Dans sa longue interview hier soir avec Paula Yaacoubian sur la chaîne du Futur, l'ancien Premier ministre Saad Hariri s'est principalement efforcé d'opérer une synthèse entre les positons de principe défendues par sa formation et le 14 Mars, et la récente ouverture qu'il a exprimée en vue de la formation d'un gouvernement de rassemblement aux côtés du Hezbollah.
Se voulant pragmatique, M. Hariri a affirmé qu'il n'avait pas le droit, en tant que responsable politique, de réfléchir et d'agir avec son cœur. « Le Tribunal (spécial pour le Liban) est à présent une réalité. Le processus ira jusqu'à son terme et nous connaissons à ce stade cinq des accusés, mais avec le temps, toute une liste sera dévoilée. Face à cette réalité, comment agirai-je ? Avec mon cœur ou avec ma raison ? Je suis politiquement responsable de ce qui se passe au Liban », a-t-il déclaré.
« Lorsque nous avons vu que le 8 Mars a reculé et qu'il a abandonné la formule des 9-9-6 pour celle des trois 8, nous avons posé un certain nombre de questions, et la plupart des réponses ont été positives », a-t-il ajouté. « Vous connaissez la situation du pays. Une explosion se produit ici et une autre là. Et il y a un seul qui célèbre en offrant des gâteaux, à chaque fois qu'il y a une explosion, c'est (le président syrien) Bachar el-Assad. »
« Le Hezbollah ne va pas sortir de Syrie ni abandonner ses armes. Et moi, de mon côté, je continuerai à croire que sa présence en Syrie est une faute et je serai toujours contre ses armes et pour l'État », a-t-il souligné. « Je ne fais que transposer le désaccord à la table du Conseil des ministres. Les gens veulent vivre, ils veulent un gouvernement, de l'eau, de l'électricité et une économie. »
Et de poursuivre : « Que personne ne croie que nous allons abandonner nos principes. Je ne couvre rien, ni la guerre en Syrie ni les accusés dans l'assassinat de Rafic Hariri. Pour ce qui est du triptyque "armée-peuple-résistance", que cela plaise ou non, on s'en est débarrassé, point à la ligne, et nous tenons à la déclaration de Baabda. »
« Que personne ne croie que j'abandonnerai (le chef des Forces libanaises) Samir Geagea ou que lui m'abandonnera. Je dialogue avec mes alliés sur la participation au gouvernement et j'espère que le "hakim" (M. Geagea) acceptera d'entrer. Mais quoi qu'il arrive, je resterai à ses côtés. »
« J'avais dit dans le passé que je suis au cœur de l'alliance du 14 Mars et que seule la mort me séparera de mes alliés. Que personne ne prétende par conséquent que nous nous orientons vers une nouvelle alliance quadripartite », a-t-il assuré.
Évitant d'entrer dans les détails de la répartition des ministères, M. Hariri a assuré qu'il n'y avait aucun problème sur ce plan avec le Premier ministre désigné, Tammam Salam, notamment au sujet du ministère de l'Intérieur, ni avec le président de la République. « Notre seul problème est avec le Hezbollah », a-t-il dit.
« Nous devons construire un pays avec toutes ses couches. Point à la ligne », a-t-il encore dit, soulignant que la décision du Hezbollah de s'impliquer dans la guerre syrienne a « apporté le feu au Liban ».
À ses yeux, la mise sur pied du gouvernement « devrait conduire à l'élection présidentielle ». « Nous refusons le vide à ce niveau, surtout qu'il s'agit du seul président chrétien dans tout le monde arabe », a-t-il dit.
« Notre candidat à la présidence sera celui du 14 Mars », a ajouté M. Hariri, non sans rendre hommage au président Sleiman, « qui représente le Liban de la meilleure façon possible », et soutenir sa proposition d'amendement constitutionnel en vue d'introduire les deux mandats présidentiels consécutifs de cinq ans chacun.
S'adressant aux sunnites, le chef du courant du Futur s'est à nouveau posé en champion de la modération. Il a accusé ses adversaires et notamment le régime syrien et le Hezbollah de chercher à dépeindre tous les sunnites « comme étant des intégristes, notamment à Tripoli, à Ersal et ailleurs », a-t-il lancé. « Que fait encore le Hezbollah en Syrie, lui qui prétend combattre les "takfiristes" ? On voit bien que l'opposition syrienne modérée lutte contre Daech (l'État islamique en Irak et au Levant) à présent. Pourquoi donc reste-t-il en Syrie ? » s'est-il interrogé.
Au sujet de Tripoli, M. Hariri s'est montré intransigeant à l'égard de tous les fauteurs de troubles, à quelque communauté qu'ils appartiennent. « Que l'armée et les forces de sécurité leur brisent les reins à tous, qu'ils soient de Jabal Mohsen (alaouites) ou de Bab el-Tebbané (sunnites) », a-t-il lancé.
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commentaires (4)
Transposer le désaccord à la table du Conseil des ministres d’une façon démocratique ,est l’ultime souhait de touts les libanais pour oublier le spectre d’un nouveau Irak sanglant .
Sabbagha Antoine
15 h 28, le 21 janvier 2014