Se seraient-ils donné le mot pour aligner les mots à l'unisson, qui pour La Stampa et qui pour Paris Match, ne faisant que susciter des interrogations alors qu'ils se voulaient rassurants ?
Il est vrai qu'à cette fin, le président de la République et le Premier ministre n'ont pas hésité à se mettre en frais. Pour le général Michel Aoun, le Liban vient d'échapper à une crise des plus graves, celle-ci est désormais derrière nous et elle sera totalement réglée dans les tout prochains jours. De fait, Saad Hariri confirme qu'il dégèle sa fracassante démission, annoncée à partir de Riyad, et qu'il reste donc à la tête du gouvernement. Là où cela dérape et grince cependant, c'est à propos de la question centrale, à savoir les contours exacts de ce Hezbollah prétendument nouveau qui vont rendre possible le retour à une précaire cohabitation gouvernementale.
Du côté du chef de l'État, pas trop de surprises : la milice pro-iranienne a vaillamment combattu les hordes de Daech et une fois terminée la guerre de Syrie, ses hommes rentreront au pays, la fleur au fusil. Cette réconfortante affirmation n'est pas sans en rappeler une autre, déclinée il n'y a pas longtemps, et selon laquelle la milice se dessaisira de son armement une fois résolus les divers conflits qui secouent la région. En fait de prédictions, on pouvait évidemment attendre mieux. Et cela d'autant qu'il n'y a pas que la Syrie et que le champ d'opération du Hezbollah s'étend au Yémen et à Bahreïn entre autres, détail qui est précisément à la source de nos déboires avec l'Arabie saoudite.
C'est cette même ingérence dans les affaires arabes que déplore pourtant Saad Hariri en soulignant que les Libanais ne doivent pas payer, notamment en termes de représailles économiques, pour les agissements du Hezbollah. En revanche, le Premier ministre exprime sa conviction que si la milice possède bien un arsenal, elle ne l'utilise pas sur le sol libanais. Conjugué au temps présent, ce verbe ne dissipe en rien, pour autant, les amères réminiscences du passé, pas plus que les appréhensions quant au futur.
En faisant une croix – le passé, c'est le passé – sur les sanglants débordements miliciens de l'an 2008, Hariri a certes fait preuve de magnanimité, encore que celle-ci n'est pas toujours appréciée dans son propre camp, lui attirant même les virulentes attaques des ultras, qui lui reprochent sa reddition au diktat iranien. Mais c'est surtout son pari sur les bonnes dispositions et résolutions de la milice qui indispose et inquiète ouvertement les sceptiques, ce qui a porté le chef du gouvernement à crier à la surenchère, accusant ses critiques d'œuvrer à la sédition. Mais est-ce pousser à la roue de la sédition que de rappeler au souvenir du Premier ministre la longue liste des engagements non tenus ? Est-ce de la sédition que de s'interroger tout haut sur la valeur pratique d'une quelconque réaffirmation, même écrite, de l'attachement du gouvernement, dans ses diverses composantes, à la règle de la distanciation par rapport aux axes régionaux ?
Le plus étrange est pour la fin. Autant que la stabilité du pays, objet comme on sait d'intenses pressions contradictoires, celle du consortium au pouvoir est l'enjeu de l'actuelle partie de poker menteur : coalition hétéroclite apparemment en cours de réorganisation dans le cadre de nouvelles, d'inédites alliances électorales, dont les Forces libanaises feraient les frais.
Que veut-on, même au cœur de la tourmente, la politique politicienne ne perd pas ses droits. Alors, rassurant, vraiment ?
Issa GORAIEB
igor@lorientlejour.com
Il est vrai qu'à cette fin, le président de la République et le Premier ministre n'ont pas hésité à se mettre en frais. Pour le général Michel Aoun, le Liban vient d'échapper à une crise des plus...