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Moyen Orient et Monde - Analyse

Pourquoi Washington est en train de tomber dans le piège syrien

La stratégie américaine en Syrie reste particulièrement bancale. (Ici, Donald Trump, suivi de Rex Tillerson et Jared Kushner à Davos, le 25 janvier 2018. AFP / Fabrice COFFRINI

En Syrie, les Américains vont s’engager durablement dans un territoire hostile avec des moyens limités et avec des objectifs considérables. À tous ceux qui se posaient la question de savoir quelle est leur stratégie dans ce pays, le secrétaire d’État Rex Tillerson a répondu au cours d’un discours prononcé à l’université de Stanford le 17 janvier dernier : les États-Unis veulent rester en Syrie dans la durée pour empêcher le retour de l’État islamique (EI), pour endiguer l’influence de l’Iran à la frontière syro-irakienne et pour affaiblir Bachar el-Assad. Trois objectifs d’envergure contre trois ennemis déclarés, dans un pays où ils ont beaucoup d’ennemis et de moins en moins d’alliés. De quoi se mettre à dos non seulement les jihadistes, les partisans du régime syrien, les Iraniens et leurs milices, dont le Hezbollah, mais aussi les Russes qui souhaitent régner en maîtres sur tout le territoire syrien.

Washington n’a apparemment pas l’intention de se donner davantage de moyens pour protéger ses intérêts contre tous ces rivaux proclamés. Il compte seulement pérenniser son alliance avec les Kurdes syriens du PYD (Parti de l’union démocratique), en créant une brigade de 30 000 hommes encadrés par leurs forces spéciales. Miser sur le PYD contre l’EI, le régime, l’Iran et, naturellement, Moscou, semble être un pari bien hasardeux. S’ils ont montré leur efficacité en tant que principaux partenaires des Occidentaux dans la reprise des territoires aux mains de l’EI, les milices kurdes posent deux grands inconvénients à leurs alliés. Premièrement, elles représentent une minorité et sont perçues comme une force d’occupation par les populations arabes. Deuxièmement, et surtout, s’allier avec eux est le meilleur moyen de provoquer la colère d’Ankara, qui les considère comme un groupe terroriste et qui a l’intention de les réduire à néant par tous les moyens.


(Lire aussi : « Les milices kurdes n’ont rien à envier au régime Assad »)


Comme s’il n’avait pas assez d’ennemis en Syrie, Washington s’est mis complètement à dos son seul potentiel allié d’envergure, et son partenaire au sein de l’OTAN, la Turquie, en annonçant vouloir créer une force frontalière noyautée par le PYD dans le nord du pays. Même si Rex Tillerson est revenu sur ses déclarations, cela n’a pas suffi à calmer la colère d’Ankara, qui en a au contraire profité pour lancer son opération Rameau d’olivier contre l’enclave de Afrine. Ce qui a mis Washington dans une situation extrêmement délicate : s’il a d’abord donné son feu orange aux Turcs, il a progressivement haussé le ton à mesure que ses alliés kurdes dénonçaient le fait d’avoir été abandonnés. Impossible pour les Américains de ménager la chèvre et le chou dans cette affaire. Leur alliance avec les Kurdes a poussé Ankara dans les bras de Moscou. Washington doit maintenant en tirer les conséquences et définir clairement ses lignes rouges par rapport à la Turquie.

Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, n’a pas caché son intention de poursuivre l’opération au-delà de Afrine, avec Manbij puis les territoires à l’est de l’Euphrate en ligne de mire. Or si les Américains n’ont jamais été présents à Afrine, ils le sont à Manbij, et ont déjà signalé par le passé aux Turcs qu’ils ne comptaient pas en partir. Vont-ils garder la même ligne, au risque d’une escalade avec la Turquie ? Manbij aura valeur de test pour les Américains, pour les Turcs, mais aussi pour les Kurdes. Tous les acteurs du conflit syrien vont scruter la situation de près pour décrypter le comportement américain et en tirer des conclusions sur sa détermination à parvenir à ses objectifs. S’ils cèdent, les Américains risquent d’avoir des difficultés à conserver leur pouvoir d’influence dans l’Est syrien. Leurs ennemis en profiteront certainement pour tester leur volonté de rester en Syrie. En ce sens, les 2 000 soldats américains déployés sur le sol syrien pourraient être des cibles potentielles, notamment pour les milices obligées de l’Iran.

En résumé, si elle est désormais moins illisible, la stratégie américaine en Syrie reste particulièrement bancale.



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En Syrie, les Américains vont s’engager durablement dans un territoire hostile avec des moyens limités et avec des objectifs considérables. À tous ceux qui se posaient la question de savoir quelle est leur stratégie dans ce pays, le secrétaire d’État Rex Tillerson a répondu au cours d’un discours prononcé à l’université de Stanford le 17 janvier dernier : les États-Unis...

commentaires (8)

il faut se rappeler que l'est syrien aujourdh'ui a beaucoup moins d'imortantce strategique pr les usa, depuis la chute de abou kamal et deir ezzor laissant la voie libre aux persans qui ont finalement securise leur couloir de la mort pour nous libanais : teheran -baghdad - damas - BEYROUTH - JERUSALEM

Gaby SIOUFI

11 h 00, le 28 janvier 2018

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Commentaires (8)

  • il faut se rappeler que l'est syrien aujourdh'ui a beaucoup moins d'imortantce strategique pr les usa, depuis la chute de abou kamal et deir ezzor laissant la voie libre aux persans qui ont finalement securise leur couloir de la mort pour nous libanais : teheran -baghdad - damas - BEYROUTH - JERUSALEM

    Gaby SIOUFI

    11 h 00, le 28 janvier 2018

  • On saura assez vite qui de M Erdogan ou de M Trump cedera le premier. Mangib: soit les USA reste et Erdogan n'attaquera pas et le President Trump aura gagne ce round, soit les USA se retire et le President Erdogan aura gagne C'est tres clair en principe

    LA VERITE

    03 h 19, le 28 janvier 2018

  • SI LE TYRAN TURC CONTINUE LES ETATS UNIS SERONT OBLIGES D,INTERVENIR AYANT DE LEURS FORCES SPECIALES AUX COTES DU PYD KURDE ! PROCHAIN PAYS AVEC PRINTEMPS HIVERNAL PAREIL A CELUI DES ARABES OU PLUTOT DE LA SYRIE... LA TURQUIE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    13 h 23, le 27 janvier 2018

  • Cela fait plus d'un siècle que l'occident ménage la Turquie est se plie devant ses chantages et ses exigences ... Quel est le résultat de cette politique d'autruche ? Une catastrophe et on le voit bien actuellement. Une décision claire et précise de l'occident envers ce pays malsain depuis sa genèse s'impose. Assez de massacres et d'ignominies perpétrés par ce pays au nom d'une "alliance" erronée et honteuse.

    Sarkis Serge Tateossian

    12 h 26, le 27 janvier 2018

  • Voilà, et une fois n'est pas coutume, une analyse qui dit les choses comme elles sont , plutot que de les presenter comme certains souhaiteraient , qu'elles en soient . L'Amérique se rend MINABLE dans notre région parce que sa politique basée sur des complots à courte vue l'y ont mené. N'avoir pour allié que 2 regimes des plus exécrables ne les aidera pas à se faire accepter , la liste des opposants à leur politique va croissant , en plus des traditionnels résistants, la Turquie et n'oublions pas le qatar se rallient à cette résistance à leur politique de la terre brûlée pour les intérêts d'un pays avec en appendice un larbin arabe . Les kurdes à force d'être utilisés puis jetés se rendront compte de leurs erreurs. Tonton Poutine est tapis , DANS SA POLITIQUE DE FIN STRATÈGE, LE MOMENT VENU . 2000 fonctionnaires en Syrie du héros BASHAR EL ASSAD c'est ridicule, de toute façon ils ne peuvent pas faire plus, en Afghanistan et en Irak ils étaient par dizaines de milliers, OU SONT ILS A PRÉSENT ? UN EXCELLENT ARTICLE MR SAMRANI , BRAVO POUR CETTE LUCIDITÉ.

    FRIK-A-FRAK

    12 h 19, le 27 janvier 2018

  • LE MINI SULTAN OTTOMAN ERDO PAYERA TRES CHERS SES BRAVADES ET SES AVENTURES MAL CALCULEES...

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 29, le 27 janvier 2018

  • Si je peux me permettre de rajouter que s’il rentre a manbij c’est que les usa ont déjà eux mêmes rayer la Turquie de l’otan ... et erdo perdra bcp et il le sait car il ne fait pas confiance ni aux russe ni aux usa donc il aura tjrs besoin d’un levier de pression contre les 2

    Bery tus

    06 h 53, le 27 janvier 2018

  • Erdo n’ira pas à manbij

    Bery tus

    06 h 28, le 27 janvier 2018

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