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Moyen Orient et Monde - Syrie

« Ils parlent de Manbij, alors qu’ils ne parviendront pas à prendre Afrine »

Les bombardements turcs sur les zones kurdes créent la panique au sein de la population prise au piège.

Un blessé aux soins intensifs dans un hôpital de Afrine, hier. Delil Souleiman/AFP

Les affrontements se poursuivent à Afrine, onze jours après le début de l’offensive turque lancée avec l’aide de rebelles syriens pour chasser de la frontière la milice kurde des Unités de protection du peuple (YPG, bras armé du PYD). Ce groupe est classé comme « terroriste » par Ankara, mais est par ailleurs un allié incontournable de Washington dans la lutte contre les jihadistes. Les avions turcs survolaient hier Afrine, alors que les bombardements dans les environs de la cité ont gagné en intensité ces derniers jours. Selon des responsables kurdes, des roquettes se sont abattues sur la ville, relativement épargnée jusque-là par les violences, faisant 12 blessés.

« Les bombardements sont incessants », déplore Birusk Heseke, porte-parole des YPG à Afrine, contacté par L’Orient-Le Jour par téléphone. « Les avions survolent la région en continu, et ce même à l’heure où je vous parle, j’entends larguer des bombes », poursuit-il. « Nous riposterons de plus belle », affirme le porte-parole. Les combats les plus violents se déroulent principalement dans le nord et l’ouest de la région. Ils sont accompagnés de tirs d’artillerie et de frappes aériennes turques, selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH). « À Bolbol (Nord), les forces proturques tabassent les habitants, les dépouillent et leur prennent leurs maisons », poursuit Birusk Heseke. Du côté des groupes armés faisant partie de l’Armée syrienne libre, qui se battent eux aussi contre les Kurdes, peu d’informations circulent. « Je ne peux rien vous dire pour l’instant car nous nous préparons à élargir le front dans les jours à venir », confie Abou Iyad, combattant au sein de l’Armée nationale syrienne. Même son de cloche du côté des troupes du premier régiment de l’Armée syrienne libre, dont un membre confirme que l’offensive risque de prendre un autre tournant très prochainement.


(Lire aussi : Les rebelles syriens ont-ils d’autre choix que de s’allier à la Turquie ? )


Civils pris au piège
« La Turquie utilise toutes les armes possibles et ne respecte en rien le droit de la guerre. Plus de 45 000 hommes sont déployés par les Turcs, dont des combattants al-Nosra (ex-branche d’el-Qaëda qui combat sous le drapeau de Tahrir el-Cham), Ahrar el-Cham (groupe salafiste), et même l’État islamique », avance pour sa part le porte-parole du YPG. « C’est absolument faux », écrit le combattant de l’ASL via Whatsapp. « Nous sommes en désaccord total avec al-Nosra, comment accepterions-nous qu’il participe à l’offensive “Rameau d’olivier” ? »
poursuit-il.

Au-delà des développements militaires, la situation des civils reste extrêmement inquiétante. À Afrine, quelque 15 000 personnes fuyant les combats ont été déplacées dans la région, tandis qu’un millier ont trouvé refuge dans la province voisine d’Alep, selon Ursula Mueller, secrétaire générale adjointe de l’ONU, chargée des affaires humanitaires. Les blessés continuent d’affluer dans les principaux hôpitaux de la ville. « Ankara vise délibérément les civils, c’est extrêmement monstrueux », poursuit Birusk Heseke qui indique que neuf personnes auraient péri hier à l’issue de bombardements turcs. La Turquie se défend de telles accusations et a indiqué prendre pour cible uniquement les positions militaires des YPG. Mardi, le ministre turc de la Défense, Nurettin Canikli, a assuré devant le Parlement que l’armée et les rebelles syriens qui lui sont alliés « n’ont fait de mal à aucun civil ». Depuis le 20 janvier, 91 combattants kurdes ont été tués de même que 85 rebelles pro-Ankara, selon l’OSDH. En outre, 67 civils dont 20 enfants ont péri dans les bombardements turcs sur Afrine, a ajouté l’ONG. Ankara a par ailleurs affirmé avoir perdu sept soldats dans l’opération.


(Lire aussi : Dans les hôpitaux d'Afrine, l'offensive turque fait craindre une "tragédie")


Peur et angoisse
Pris en étau dans les combats, certains habitants de Afrine refusent de s’exprimer auprès de médias par crainte. Des nouvelles parviennent cependant à travers leurs proches, vivant en zones prorégime ou prorebelles. Kilda* vit à Alep, reconquise par les troupes de Bachar el-Assad aidé de ses parrains russe et iranien, en décembre 2016. Cette jeune Kurde reçoit constamment des messages de ses parents résidant à Afrine. « Ils vont bien heureusement, mais ils vivent dans la peur et l’angoisse », raconte-t-elle, précisant qu’ils avaient dû la semaine dernière se réfugier dans une grotte avant de pouvoir regagner leur appartement. La ville, à majorité kurde, abrite toutefois une grande communauté arabe.

Ahmad*, dont le cousin vit à Afrine, affirme que celui-ci est « totalement paniqué ». « Les gens ont peur que la ville ne soit bientôt totalement assiégée », dit-il. « Je sais qu’à la maison il y a des olives, de l’huile et du pain, la base quoi. Mais, pour le reste, mes parents me disent que le prix des denrées alimentaires a explosé et que personne ne peut se permettre de faire beaucoup de provisions », raconte de son côté Kilda. Les routes étant coupées, notamment celle menant à Alep, il est quasiment impossible aux civils de tenter de quitter Afrine. « Les civils nous soutiennent et ne veulent pas nous abandonner. Des hommes et des femmes de tous âges prennent les armes. Les autres participent à la bataille à leur manière en préparant les repas ou en soignant les blessés », affirme le porte-parole des forces militaires kurdes. Une description de la situation nuancée par les dires d’Ahmad qui affirme que les déplacés arabes à Afrine craignent d’être embrigadés de force par les YPG. « Ceux qui veulent fuir les combats voient tous leurs biens confisqués par les forces kurdes », affirme pour sa part Tarek, un activiste qui communique avec des amis à l’intérieur des zones kurdes visées par les bombardements turcs. Selon lui, les hommes comme les femmes de moins de 42 ans, voulant se rendre dans les zones prorégime, sont arrêtés au point de contrôle de l’armée syrienne et immédiatement renvoyés en zone kurde pour se battre contre les Turcs. « La coopération entre le régime et les Kurdes n’a jamais cessé depuis le début de la révolution », affirme Tarek.

La semaine dernière, le président turc Recep Tayyip Erdogan avait menacé d’étendre à Manbij, et plus à l’Est, jusqu’à la frontière irakienne, l’offensive actuelle d’Ankara en Syrie, au risque d’entrer en confrontation directe avec les forces américaines. « Ils parlent de Manbij, alors qu’ils ne parviendront pas à prendre Afrine. Si, ô Grand Dieu, Afrine tombe, cela mettra Alep et d’autres villes en péril. Et je doute fort que les Turcs pourront avancer plus à l’Est », estime Birusk Heseke.

*Les prénoms ont été modifiés.


    

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commentaires (3)

C'est un bon article nuancé avec les deux points de vues (ASL et YPG) et des habitants de Afrine des deux communautés car comme on explique même à majorité kurde, il y a aussi une communauté arabe dans cette ville ou région.

Stes David

14 h 07, le 01 février 2018

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Commentaires (3)

  • C'est un bon article nuancé avec les deux points de vues (ASL et YPG) et des habitants de Afrine des deux communautés car comme on explique même à majorité kurde, il y a aussi une communauté arabe dans cette ville ou région.

    Stes David

    14 h 07, le 01 février 2018

  • La sauvagerie a un visage et on le connait depuis plus de cent ans ...

    Sarkis Serge Tateossian

    10 h 50, le 01 février 2018

  • LE TURC S,EST EMBOURBE DANS LE GUEPIER KURDE ET NE SAURA PLUS COMMENT S,EN SORTIR A MOINS D,ESCALADES MILITAIRES QUI LUI COUTERONT TRES CHER ET QUI SE DEPLACERONT SUR SON SOL ! MAIS IL Y A RISQUE AUSSI D,ENFLAMMER TOUTE LA REGION...

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 20, le 01 février 2018

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