Le Premier ministre libanais désigné, Saad Hariri, s'est rendu en fin d'après-midi au palais de Baabda chez le président de la République, Michel Aoun, alors que la question de la représentation des sunnites pro-8 Mars, le dernier noeud faisant obstacle à la naissance du gouvernement attendue depuis mai dernier, n'a pas encore été tranchée.
Cet entretien entre le président et le Premier ministre s'est déroulé de manière confidentielle. Sur ce plan, la présidence de la République "ni ne confirme, ni n'infirme" la tenue de cet entretien, selon l'Agence nationale d'information (Ani, officielle). Ni M. Aoun, ni M. Hariri ne se sont exprimés à l'issue de cette rencontre.
Selon notre correspondante au palais de Baabda, Hoda Chedid, M. Hariri a expliqué au chef de l'Etat les raisons de son refus d'attribuer un portefeuille ministériel à un sunnite pro-8 Mars. Selon plusieurs médias locaux, la répartition des portefeuilles est finalisée mais la liste des noms reste incomplète.
Ce déplacement intervient au moment où les espoirs d'une mise sur pied du cabinet ont à nouveau été douchés. Après les concessions des Forces libanaises de Samir Geagea concernant l'attribution des portefeuilles ministériels, le dernier obstacle empêchant la formation du gouvernement est l'attribution ou non d'un siège aux figures sunnites opposées à M. Hariri.
Plus tôt dans la journée, une délégation de ces députés sunnites pro 8-Mars avait effectué une tournée auprès de responsables du Hezbollah et du mouvement Amal, qui ont exprimé leur soutien à leurs revendications. Ces élus réclament un portefeuille au sein du prochain gouvernement, arguant qu'ils ont obtenu 40% des voix sunnites lors des dernières législatives de mai dernier. Or, selon le Courant du Futur, les votes préférentiels obtenus par ces députés représentent 8,9% de la totalité des votes préférentielles sunnites.(Lire aussi : Coup de théâtre : le Hezbollah ressort de son chapeau le lapin sunnite...)
"Nous serons à leurs côtés jusqu'au bout"
Cette délégation s'est notamment entretenu à Haret Hreik, dans la banlieue sud de Beyrouth, avec le conseiller politique du secrétaire général du Hezbollah, Hussein Khalil.
"Nous sommes optimistes quant au fait que tous les obstacles soient levés afin qu'un gouvernement soit formé le plus vite possible", a a déclaré le député de Tripoli, Fayçal Karamé, à l'issue de cet entretien. Outre M. Karamé, Walid Succariyé, élu sur la liste du Hezbollah à Baalbeck-Hermel, Jihad el-Samad (Denniyé) et Adnane Traboulsi (Beyrouth) étaient présents. Abdel Rahim Mrad (Békaa-Ouest) et Kassem Hachem (Marjeyoun) étaient absents car ils se trouvent à l'étranger.
"Nous estimons que la revendication des députés sunnites est juste et nous serons à leurs côtés jusqu'au bout", a affirme de son côté M. Khalil, estimant que ce noeud n'était pas plus compliqué à dénouer que les autres. "La résolution de ce problème revient au chef de l'Etat et au Premier ministre Hariri", a-t-il ajouté, indiquant que son parti n'envisageait pas de revenir sur la désignation de M. Hariri. M. Khalil a également affirmé que la position du Hezbollah n'était pas dictée par "les échéances régionales et les sanctions" contre le parti chiite. "Nous pourrions même estimer qu'il est dans notre intérêt de former un gouvernement d'union nationale pour faire face à ces sanctions", a-t-il souligné.
Dans la soirée, M. Berry a indiqué qu'il n'était pas partie prenante sur le dossier du noeud sunnite. "Il y a plus de 10 personnes qui participent à la composition du gouvernement et je ne suis pas l'un d'eux", a-t-il affirmé. "Le gouvernement aurait dû naître dimanche mais j'avais peur que le refus d'attribuer un ministère aux sunnites indépendants retarde la formation du cabinet. Depuis le début, j'ai conseillé à M. Hariri d'ouvrir un dialogue avec eux et de leur donner un portefeuille", a-t-il ajouté.
"Compliquée"
De son côté, le ministre sortant des Finances et principal conseiller du président de la Chambre, Ali Hassan Khalil, a affirmé que "ce qui ressort des trois présidents (le chef de l'Etat Michel Aoun, MM Hariri et Berry) montre que la situation est compliquée".
Selon des sources proches de Baabda citées par la chaîne locale LBCI, la solution au noeud sunnite appartient à M. Hariri. Depuis le début des concertations, ce dernier s'est toujours opposé à concéder la nomination d'un ministre représentant les sunnites "indépendants".
Ces sources ont ajouté que lorsque cette question sera posée au chef de l'Etat, ce dernier prendra alors position. Selon des informations concordantes, l'une des solutions envisagées serait la nomination d'un sunnite hors-Futur par le tandem chiite qui, en échange, donnerait la possibilité au président Aoun de nommer un ministre chiite. Autre solution envisagée, l'élargissement du cabinet dont le nombre des ministres pourrait passer de 30 à 32 ministres. A l'occasion du deuxième anniversaire de son mandat, le chef de l'Etat doit s'exprimer mercredi soir à la télévision.
Lundi, les Forces libanaises avaient annoncé qu'ils acceptaient d'entrer au gouvernement avec quatre portefeuilles ministériels : la vice-présidence du Conseil, ainsi que les portefeuilles des Affaires sociales, de la Culture et du Travail, débloquant ainsi le "noeud chrétien". Les FL ont désigné Ghassan Hasbani, Camille Abou Sleiman, May Chidiac et Richard Kouyoumjian pour occuper ces postes.
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commentaires (13)
Pourquoi le premier ministre désigné n’exige-t-il pas d’attribuer un portefeuille à un chiite du 14 mars?
LeRougeEtLeNoir
00 h 03, le 31 octobre 2018