Le Premier ministre libanais sortant Nagib Mikati accueillant la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, et le président chypriote, Nikos Christodoulidès, au Grand Sérail à Beyrouth, le 2 mai 2024. Photo X / @vonderleyen
L'Union européenne a annoncé jeudi, lors d'une visite à Beyrouth de la cheffe de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, l'octroi au Liban d'un programme d'aides d'une valeur d'un milliard d'euros, qui s'étendra jusqu'en 2027, afin de soutenir une série de secteurs.
Mme von der Leyen a fait cette annonce à l'issue d'un sommet avec le Premier ministre libanais sortant, Nagib Mikati, le président chypriote, Nikos Christodoulidès, et de nombreux responsables libanais, principalement centré sur la question des migrants syriens.
« Le Liban est plein d'énergie et de potentiel, mais il fait face à de nombreux défis, internes et liés également aux conflits régionaux », a déclaré Mme von der Leyen depuis le Grand Sérail. Cette réunion a permis de « discuter comment développer les relations politiques et économiques » entre Beyrouth et Bruxelles, et « soutenir financièrement » le pays du Cèdre. C'est dans ce cadre qu'elle a annoncé un programme d'aide européen, d'une valeur d'un milliard d'euros, qui s'étendra de 2024 jusqu'en 2027, et devra permettre à soutenir une série d'initiatives, dans plusieurs secteurs. Cette enveloppe soutiendra notamment « la stabilité sociale et économique », en renforçant les « secteurs essentiels » comme l'éducation, la sécurité sociale et la santé. Mme von der Leyen a encore indiqué que l'UE aidera le Liban à « aller de l'avant avec les réformes économiques, financières et bancaires », qui sont « cruciales ». Des aides seront également fournies dans ce programme pour « le forces de sécurité et l'armée », notamment via du matériel et des formations qui permettront de « contrôler les frontières ».
Ursula von der Leyen a dit « compter sur une bonne coopération » de Beyrouth dans la lutte contre l'immigration clandestine vers l'Europe. L'aide au Liban, sous forme de subventions, sera répartie à hauteur de 736 millions d'euros pour l'aider à faire face à la crise syrienne et ses conséquences, selon Peter Stano, porte-parole de l'UE pour les Affaires étrangères. Les 264 millions restants seront alloués à la coopération bilatérale pour l'aide aux forces de sécurité principalement.
Concernant la présence des migrants syriens au Liban, la cheffe de la commission européenne a dit « comprendre les défis » posés par cette situation. Elle a promis que l'UE allait étudier des façons « d'aider de manière plus efficace », notamment en se penchant sur « les moyens d'adopter une approche plus organisée du retour volontaire en Syrie ».
Fadi Alamé, président de la commission parlementaire des Affaires étrangères, qui a participé à la réunion élargie entre le Premier ministre sortant et ses hôtes européens, en présence des chefs d'appareils de sécurité, affirme à L'Orient-Le Jour que les Européens semblent en effet avoir changé d'approche. « Alors qu'ils se focalisaient jusque-là sur l'importance de voir la Syrie opérer des réformes politiques, ils sont désormais conscients de l'ampleur de la crise économique et politique que vit le Liban, qui estime +impossible+ de continuer à lier le règlement de la question aux réformes en Syrie ». Selon le député du mouvement Amal, l'aide annoncée jeudi au Liban n'est pas destinée à y garder les Syriens. « Elle vise plutôt à renforcer les capacités de l'armée et du reste des appareils de sécurité en matière de contrôle des frontières. « D'autant plus que ce qui leur importe, c'est la lutte contre le trafic humain ».
Le sommet à Beyrouth a été organisé alors que l'UE organise, à la fin du mois, la conférence de Bruxelles sur la Syrie et que le Liban. Beyrouth devrait y faire du lobbying pour sa proposition de « solution », à savoir refouler vers la Syrie tous les migrants se trouvant au Liban sans documents officiels.
Effet boule de neige ?
Avant Mme von der Leyen, Nagib Mikati a dit « apprécier » le soutien européen à l'armée et aux forces de l'ordre « pour contrôler les frontières maritimes et terrestres et empêcher la migration illégale depuis et vers le Liban ». Il a salué le fait que plusieurs pays de l'Union européenne avaient « compris la demande de l'UE de reconsidérer ses politiques concernant la gestion de la crise des migrants au Liban ». Réitérant que le Liban « supporte depuis 2011 le plus lourd fardeau » dans la région en accueillant les Syriens, qui représentent selon lui « près d'un tiers de la population », il a relevé la hausse des tensions entre Syriens et Libanais « à la suite d'incidents et crimes, qui se sont multipliés ». Il a menacé d'un effet boule de neige de cette instabilité qui risque de « s'étendre à l'Europe », transformant la situation en « crise régionale et internationale ».
« Nous sommes fermement convaincus que la sécurité du Liban est liée à la sécurité des pays européens et vice versa », a lancé le Premier ministre sortant. Il a encore estimé que la solution est « politique par excellence », et passe entre autres par la reconnaissance par la communauté internationale que « la plupart des régions syriennes sont désormais sûres ». Il a une nouvelle fois appelé à ce que l'UE « soutienne les Syriens dans leur pays, afin de les encourager à rentrer volontairement ». Il a par ailleurs dit craindre que le Liban ne devienne un « pays de transit entre la Syrie et l'Europe » et que les « problèmes qui se posent à la frontière chypriote ne soient qu'un exemple de ce qui pourrait se produire ailleurs ».
Selon les informations de L'Orient-Le Jour, le Premier ministre Mikati s'est montré très clair en expliquant aux deux hauts responsables européens que « le Liban ne demande pas d'aide financière pour maintenir les migrants chez lui, mais pour faire face aux défis qui le guettent face à l'ampleur de la crise ». De source proche du dossier, on apprend que certains responsables libanais se sont montrés favorables à ce que les Européens reprennent langue avec le régime syrien, ne serait-ce qu'autour de la question des migrants. « Personne n'a évoqué avec la délégation libanaise la question de la normalisation des relations entre Beyrouth et Damas », assure en outre Fadi Alamé.
Après la conférence de presse au Sérail, Mme von der Leyen s'est entretenue avec le chef du Parlement libanais, Nabih Berry. Ce dernier a indiqué, à l'issue de la réunion, que « c'est la première fois que nous percevons du sérieux dans le dossier des migrants syriens ». A Aïn el-Tiné, les deux hauts responsables ont exposé devant le président de la Chambre le « package » proposé au Liban, selon M. Alamé ,qui n'a pas donné plus de précisions. De son côté, le chef du législatif a proposé la création d'un comité de suivi consacré au dossier des migrants. Il devrait inclure le Liban, l'Union européenne, ainsi que Chypre. Il a également plaidé pour que l'Union européenne maintienne son aide à l'UNRWA, rapporte le député.
Cadeau empoisonné Il est bien satisfait de lui même le premier ministre sortant !!
08 h 47, le 03 mai 2024