Confrontés à une offensive turque dans le nord de la Syrie, les Kurdes réclament la protection du régime. Mais dans le canton d'Afrine, la minorité longtemps opprimée par Damas s'accroche tenacement à son autonomie de facto, chèrement acquise à la faveur du conflit.
Les Kurdes ont exhorté les forces de Bachar el-Assad à intervenir pour protéger l'enclave d'Afrine, située à la frontière avec la Turquie et cible depuis le 20 janvier d'une offensive lancée par Ankara et des rebelles syriens.
Mais la communauté rejette les conditions de Damas, en l'occurrence un redéploiement de l'armée syrienne dans la région et le retour des institutions étatiques du régime, estiment des experts et des responsables qui suivent ce dossier. Car ces mesures sonneraient le glas du pouvoir kurde à Afrine, l'un des trois cantons formant la "région fédérale" proclamée sur les territoires de la communauté, contrôlés depuis 2013 par une administration semi-autonome.
"Les Kurdes ont toujours voulu de bonnes relations (avec le régime). Mais ils ne veulent pas un retour à la situation d'avant-guerre", indique Mutlu Civiroglu, spécialiste des affaires kurdes.
Estimés à 15% de la population, opprimés pendant des décennies sous le régime du clan Assad, les Kurdes ont profité de la guerre déclenchée en 2011 pour établir une autonomie de facto dans les territoires qu'ils contrôlent, dans le nord et le nord-est du pays.
Ils ont introduit la langue kurde longtemps bannie dans les écoles et créé leurs forces de sécurité et leur propre milice, les Unités de protection du peuple (YPG), alliée de Washington qui s'est avérée incontournable dans la lutte contre les jihadistes du groupe État islamique (EI).
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"Livrer Afrine, impossible"
Les rapports entre la communauté et le régime ont toujours été ambigus. Les Kurdes nient toute aspiration indépendantiste, alors que Damas voit d'un mauvais œil leur liberté, allant parfois jusqu'à les qualifier de "traîtres", martelant sa détermination à reconquérir tout le pays.
Aujourd'hui, ce sont les YPG, considérés comme un groupe "terroriste" par Ankara, qui sont la cible de l'offensive, au moment où la Turquie craint que la liberté des Kurdes en Syrie n'encourage les aspirations de sa propre communauté. Et malgré les pilonnages quotidiens qui ont tué 55 civils et 78 combattants kurdes selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), la communauté refuse de céder le territoire au régime.
Par l'intermédiaire de la Russie, soutien indéfectible de Damas, les Kurdes ont simplement proposé au pouvoir de déployer ses forces à la frontière avec la Turquie, selon des responsables de la communauté.
La proposition prévoit "le retour de gardes-frontières syriens et la levée du drapeau syrien à la frontière, pour rassurer les Turcs", indique à l'AFP un de ces responsables, Ahed al-Hendi.
"Les forces de défense, de police et de sécurité kurdes seraient maintenues", insiste M. Hendi, membre du Conseil syrien démocratique, bras politique des Forces démocratiques syriennes (FDS), coalition de combattants dominée par les Kurdes. "Livrer Afrine au régime syrien, c'est impossible. Et c'est la même chose pour les Turcs", ajoute-t-il.
Le 25 janvier, les autorités du Canton d'Afrine avaient déjà appelé l’État syrien, "avec tous les moyens" qu'il possède, à empêcher l'aviation turque "de survoler l'espace aérien syrien".
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"Pire scénario"
Pour l'heure, le pouvoir de Damas, qui a condamné "l'agression turque brutale", n'a pas réagi à l'appel.
"Les Kurdes assument la responsabilité de ce qu'ils ont fait (...) l'État syrien n'est pas à leur service et ne peut être appelé quand ils ont besoin de lui", explique Bassam Abou Abdallah, directeur du Centre de Damas pour les études stratégiques.
Avec le début de l'offensive, des soldats russes stationnés à Afrine et qui avaient fourni une formation militaire aux combattants YPG se sont retirés, et les Kurdes ont alors accusé Moscou d'avoir donné son "feu vert" à Ankara.
Des responsables kurdes avaient indiqué à l'AFP que Moscou leur avait offert une protection contre la Turquie s'ils laissaient leurs territoires au régime syrien, et avait retiré son soutien aérien quand ils avaient refusé la proposition. Et pour des experts, l'inaction du régime pourrait s'expliquer par le fait que l'offensive turque vient servir les intérêts de Damas.
"Ils veulent que les forces kurdes soient affaiblies pour les contraindre à accepter les demandes" de Damas, avance M. Civiroglu. Mais pour les Kurdes "le retour de l'ancien régime, c'est l'un des pires scénarios" possibles, estime l'expert: "ils étaient privés de leurs droits fondamentaux, ils étaient traités comme des citoyens de seconde zone", poursuit-il. Aujourd'hui "ils sont maître de leurs décisions et après tous les sacrifices, ils ne veulent pas revenir sous le contrôle du régime", explique M. Civiroglu.
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Mais non les amis. Vous avez vos alliés américains c'est à eux qu'il faudra s'adresser pour vous venir au secours. Sinon laissez le héros BASHAR s'occuper de vous sans conditions.
00 h 53, le 30 janvier 2018