Au début du conflit syrien, les Kurdes souhaitaient être neutres et tenir leur région le plus loin possible des tensions. Mais ils ont été enrôlés dans le conflit par la force des choses, ce qui a permis aux YPG (Unités de protection du peuple) de se présenter comme le protecteur de la cause kurde en Syrie. Les combattants des YPG ont même pris une dimension internationale à la faveur de leur participation dans les combats contre l’État islamique (EI). Ennemis des Turcs, amis des Américains, les Kurdes ont essayé durant ces cinq dernières années de consolider leurs relations avec les autres acteurs du conflit syrien tout en poursuivant leur propre agenda. Le point sur leurs alliances et leurs inimitiés.
Avec Damas
– Dès le début du conflit, le régime syrien a cherché à obtenir le soutien des Kurdes.
– Damas a retiré ses troupes du nord de la Syrie en laissant grand soin aux forces du PYD (Parti kurde de l’union démocratique) d’y assurer la sécurité face à l’avancée des troupes rebelles anti-Assad. Les Kurdes en ont profité pour établir une administration autonome.
– Les deux acteurs ont coopéré de façon ponctuelle à plusieurs reprises, les Kurdes cherchant tout de même à préserver une certaine neutralité.
– En août 2016, Damas a effectué pour la première fois des bombardements sur les positions kurdes à Hassaké. Mais la tension est assez vite retombée.
– En septembre 2017, le ministre syrien des Affaires étrangères, Walid Moallem, avait annoncé la possibilité d’une « négociation » pour une autonomie plus grande de la région, mais en rejetant l’option d’une indépendance du Rojava (territoire correspondant au Kurdistan syrien).
– En décembre dernier, Bachar el-Assad, qui n’a jamais caché sa volonté de reconquérir tout le territoire syrien, a accusé les Kurdes d’être des « traîtres » en raison de leur coopération avec les Américains. En réponse, les Kurdes ont accusé le régime d’avoir ouvert les frontières aux jihadistes étrangers.
(Lire aussi : « Les milices kurdes n’ont rien à envier au régime Assad »)
Avec les rebelles
– Tout au long du conflit, les Kurdes et les rebelles ont connu des relations en dents de scie, combattant parfois ensemble, s’affrontant à un autre moment.
– Ils se sont affrontés à Ras el-Aïn, dans le nord de la Syrie, en novembre 2012. Les Kurdes ont ensuite intégré certaines forces rebelles au sein des Forces démocratiques syriennes (FDS) dans le combat contre l’EI.
– D’autres groupes rebelles de l’Armée syrienne libre ont participé, entre 2016 et 2017, aux côtés de la Turquie, à l’opération « Bouclier de l’Euphrate », pour lutter contre l’EI et les Kurdes syriens.
– Actuellement, avec l’aide de la Turquie, des rebelles de l’ASL affrontent les YPG dans la région d’Afrine.
Avec Ankara
– La Turquie a toujours été hostile à la présence kurde dans le nord de la Syrie.
– Elle considère les forces du YPG comme une extension en Syrie du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK, terroriste pour Ankara). Ce dernier mène, depuis 1984, une vraie guérilla en Turquie.
– Durant le conflit syrien, Ankara a de nombreuses fois réaffirmé son soutien aux rebelles anti-Assad et bombardé à maintes reprises les positions kurdes situées dans le corridor entre l’est et l’ouest du pays.
– L’objectif d’Ankara est clair : éviter que la frontière turco-syrienne ne se retrouve sous le contrôle des Kurdes.
– La Turquie a conduit l’opération « Bouclier de l’Euphrate » d’une part contre l’EI mais aussi contre les FDS.
– Depuis le 20 janvier 2018, les YPG sont les cibles des avions et des batteries turques dans la région d’Afrine.
(Lire aussi : Pourquoi Washington est en train de tomber dans le piège syrien)
Avec Moscou
– L’entrée de la Russie dans le conflit en 2015 a changé la donne et a amené le PYD à raviver ses relations avec Moscou.
– En raison de l’influence du Kremlin sur le régime syrien, les Kurdes pensent que Vladimir Poutine est le plus apte à faire pression sur Bachar el-Assad pour leur accorder ce qu’ils revendiquent, mais sans aller jusqu’à une indépendance du Rojava.
– La Russie essaye depuis plusieurs mois de mêler les Kurdes au règlement du conflit en Syrie.
– La première représentation à l’étranger des YPG est ouverte en Russie.
– En 2017, Moscou avait même envisagé l’hypothèse d’une « Syrie fédérale » comme une solution au conflit. Mais des tensions pourraient réapparaître entre les Kurdes et la Russie en raison du départ des troupes russes présentes à Afrine au moment de la récente intervention turque.
– Les Kurdes tiennent la Russie « pour responsable, autant que la Turquie, des raids aériens et des massacres à Afrine ».
Avec Washington
– Les États-Unis, alliés de la Turquie au sein de l’OTAN, ont été les principaux soutiens du PYD dans la guerre contre l’EI.
– Sous Barack Obama comme sous Donald Trump, Washington a soutenu les FDS dans les combats pour reprendre les territoires conquis par le groupe jihadiste.
– Les États-Unis ont proposé de créer une « Force frontalière de sécurité » à la lisière de la Turquie. C’est une des raisons de l’actuelle présence de l’armée turque dans la région d’Afrine, au nord de la Syrie.
– Mais ce rapprochement entre Washington et les Kurdes aurait été mal vu par Moscou qui avait quitté la région avant l’entrée de l’armée turque.
Avec Téhéran
– L’Iran possède, tout comme la Syrie, la Turquie et l’Irak, sa propre minorité kurde au nord-est de son territoire.
– L’État iranien reconnaît sa langue et sa culture, mais pas d’autonomie politique, ni administrative, et il est donc totalement hostile à une quelconque forme d’indépendance kurde vis-à-vis du régime syrien.
– Il se situe ainsi dans la même logique de récupération des territoires au sein de l’autorité du gouvernement central syrien.
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