Liban « donne l’image d’un État qui a fini par accepter le fait accompli » de la toute-puissance du Hezbollah. « L’ennemi a avancé des preuves tangibles. Qu’avons-nous fait au Liban? Absolument rien », déplore M. Allouche. Il est temps, poursuit le responsable haririen, que le gouvernement tranche. « Soit il se prononce clairement pour l’application à la lettre de la 1701 en joignant l’acte à la parole, soit il déclare sans ambages et une fois pour toutes que le Liban ne la respecte pas, en arguant du fait qu’Israël ne le fait pas de son côté. Mais il faudra savoir alors que cette dernière option est une invitation claire à la Finul à s’en aller », conclut M. Allouche.
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commentaires (21)
On ne sait même pas former un gouvernement d'union nationale car on est sectaire. On refuse un gouvernement de technocrates car on est sectaire, on s'accuse les uns les autres de traitres car on est sectaires alors que tout un chacun à combattu l'envahissuer quel qu'il soit: du turc, au francais au palestinien mal guidé, au syrien et sûrement aux israliens avec les martyres de l'armée depuis 1948 jusqu'à nos jours. Malheureument au lieu de voir en nos martyrs des martyrs de la patrie on les regarde à travers les lunettes sectaires. Le jour ou l'on sera tous unis contre tout étranger (du syrien, à liranien, en passant par l israelien et le palestinien...) qui veut nous imposer sa volonté et sa façon de vivre on sera respecter même par les gtandes puissance. D'ici là on chante chacun son méwèl et on se dirige chacun vers son tunnel funèbre.
Wlek Sanferlou
20 h 43, le 08 décembre 2018