Devant l’hôpital Rafic Hariri, à Beyrouth, où une patiente atteinte du coronavirus, et revenant d’Iran, est hospitalisée. Anwar Amro/AFP
La découverte du premier cas de coronavirus au Liban jeudi soir, une patiente qui rentrait de Qom en Iran, a alimenté la tension qui régnait déjà dans un pays en butte à une grave crise socio-économique. Mais la nouvelle a été diversement accueillie dans les villages où sont revenus les voyageurs, dont de nombreux pèlerins, de retour d’Iran ces derniers jours.
La ville de Nabatiyé, d’où sont originaires plusieurs de ces pèlerins, fait face avec une certaine sérénité au risque de contagion. Ainsi, les habitants traitent les pèlerins fraîchement rentrés avec bienveillance, voire, pour certains, avec une désinvolture ostentatoire, teintée de défi : en effet, selon plusieurs témoignages anonymes recueillis par notre correspondante sur place, respecter les directives de l’État, qui appellent notamment ceux qui rentrent d’Iran à rester confinés chez eux pendant la période d’incubation, reviendrait à reconnaître la faiblesse de l’État iranien. Or certains, reprenant la rhétorique de quelques responsables iraniens, estiment que la République islamique est de nouveau la cible d’un complot étranger, qui passe notamment par ce qu’ils estiment être une surmédiatisation de la crise épidémiologique en Iran. Et ces pèlerins, de retour d’Iran, entendent ne pas être les outils inconscients de cette « guerre du microbe ».
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Voilà pourquoi la plupart des passagers de l’avion où se trouvait la patiente infectée (jeudi soir) ont refusé de respecter les règles de la quarantaine à domicile imposée par le ministère de la Santé, et même de subir les tests nécessaires, ne serait-ce que pour se rassurer. Selon les informations de L’Orient-Le Jour, seuls trois passagers de ces avions, parmi ceux originaires de Nabatiyé, ont accepté de subir les tests réglementaires : l’un d’entre eux a été transféré à l’hôpital Rafic Hariri de Beyrouth, et les deux autres se sont volontairement isolés dans leurs domiciles à Kfarremane (caza de Nabatiyé). Des agents de la municipalité ont en outre été postés devant leur maison.
Les autres passagers ont non seulement refusé d’être placés en quarantaine, ils ont également continué d’envoyer leurs enfants à l’école, même si ceux-ci faisaient partie du voyage en Iran. Ainsi, une femme ayant requis l’anonymat a déclaré à L’OLJ : « Attendez quatorze jours, alors vous vous rendrez compte que tout cela n’était qu’un complot contre l’Iran. »
Avec au moins 15 morts, l’Iran figure parmi les pays les plus touchés en dehors de la Chine, foyer de l’épidémie. Hier, plusieurs pays arabes du Golfe ont annoncé des mesures destinées à limiter les déplacements avec l’Iran, après l’annonce de dizaines de cas d’infection au nouveau coronavirus touchant des personnes revenant de la République islamique. Au Liban, la ministre de l’Information, Manal Abdel Samad, a annoncé hier une « décision de limiter le trafic aérien et de stopper les pèlerinages religieux dans les pays touchés par le coronavirus ».
Certaines personnes interrogées ont néanmoins indiqué à nos correspondants se préparer à organiser des pèlerinages vers les villes sacrées d’Iran, et ce malgré la recommandation du Conseil supérieur chiite de ne pas s’y rendre jusqu’à nouvel ordre.
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Dans la Békaa, une attitude différente
Dans la Békaa, les pèlerins revenant d’Iran sont rentrés dans plusieurs localités, notamment Taalabaya, Hazerta, Baalbeck et ailleurs. À Baalbeck, un cas jugé suspect a été hospitalisé à l’hôpital Rafic Hariri, mais sa contamination par le coronavirus n’a pas été confirmée. Certes, la question du risque de contamination reste très sensible auprès de l’entourage de ces personnes, qui sont généralement membres du Hezbollah ou proches de ce parti, surtout que les pèlerins de retour d’Iran sont pour la plupart des proches de victimes tuées au combat.
Selon certains témoignages, et contrairement à Nabatiyé, les pèlerins de retour d’Iran n’ont pas toujours été accueillis à bras ouverts par leur entourage dans certaines localités de la Békaa. La passagère de l’un des avions, de retour à son domicile, a suscité une vague de panique parmi ses voisins et même ses proches, dont plusieurs ont hésité à lui rendre visite. Certains se demandaient même pourquoi elle n’était pas restée à Beyrouth pour subir le test de dépistage.
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D’autres voyageurs sont conscients de leur responsabilité à l’encontre de leur entourage et de leur ville. Certains font preuve d’une importante autodiscipline, comme cette dame, dans un village de la Békaa-Ouest, qui demeure cloîtrée dans sa maison, ainsi que son mari, portant continuellement un masque, stérilisant tout autour d’elle et refusant même de recevoir ses enfants, selon un témoignage recueilli. Une autre voyageuse, rentrée dans son village natal de Lebbaya, respecte les directives du ministère de la Santé à la lettre, prenant sa température plusieurs fois par jour et avisant les autorités du résultat. Deux nouveaux voyageurs du même village, supposés rentrer jeudi, seront probablement placés en quarantaine ailleurs que dans leur domicile, rapporte un habitant, qui tient son information de la municipalité.
Par ailleurs, à Jdita et Machghara, des parents ont refusé d’envoyer leurs enfants à l’école en début de semaine, en attendant des nouvelles plus rassurantes. Même les élèves qui se rendent en classe cette semaine sont munis de gel antiseptique.
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commentaires (16)
Les régions libanaises qui accueillent les pèlerins rentrés d’Iran, entre défi et panique vous auriez du dire entre stupidite et betise dangeureuse
LA VERITE
18 h 17, le 26 février 2020