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Moyen Orient et Monde - Éclairage

Les Kurdes, éternels déçus de l’histoire

L’offensive turque sur Afrine ravive les craintes des Kurdes d’être lâchés par les États-Unis.

Une manifestante devant l’ambassade turque à Berlin contre l’offensive d’Ankara à Afrine. John MacDougall/AFP

« Les Kurdes n’ont d’amis que les montagnes », dit un vieil adage. Et ce peuple écartelé entre quatre pays, qui ne cache pas son ambition d’avoir un jour son propre État, y croit fermement, malgré les multiples lâchages par ses alliés ou les retournements d’alliance dont il fait les frais.
Après avoir été sanctionnés pour avoir organisé un référendum pour l’indépendance dans le nord de l’Irak, les Kurdes se trouvent aujourd’hui sous le feu des forces turques, qui mènent l’assaut dans le nord-ouest de la Syrie contre la poche de Afrine.

Depuis une semaine, l’assaut lancé par l’armée turque et les factions rebelles qui lui sont alliées contre les milices kurdes retranchées dans l’enclave de Afrine n’a suscité que quelques timides protestations des États-Unis. Ce n’est que lorsque le président Recep Tayyip Erdogan a menacé vendredi d’élargir considérablement l’offensive et de lancer ses forces contre la ville de Manbij, tenue par les milices kurdes des YPG (Unité de protection du peuple) et où Washington a déployé des troupes, que les États-Unis ont haussé le ton. Ces derniers ont pourtant armé, entraîné et soutenu ces mêmes milices des YPG – émanation du PKK séparatiste kurde turc – qui constituent le fer de lance des Forces démocratiques syriennes (FDS). Cette coalition a mené le combat contre les jihadistes de l’État islamique (EI), reprenant Raqqa et auparavant Kobané, et profité du parapluie américain pour élargir les territoires sous leur contrôle dans le nord de la Syrie.

Le PYD, dont les YPG sont le bras armé, affirme ne pas vouloir la sécession du « Rojava » (Kurdistan de l’Ouest), mais a imposé une autonomie de facto sur les territoires qu’il contrôle, qui pourraient être menacés aujourd’hui par l’offensive turque. Et Washington pourrait être tenté de lâcher ces mêmes combattants qu’il a encensés. « Pour la Turquie, le PYD représente une menace existentielle. Pour les États-Unis, il représente un allié à court terme, qui a été efficace contre le groupe État islamique. Par conséquent, les États-Unis peuvent utiliser quand et où ils le veulent le PYD. Ils savent que ce dernier aura toujours besoin d’un soutien extérieur, et qu’il a très peu d’options », explique à L’Orient-Le Jour Renad Mansour, chercheur à l’institut britannique Chatham House.


(Lire aussi : « Les milices kurdes n’ont rien à envier au régime Assad »)


Revers en Irak
Les Kurdes d’Irak, eux aussi loués par la communauté internationale pour avoir mené le combat contre le groupe EI, avaient déjà connu un revers important en septembre lorsque le président Massoud Barzani avait voulu organiser un référendum sur l’indépendance. Mais sa décision de provoquer Bagdad et certains de ses alliés régionaux, dont Ankara, et internationaux s’est retournée contre lui.

Profitant de la désunion des Kurdes irakiens, Bagdad a envoyé ses troupes reprendre le contrôle des « territoires disputés », ces zones situées hors de la région autonome où les Kurdes avaient étendu leur emprise depuis 2003, dont la riche province pétrolière de Kirkouk tombée dans les mains des Kurdes en 2014. Cette région aurait pu assurer la viabilité économique d’un hypothétique État kurde. Erbil n’a en outre pas obtenu le soutien international qu’il espérait concernant le référendum sur l’indépendance, notamment de la part des États-Unis. Finalement, les Kurdes d’Irak ont perdu un cinquième du territoire qu’ils tenaient, une grande partie des champs de pétrole et de gaz, le contrôle des frontières avec la Turquie, essentiel pour leur économie, comme le souligne M. Mansour, et les liaisons aériennes entre le Kurdistan irakien et l’étranger ont été coupées sur ordre de Bagdad. Et surtout, ils ont vu le rêve d’un État s’éloigner.


(Lire aussi : Pourquoi Washington est en train de tomber dans le piège syrien)


Déjà en 1920
Mais ce n’est pas la première fois que les espoirs des Kurdes d’avoir un État sont déçus. Il y a près de cent ans déjà, le traité de Sèvres conclu en 1920 entre les Alliés, dont la France, la Grande-Bretagne et les États-Unis, et l’Empire ottoman prévoyait la création d’un État kurde. Mais ce traité n’a jamais été appliqué, le chef nationaliste turc Mustafa Kemal ayant imposé un nouveau rapport de forces sur le terrain, et en 1923, un nouveau traité signé entre le gouvernement kémaliste et les puissances alliées ne faisait plus mention d’un État kurde.

En 1946, un éphémère État kurde avait vu le jour dans le nord de l’Iran. La République de Mahabad (janvier-décembre 1946) avait été créée en accord avec les Soviétiques qui soutenaient la rébellion kurde en Iran. Mais l’expérience avait tourné court lorsque l’URSS, motivée par une participation dans l’exploitation du pétrole iranien, a signé des accords avec le pouvoir iranien. Ce revirement a alors signé l’arrêt de mort de la République de Mahabad qui n’a pas résisté à l’assaut des troupes iraniennes le 27 novembre 1946, et son chef Qazi Mohammad sera jugé puis pendu en 1947. « Les acteurs kurdes essayent de s’imposer comme des sujets de l’histoire mais, totalement enclavés entre quatre pays, ils restent extrêmement limités par le poids de la géographie », explique le spécialiste Hamit Bozarslan, directeur d’études à l’Ehess (École des hautes études en sciences sociales) à Paris. Pour lui, « un État kurde ne peut pas voir le jour dans l’immédiat. Comme les Palestiniens, les Kurdes sont condamnés pour le moment à demeurer une nation sans État, ou alors avec des bouts d’autorité ».



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commentaires (4)

Les Kurdes comme les palestiniens rêvent d'avoir un pays libre . Mais avec le jeu des Grands ils n'auront jamais .

Antoine Sabbagha

12 h 57, le 27 janvier 2018

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Commentaires (4)

  • Les Kurdes comme les palestiniens rêvent d'avoir un pays libre . Mais avec le jeu des Grands ils n'auront jamais .

    Antoine Sabbagha

    12 h 57, le 27 janvier 2018

  • On ne peut pas traiter éternellement un peuple de 40 millions d'âmes en esclaves... L'indépendance est leur droit sacré. La Turquie porte l'entière responsabilité de tous les crimes commis envers ce peuple paisible

    Sarkis Serge Tateossian

    12 h 30, le 27 janvier 2018

  • Dis moi qui tu fréquentes je te dirai qui tu es , et j'ajouterai qu'est ce que tu vas finir par récolter. C'est un pauvre PEUPLE à qui les occidentaux mentent depuis de décennies, et qu'on utilise à des fins stratégiques pour de courtes durée. Regardez bien qui utilise ce peuple depuis la guerre faite à saddam . Et regardez le résultat. Vous comprendrez qui est ce renard dans cette basse cour.

    FRIK-A-FRAK

    12 h 29, le 27 janvier 2018

  • Bien que erdo qui n'est qu'un hypocrite qui roulerait pour le diable et pour un ange en même temps, il faut dire sans détour ni honte que c'est l'Amérique qui poignarde les kurdes dans le dos , après les avoir utilisés à kobane et à raqqa. Si on peut parler de connivence , c'est bien entre la Turquie et l'Amérique du clown déséquilibré mental. Dans tous les cas c'est l'OTAN qui donne d'elle une image déplorable de boîte à clous rouillés.

    FRIK-A-FRAK

    12 h 02, le 27 janvier 2018

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