Le secrétaire général de l'ONU, António Guterres, est revenu à la charge au sujet des armes du Hezbollah et du danger qu'elles font peser sur le Liban. Dans son rapport cyclique sur la mise en œuvre de la résolution 1701 du Conseil de sécurité (2006) et sur la prolifération des armes « non autorisées », le chef de l'ONU ne s'est pas contenté cette fois d'appeler à la mise en application de cette résolution, mais a pressé le gouvernement de mettre en œuvre également la 1559 (2004) ainsi que l'accord de Taëf, qui prévoient le désarmement et la dissolution de toutes les milices.
« La détention d'armes non autorisées par le Hezbollah demeure très préoccupante. Les opérations que ce groupe mène dans la zone frontalière orientale révèlent l'ampleur de son arsenal militaire qui échappe au contrôle de l'État. Je note avec inquiétude que le Hezbollah emploie et fait étalage de cet arsenal sans se cacher. La présence de ces armes, et les propos menaçants proférés de part et d'autre (de la frontière au Liban-Sud) accentuent le danger de dérapages pouvant dégénérer en conflit », prévient le secrétaire général de l'ONU dans son rapport.
Ce document de 17 pages, accompagnées d'annexes, a fait hier l'objet de consultations au Palais de Verre en présence de Philippe Lazzarini, coordonnateur spécial adjoint des Nations unies pour le Liban, coordonnateur résident et coordonnateur de l'action humanitaire, et représentant du PNUD au Liban, qui a dressé, devant le Conseil de sécurité, un bilan détaillé sur ladite résolution couvrant la période du 22 juin au 6 novembre 2017. Son constat est le suivant : « Le Liban et Israël n'appliquent pas la résolution 1701 dans son intégralité et manquent à leurs obligations. Ce faisant, ils accroissent le risque de tensions, voire d'hostilités. Il importe au plus haut point qu'ils maintiennent, en paroles et en actes, leur adhésion à ladite résolution. »
Le secrétaire général presse ensuite le gouvernement libanais de « prendre toutes les mesures pour appliquer intégralement les dispositions de l'accord de Taëf et les résolutions 1559 et 1680 qui exigent le désarmement de tous les groupes armés au Liban afin que, conformément à la décision du gouvernement libanais du 27 juillet 2006, seul l'État libanais soit autorisé à détenir des armes et à exercer son autorité au Liban ». Il invite les autorités libanaises à « reprendre le dialogue national pour définir une stratégie de défense qui réglerait la question de la présence d'individus et de groupes armés échappant au contrôle de l'État », souligne António Guterres, qui rappelle que « l'armée libanaise est la seule force légitime chargée de défendre la sécurité, la souveraineté et l'intégrité territoriale du Liban ».
« Les décisions antérieures du dialogue national devraient être exécutées, en particulier celles qui ont trait au désarmement des groupes non libanais et au démantèlement des bases militaires du FPLP-CG et du Fateh-intifada », ajoute-t-il, avant d'insister sur le maintien de « la stabilité du Liban » et d'appeler le Hezbollah, sans le nommer, à « cesser de s'immiscer dans le conflit syrien. » « Les troubles qui secouent la région continuent de faire peser une menace sérieuse à cet égard. Malgré les efforts entrepris par l'armée libanaise pour sécuriser la frontière avec la Syrie, des Libanais continuent de s'engager dans le conflit syrien, ce qui constitue une violation de la politique de dissociation énoncée dans la déclaration de Baabda, à laquelle tous les partis politiques libanais ont souscrit », indique-t-il.
Parallèlement, il fait remarquer que la situation reste calme dans la zone d'opérations de la Finul, « en dépit des tensions qui se sont accentuées de part et d'autre de la ligne bleue ». Il « se félicite dans ce contexte des mesures immédiates et énergiques que la Finul a prises pour traduire la résolution 2373 (2017) dans les faits, notamment en maintenant la cadence de ses opérations à un niveau élevé et en adaptant son dispositif et son mode opératoire pour en renforcer la visibilité et l'efficacité. » Il réitère toutefois « sa condamnation de toute violation de la souveraineté libanaise et appelle Israël à cesser de violer l'espace aérien libanais, de se retirer de la partie nord de Ghajar et de la zone adjacente au nord de la ligne bleue, en violation évidente de la résolution 1701 ».
Réfugiés : « Défi existentiel »
António Guterres aborde en outre dans son rapport le dossier des réfugiés syriens, faisant valoir que le Liban continue de pâtir du conflit syrien avec 1 001 051 réfugiés syriens enregistrés au 30 juin 2017 auprès du HCR. Il note qu'en dépit des contributions dépassant 5,8 milliards de dollars, reçues des donateurs depuis le début de la crise syrienne, « la plupart des Libanais estiment que les plus vulnérables ont été négligés par l'aide internationale » et fait état de « la saturation » du gouvernement face à ce « défi existentiel », avant d'exhorter les Nations unies et la communauté internationale à tout mettre en œuvre pour créer les conditions propices à un retour des réfugiés en toute sécurité dans leur pays.
À ce sujet, le secrétaire général exprime sa « préoccupation » face à la « recrudescence des discours susceptibles de faire naître un climat d'hostilité et de violence à l'encontre des réfugiés », invitant le peuple et les dirigeants libanais à conserver « un esprit de tolérance et de coexistence qui caractérise le pays ». « La protection et la dignité des réfugiés présents au Liban doivent être garanties tant que des solutions durables à leur situation n'auront pas été trouvées en dehors du Liban, note-t-il. Il sera essentiel de maintenir l'aide internationale en faveur des réfugiés et des communautés d'accueil. Il importe d'accroître l'appui au plan de gestion des répercussions de la crise syrienne au Liban et de renforcer la prévisibilité du financement du plan pour 2018 et au-delà, ainsi que de mobiliser des ressources pour le développement à plus long terme, en particulier dans un contexte marqué par les tensions sociales et la lassitude croissante des communautés d'accueil. »
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commentaires (6)
Hélas les dirigeants libanais qui sont aujourd'hui au pouvoir, à commencer par le Président Aoun allié du Hezbollah, n'ont aucune intention de débattre de la question des armes du Hezbollah ou de son ingérence militaire en Syrie et au Yémen.
Tony BASSILA
04 h 01, le 01 décembre 2017