Deux jours après l’annonce par l’armée israélienne de l’opération « Bouclier du Nord », visant à la destruction de tunnels présumés creusés depuis le Liban en direction d’Israël par le Hezbollah, ce dernier a continué d’ignorer ou presque ce développement sécuritaire majeur à la frontière, le traitant comme un fait anodin. Dans un communiqué publié hier conjointement par le Hezbollah et son allié politique, Amal, le tandem chiite a complètement occulté cette affaire, se contentant d’évoquer des généralités sur la disposition de la « Résistance » à « empêcher l’ennemi (israélien) de parvenir à ses fins ». Le texte préconise la nécessité de rester « alerte face aux tentatives de l’ennemi israélien de provoquer le Liban ».
C’est pratiquement tout ce que le parti chiite, pointé du doigt depuis plusieurs jours par les responsables israéliens qui ont provoqué un branle-bas impressionnant de l’autre côté de la frontière, a eu à dire.
Au même moment, les responsables israéliens révélaient, en fin d’après-midi, la découverte d’un second tunnel dont devait témoigner, cette fois-ci, le commandant en chef de la Finul, le général Stefano Del Col, qui se trouvait sur les lieux alors que se poursuivaient les opérations d’excavation.
Après l’annonce de la présence d’un tunnel qui relie, selon la version israélienne, une maison située à Kfarkila à un point situé dans le village frontalier de Metoulla, du côté israélien, l’armée israélienne a indiqué, dans un communiqué publié par Haaretz, que le second tunnel découvert « a été creusé à partir du village de Ramiyé (Bint Jbeil), et traverse la frontière jusqu’en Israël ». Elle a en même temps précisé avoir fourni à la Finul une carte des environs de Ramiyé d’où partait le tunnel menant sous le sol israélien en direction de la communauté de Zarit.
Ces révélations sont survenues après une visite sur les lieux effectuée par le Premier ministre, Benjamin Netanyahu, qui était accompagné de diplomates basés en Israël afin de leur montrer les supposés tunnels souterrains du Hezbollah, les appelant à sanctionner le mouvement chiite.
Pour Israël, qui mène une guerre médiatique autour de cette opération, la constatation des faits par les diplomates et par le commandant de la Finul, chargée de mener sa propre enquête sur l’existence présumée de ces tunnels, est notamment destinée à contrer la position affichée la veille par le représentant militaire libanais qui se trouvait à la réunion tripartite à laquelle ont pris part des représentants de la Finul et des deux armées libanaise et israélienne. L’armée libanaise avait réfuté lors de cette rencontre les accusations de l’État hébreu concernant la présence de ces tunnels, assurant que le Liban respecte la résolution 1701 du Conseil de sécurité.
(Lire aussi : La Finul confirme l'existence d'un tunnel à la frontière israélo-libanaise)
Motus et bouche cousue
En dépit de ce nouveau développement, les membres du bloc du Hezbollah, qui se sont réunis hier, ont persisté dans leur déni, publiant un communiqué axé sur des questions de politique interne, sans aucune mention de ce qui se passe à la frontière. Un mutisme qui en dit long sur la volonté du Hezbollah de minimiser, d’une part, l’ampleur de cette opération-surprise – menée à grand bruit par le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, qui tente de l’exploiter à fond sur la scène politique interne et internationale – et, d’autre part, sur la volonté du Hezbollah de ne pas mordre à l’hameçon, en évitant toute escalade.
Visiblement, le parti chiite n’est pas près de réitérer le scénario catastrophe de 2006 où le moindre faux pas pourrait l’entraîner, bon gré mal gré, dans une guerre qu’il aurait préféré avoir évitée s’il avait prévu, en amont, la réaction de l’État hébreu, comme son patron l’avait lui-même reconnu en août 2006.
« Des précautions d’autant plus précieuses que cette fois-ci, M. Netanyahu est aujourd’hui fort d’un soutien quasi inconditionnel de la part de l’administration Trump, et qu’une éventuelle guerre serait extrêmement coûteuse pour le Liban », commente Hilal Khachan, professeur de sciences politiques à l’AUB et spécialiste du Hezbollah. M. Khachan tient d’ailleurs à rappeler qu’en 2006, l’armée israélienne avait utilisé 1 % seulement de ses capacités, ce qui ne serait plus le cas aujourd’hui, selon lui. « Que peut faire d’autre le Hezbollah que se murer dans le silence s’il veut éviter cette guerre ? » s’interroge le professeur qui note au passage qu’une opération telle que le « Bouclier du Nord » aurait certainement été considérée comme un casus belli si les deux parties étaient véritablement disposées à la guerre.
Le Hezbollah, qui vient d’opérer son come-back sur la scène libanaise maintenant qu’il n’est plus sollicité en Syrie, n’a pas besoin, selon lui, d’une nouvelle guerre. D’autant qu’il a désormais entre les mains « tous les acquis souhaités sur la scène libanaise, dont il est devenu la principale force motrice et qu’il ne pourra que difficilement justifier une seconde guerre auprès de sa base », commente encore M. Khachan.
(Lire aussi : L'opposition accuse Netanyahu d'avoir dramatisé l'opération anti-Hezbollah)
Atout perdu
Dans un article publié sur le site al-monitor.com, le journaliste israélien Ben Caspit estime, suite à la révélation de ces tunnels, que « le Hezbollah a désormais compris qu’Israël est en passe de neutraliser l’un des atouts les plus importants » aux mains du parti chiite, lequel avait évoqué l’option d’une incursion militaire en Galilée en cas de confrontation entre le Liban et Israël. C’est ce qui pourrait expliquer en outre le mutisme observé par le Hezbollah, qui ne voudrait surtout pas admettre la victoire – ne serait-ce que médiatique – marquée par son ennemi et le camouflet qu’il vient d’essuyer. En soirée, la Finul a reconnu l’existence du premier tunnel, au niveau de Metoulla.
Pour d’autres analystes, le silence radio du Hezbollah fait plutôt partie d’une stratégie conventionnelle de longue date pour laquelle a opté le parti. Elle consiste à ne pas commenter le moindre événement qui le contraindrait à révéler un contenu à caractère militaire. « Le mot d’ordre au Hezbollah est, dans la plupart des cas, qu’il ne peut “ni confirmer ni infirmer” », commente Amale Saad Ghorayeb, professeure de sciences politiques à l’Université libanaise, une sympathisante du parti chiite. « Le parti ne fait jamais des révélations sur ses moyens ou ses tactiques militaires », ajoute-t-elle, en précisant que le Hezbollah a plutôt recours à des métaphores pour faire passer le message.
« Le Hezbollah a reconnu indirectement l’existence de ces tunnels, en évoquant, une première fois (dans le cadre de ses mises en garde contre Israël), une éventuelle incursion en Galilée – qui ne peut se faire que par ce moyen – et une seconde fois, une invasion à l’aide des autobus », conclut la professeure.
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commentaires (14)
Non mais n’importe quoi ? en arriver a defendre le survol d’israel par des f16 armés jusqu’au dent a 2-3 tunnels qui s’etendent sur 40 m de profondeur en israel quand on sait que la galilee fait des km! C’est a mourir de rire! Ca se voit que les habitués des promenades a zeytouna bei ne connaissent pas bien israel. La derniere fois qu’ils ont brisé le mur du son au dessus de saida des vitres se sont brisées, les gens courraient avec leur enfants pour se cacher, des restaurants se sont vidés, des personnes âgées se sont retrouvées dans les hopitaux! Tant que le Liban ne se decidera pas a accepter les aides russes et iraniennes de sorte a pouvoir combler ne serait-ce qu’un centieme de la difference militaire entre israel et le Liban alors il sera hors de question pour le Hezbollah ou sa base d’accepter une remise des armes a l’armee.
Chady
20 h 51, le 09 décembre 2018