Retour à la case départ au niveau des pourparlers menés pour dégager un nouveau compromis politique qui permettrait au Premier ministre, Saad Hariri, de renoncer pour de bon à sa démission ? Tout porte à le croire, non pas parce que l'Arabie saoudite s'est de nouveau manifestée hier pour insister sur le désarmement du Hezbollah, mais parce que l'entente qui avait commencé à prendre forme a volé en éclats à partir du moment où le Liban officiel a montré des signes de réticence par rapport à une distanciation vis-à-vis de la Syrie.
L'entrée en scène de Riyad, hier, par la voix de son ministre des Affaires étrangères, Adel al-Jubeir, après deux semaines d'une pause politique marquée par la suspension des déclarations incendiaires saoudiennes contre l'Iran et le Hezbollah, ne serait en définitive que le résultat direct de l'échec des négociations qui étaient menées loin des feux de la rampe, sous la houlette de Paris, pour tenter de dégager la formule qui allait permettre à l'équipe de Saad Hariri de redémarrer à partir de la semaine prochaine, sur une nouvelle base politique s'articulant essentiellement autour du principe de la distanciation par rapport aux crises qui soufflent sur la région.
De sources diplomatiques, on apprend que tout allait bien jusqu'à hier matin. Jusqu'à ce qu'à un moment donné, les pourparlers qui étaient menés par un groupe de travail français, désigné par le président Emmanuel Macron et dirigé par le directeur général de la sécurité extérieure (DGSE) et ancien ambassadeur de France au Liban (2004-2007), Bernard Émié, en concertation avec Riyad, s'interrompent abruptement. À l'origine de ce nouveau revers, les réserves exprimées par les dirigeants saoudiens au sujet des récentes déclarations des pôles du pouvoir qui ont réveillé en eux les craintes de manœuvres visant à renflouer le rôle du Hezbollah et, par voie de conséquence, celui de l'Iran, dans la région.
Il y a eu d'abord le président de la Chambre, Nabih Berry, puis le chef de l'État, Michel Aoun, qui ont fait valoir dans leurs déclarations respectives que le Liban ne peut pas appliquer une politique de distanciation vis-à-vis de la Syrie, étant donné les relations de voisinage, et surtout en raison de la présence de plus d'un million et demi de réfugiés syriens sur son sol. Il y a eu ensuite l'interview accordée par le Premier ministre Saad Hariri, jeudi, à Paris Match, et dans laquelle ce dernier a établi une distinction entre les deux rôles politique et militaire du Hezbollah. « Le Hezbollah a un rôle politique. Il a des armes, certes. Mais il ne les utilise pas sur le sol libanais. L'intérêt du Liban est de faire en sorte que ces armes ne soient pas utilisées ailleurs. De là vient le problème », a déclaré le chef du gouvernement, ce qui aurait eu pour effet de hérisser le commandement saoudien. Les propos du Premier ministre, qu'il s'est empressé de clarifier un peu plus tard – suite à la polémique qu'ils ont soulevée dans les milieux souverainistes –, en les situant dans le contexte d'une volonté de préserver la stabilité, prêtent quand même à équivoque. Ils restent surtout à l'antipode de ses déclarations lors de l'annonce, le 4 novembre dernier depuis Riyad, de sa démission, lorsqu'il était tombé à bras raccourcis sur l'Iran et le Hezbollah. Des propos qui font, en outre, quand même craindre une modification de façade de la politique libanaise en matière de distanciation.
Ces trois déclarations étaient autant de signaux négatifs envoyés à Riyad, pourtant associé aux négociations qui devaient permettre de dégager une formule garantissant la distanciation du Liban, au moment où même l'ONU revenait à la charge, par la voix de son secrétaire général, António Guterres, pour réclamer le désarmement du Hezbollah, en appelant avec insistance à l'application de l'accord de Taëf, de la résolution 1559 du Conseil de sécurité et de la déclaration de Baabda.
Riyad n'a ainsi pas tardé à réagir. Son ministre des Affaires étrangères, Adel al-Jubeir, est de nouveau monté au créneau, lors d'une conférence de presse qu'il a tenue à Rome dans le cadre de la conférence sur le dialogue méditerranéen, pour vilipender le Hezbollah et l'Iran. Les propos du chef de la diplomatie saoudienne ont, presque, sonné comme une menace lorsqu'il a annoncé que le Liban « n'aura pas la paix tant qu'il aura une milice armée sur son sol ». Il a été aussi jusqu'à associer les banques aux activités du parti chiite, en accusant ce dernier d'« instrumentaliser les banques libanaises pour blanchir de l'argent issu du trafic de drogue ».
Quelle va être la marge de manœuvre du chef du gouvernement, compte tenu du nouveau durcissement de ton saoudien? Saad Hariri s'était fixé mardi comme délai pour annoncer s'il devait renoncer à sa démission ou la maintenir, soit deux jours avant le Conseil des ministres prévu pour discuter des résultats des concertations de Baabda autour des motifs de cette décision. Selon les mêmes sources diplomatiques, les contacts se sont intensifiés hier soir pour tenter de trouver une issue à cette impasse. À Paris, où Saad Hariri a tenu une réunion avec le chef de la diplomatie, Gebran Bassil, le Premier ministre a essayé de rectifier le tir en soirée. Il a ainsi dénoncé le second tir de missile balistique à partir du Yémen, jeudi, contre le royaume wahhabite, dans lequel il a vu « une menace nouvelle contre la sécurité régionale ». « Il s'agit d'un tir aux conséquences dangereuses », a-t-il ainsi déclaré.
Il en faudra cependant beaucoup plus pour rassurer l'Arabie saoudite, sceptique quant à la capacité du Liban à appliquer dans les faits la politique de distanciation qu'il prône. Pour Riyad, il est évident que Beyrouth n'a pas les moyens de sa politique tant que le Hezbollah maintient ses armes et qu'il s'attribue les décisions de guerre et de paix, en fonction d'un agenda qui n'a rien de libanais.
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le fatalisme ne doit pas succéder à l’aveuglement . Le général ALi Jaafari chef des pasdaran a affirmé que Le désarmement du Hezb est « non négociable » L'ancien ministre de la Justice libanaise, le général Achraf Rifi, a affirmé que « la référence aux armes du Hezbollah est entre les mains de Téhéran », et que « la décision du Hezbollah est hypothéquée par l'agenda iranien ». « Nous insistons sur notre refus de cet arsenal et de toutes ses branches, plus particulièrement des Brigades de la résistance. Nous sommes attachés à l'armement légal » L'alliance stratégique entre Trump et les Saoud n'a rien de virtuel le congrès américain subit cette influence et pourrait inscrire tout Pasdaran et Hezbollah sur la liste des organisations terroristes Cela serait suivit par une mise en place d'une traque intense des banques et des institutions financières ayant des liens avec le Hezbollah ; assortie d’amendes dissuasives aux contrevenants . Une Interdiction faite aux opérateurs satellitaires de diffuser sa chaîne al-Manar prendrait effet immédiatement . Toute l'économie libanaise pourrait en pâtir... Après cette période d'incertitude il n'est pas souhaitable que le fatalisme succède à l’aveuglement . Pour l'ensemble des partis libanais le choix de raison, celui d'un état libre souverain et indépendant s'impose.
23 h 51, le 03 décembre 2017