
Le chef des Forces libanaises Samir Geagea. Photo FL
Samir Geagea ne s’y attendait probablement pas. Le chef des Forces libanaises a subi samedi une sérieuse claque. Alors qu’il pensait pouvoir unifier les rangs d’une opposition dont il se veut le leader absolu, c’est tout le contraire qui a résulté de ce qu’il a été convenu d’appeler la « Rencontre de Meerab », tenue au siège des FL.
Théoriquement, la démarche visait à hausser le ton face au Hezbollah qui a unilatéralement décidé d’ériger le Liban-Sud en front de soutien au Hamas palestinien. Comment ? En pressant pour la mise en application de la résolution 1701 (2006) du Conseil de sécurité et le déploiement « immédiat » de l’armée au Liban-Sud. Jusqu’ici, rien de surprenant. Sauf que ce n’est pas tout ce qu’il faut retenir de la réunion de samedi. Contrairement aux attentes des FL, celle-ci s’est tenue en l’absence de toutes les grosses pointures de l’opposition. Pourtant, en dépit de leurs divergences, les anti-Hezbollah convergent sur l’importance de se fier aux résolutions (contraignantes) du Conseil de sécurité pour garantir un retour au calme au Liban-Sud et épargner au pays une guerre généralisée inopportune.
Mais c’est sous un tout autre angle que le reste des composantes de l’opposition ont appréhendé la réunion de Meerab. Elles y ont vu une nouvelle occasion pour Samir Geagea de se présenter comme le leader du camp anti-Hezbollah en sa qualité de détenteur du plus large groupe parlementaire (19 députés). Ce qui n'est pas pour leur plaire.
Lors de la bataille autour de la prorogation du mandat du commandant de l’armée Joseph Aoun (fin 2023), le leader des FL avait joué ce rôle : les circonstances de guerre aidant, il avait oublié, ne serait-ce que pour quelques jours, sa position de principe rejetant le concept de « législation de nécessité » – mis en avant par le président du Parlement Nabih Berry pour légiférer en pleine vacance présidentielle – afin d’assurer le maintien du général Aoun à son poste. Là aussi, il pensait pouvoir faire d’une pierre deux coups, l’un adressé à son principal rival chrétien Gebran Bassil (dont le chef de l'armée est une véritable bête noire), l’autre à… ses partenaires qu’il voulait mener derrière lui. Sauf que ces derniers n’ont pas joué le jeu du chef de Meerab. S’ils sont parvenus à accorder leurs violons et élaborer un texte de loi unifié afin de garantir le vote de la prorogation du mandat de Joseph Aoun, ils n’ont fait leur entrée à l’hémicycle que lorsque leurs collègues du camp du Hezbollah se sont retirés de la séance.
Morale de l’histoire : il ne suffit pas de détenir le plus large groupe parlementaire pour s’autohisser à la tête des anti-Hezbollah. Vraisemblablement, Samir Geagea ne l’entend pas de cette oreille, contrairement à ses partenaires. Tel est le message que le chef des Kataëb Samy Gemayel a voulu adresser à celui des FL en faisant le choix de ne pas déléguer à Meerab son cousin Nadim, actuel député du parti, connu pour sa proximité des FL, lui préférant le vice-président du parti Michel Khoury et Élie Marouni, ancien ministre. Même son de cloche du côté de Moukhtara, dont la position a été clairement exprimée par Marwan Hamadé à L’Orient-Le Jour dimanche : « Des réunions axées sur des sujets aussi importants que la 1701 ne devraient pas se tenir dans un lieu à caractère partisan et autour d’une personne, mais dans des locaux moins marqués politiquement, comme ce fut le cas pour le Rassemblement du Bristol (2004). » Walid Joumblatt est, lui, allé plus loin : « Si Samir Geagea veut s’ériger en leader de l’opposition, qu’il le fasse sans nous. Je n’ai aucun problème », a-t-il lancé dans une interview accordée lundi à L’OLJ.
« Sans nous »
Et c’est justement ce « sans nous » qui résume tout le problème face auquel se trouve le chef des FL. Si elle est parvenue à mettre en lumière le besoin urgent de mettre en application de la 1701, comme un passage obligé pour un retour au calme au Sud, la démarche de samedi a reflété une certaine forme de guerre d’ego on ne peut plus inopportune. Résultat : au lieu de souder les rangs de l’opposition au moment où se dessine tant l’avenir du pays que celui de la région, la réunion de Meerab a fait que les dissensions factieuses de ce camp éclatent au grand jour. Encore un faux pas face au bulldozer politique et militaire qui fait la sourde oreille aux appels à mettre fin aux combats en cours au Liban-Sud et qui peut –surtout – se targuer du fait que son camp (exception faite de Gebran Bassil) demeure soudé derrière lui.
Pour camoufler cette faille, des ténors des FL s’efforcent depuis samedi d'affirmer que la réunion de Meerab ne visait pas à former un front unifié d’opposition. Un argument peu convaincant. D’autant plus qu’un point aussi crucial que la stabilité au Sud devrait pousser les anti-Hezbollah à s’unir. Et c’est précisément là que réside la responsabilité de ceux qui ont choisi de bouder Meerab et son chef. En ces moments critiques, ils auraient pu accorder la priorité aux sérieux dangers qui guettent le pays au lieu de se noyer dans les dédales de la petite politique politicienne. Quant à Samir Geagea, il lui aurait suffi de choisir un lieu moins marqué. Son camp en serait sorti gagnant.
The weakness & splintering of the so-called sovereign opposition is being exploited by Hezbollah & their affiliated Parties and politicians. We're facing an existential crisis with: 1-an Israeli war on Lebanon triggered by Hezbollah intervention on behalf of the Palestinians; 2-Syrian refugees that now constitute at least 1/3 of the population & growing; 3-an economic and banking crisis; 4-a void in the Presidential seat and an underperforming caretaker government working against the interests of the population. Yet, the opposition is incapable of uniting its ranks to help offering solutions.
20 h 48, le 04 mai 2024