Le chef des Forces libanaises, Samir Geagea, a annoncé lundi après-midi que sa formation avait décidé de faire partie du prochain gouvernement, regrettant toutefois l'injustice quant au choix de portefeuilles proposée par le Premier ministre désigné, Saad Hariri, à son parti. Cette décision débloque ainsi l'un des principaux nœuds entravant la formation du gouvernement, en gestation depuis plus de cinq mois. L'autre noeud concernant la représentation des sunnites pro-8 Mars, appuyés par le Hezbollah, continue toutefois de faire obstacle à la naissance du cabinet.
"Nous avons pris la décision d'entrer au gouvernement afin de poursuivre les buts que nous avons fixés lors des dernières législatives", a déclaré M. Geagea à l'issue d'une réunion du bloc parlementaire des FL à Meerab à laquelle l'ensemble des ministre sortants et des députés ont participé, à l'exception du ministre d'Etat à la Planification, Michel Pharaon, et des députés Antoine Hacbhi (Békaa) et Imad Wakim (Beyrouth).
"Il y a trois jours, on nous a proposé les portefeuilles de la vice-présidence, des Affaires sociales, de la Culture et du Travail", a indiqué M. Geagea. Il a dénoncé l'injustice dans la distribution des portefeuilles, estimant que les FL se voyaient attribuer moins de ministères que leur poids réel. "Même s'il agit d'une injustice, nous pensons qu'il est plus utile de participer au gouvernement", a-t-il ajouté.
"Le retard pris dans le processus de formation du gouvernement s'explique par la volonté de certains de réduire le poids des FL", a affirmé M. Geagea. "Certains ne voulaient pas des FL au gouvernement, en raison des actions de ses ministres au sein du cabinet sortant qui ont réussi à mettre en échec certains contrats de l'Etat", a-t-il poursuivi. "La solution la plus simple aurait été de ne pas faire partie du gouvernement (...) et sans doute, nous aurions mérité d'autres portefeuilles", a également souligné le leader des FL. En fin de matinée, la députée des Forces libanaises Sethrida Geagea avait également dénoncé une tentative d'éliminer politiquement sa formation.
Dans l'après-midi, le ministre FL sortant de l'Information, Melhem Riachi, s'est rendu à la Maison du Centre, résidence de M. Hariri, et lui a présenté les noms des ministres choisis par les FL. Il s'agit de Ghassan Hasbani (grec-orthodoxe) pour la vice-présidence du Conseil ; la journaliste May Chidiac (maronite), grièvement blessée dans un attentat imputé à la Syrie en 2005, à la tête du ministère de la Culture ; Camille Abousleiman (maronite) au ministère des Affaires sociales et Richard Kouyoumjian (arménien-catholique) proposé pour un ministère d'Etat.
M. Riachi a indiqué à l'issue de la rencontre que "M. Hariri a contacté M. Geagea et l'a remercié d'avoir facilité la formation du gouvernement". "Nous espérons que nous aurons levé tous les obstacles qui entravent la formation du gouvernement dans les prochains jours", a déclaré M. Hariri en soirée.
Réagissant à la décision du parti de Samir Geagea, le Courant patriotique libre a espéré qu'"elle entre dans le cadre du renforcement de l'union nationale sur tous les plans et de la véritable volonté de contribuer à la productivité du prochain gouvernement".
Sunnites pro-8 Mars
Dans la journée, le président du Parlement, Nabih Berry, avait confirmé l'optimisme qui prévaut depuis quelques jours sur le dossier du gouvernement, indiquant que "quelque chose doit se passer aujourd'hui". "Je ne peux rien dire tant que rien n'est arrivé", avait-il ajouté.
Mais alors que Saad Hariri devait se rendre au palais de Baabda en soirée pour présenter au président Michel Aoun la liste des ministres qui composeront le gouvernement, selon des sources informées à l'OLJ, le noeud des députés sunnites pro-8 Mars est remonté à la surface.
Selon des informations relayées par l’agence al-Markaziya, les six députés sunnites dits "indépendants", en d’autres termes hors du cadre du courant du Futur, refusent d’être écartés du processus de formation du gouvernement, surtout depuis que le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a appuyé cette revendication dans son dernier discours. Ces députés du camp du 8 Mars, indiquent certaines sources, devraient se rassembler, et en cas de non-représentation, décider s’ils iraient jusqu’à ne pas accorder la confiance au gouvernement, ou alors carrément rejoindre les rangs de l’opposition.
Lundi soir, une source du Hezbollah a indiqué à la LBCI que le parti chiite tenait "à ce que les sunnites de l'opposition fassent partie du gouvernement", assurant qu'il ne donnera pas la liste de ses ministrables à M. Hariri "si les alliés sunnites ne sont pas représentés" au sein du futur cabinet. "Celui qui a attendu les FL un mois peut attendre plusieurs jours", a ajouté la source.
Selon notre correspondante Hoda Chedid, M. Aoun compte nommer un ministre sunnite parmi les trois ministres qui représentent "la part" du chef de l'Etat. Il pourrait dans ce cas nommer "un sunnite de l'opposition" afin de débloquer ce dernier nœud empêchant la formation du gouvernement. Toujours selon notre correspondante, aucun contact n'a eu lieu jusqu'à présent entre le Premier ministre désigné et le président de la République au sujet du gouvernement.
Dans des propos rapportés dimanche par les médias locaux, M. Hariri aurait déclaré : "Si vous tenez à ce que j'accorde un portefeuille aux sunnites du 8 Mars, trouvez un autre Premier ministre". "Ces déclarations sont honteuses et provocatrices", a déclaré sur son compte Twitter Jamil Sayyed, très proche de Damas. "En tant que Premier ministre, tous les ministres font partie de votre part et ont besoin de vous. Karamé, Saad, Samad, Mrad et les autres ont obtenu 40% des voix sunnites (lors des dernières législatives). Ils étaient là avant vous et votre père sur la scène politique. Lorsqu'on fait partie du 8 Mars, on n'est plus sunnite et vous leur retirez le permis de résidence !", a-t-il ajouté.
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commentaires (12)
le passé de Geagea eat un désastre, une suite de défaites maquillées en mensonges, il arrive peut-être encore à baratiner quelques-uns mais sa réputation repousse beaucoup de monde! on ne peut pas aller à riyadh et trahir impunément son allié historique et espéré le respect.
Fredy Hakim
14 h 52, le 31 octobre 2018