Le « mur de la honte » qui bloque l’accès vers la place de l’Étoile, non loin de la mosquée al-Omari. Photo Z.A.
Signe d’une crainte d’un regain de tensions, à l’approche du vote de confiance du Parlement au gouvernement de Hassane Diab, ou simple mesure de précaution, alors que le mouvement de contestation a célébré hier sa centième journée ? Depuis jeudi, les mesures de sécurité ont été renforcées autour du Parlement : blocs de béton, portiques en fer ou barbelés entourent désormais hermétiquement la place de l’Étoile de tous les côtés, de façon à contrôler tous les accès qui mènent à l’hémicycle. Les manifestations quasi quotidiennes dans ce secteur sont de plus en plus violentes, et les militants ne cachent pas leur détermination à empêcher les députés d’accéder au Parlement lorsqu’ils devront bientôt s’y rendre pour voter la confiance. L’entrée du Parlement qui jouxte la mosquée al-Omari a dans ce contexte été entièrement fermée jeudi à l’aide de grands blocs de béton disposés de manière à former un mur infranchissable, rapidement surnommé « mur de la honte » par les manifestants. La mise en place de ce mur a interpellé et indigné les passants qui ont posté et commenté les étapes de sa construction sur les réseaux sociaux. Même les plus petites ruelles qui permettent d’accéder au Parlement ont été fermées ces derniers jours avec des barbelés et certaines portes en fer posées par les services de sécurité sont également surmontées de fils barbelés. De nombreux militaires étaient en outre déployés hier dans le centre-ville, lui donnant l’aspect d’un carré sécuritaire, loin de l’ambiance animée à laquelle la capitale est habituée.
Du côté de la place Riad el-Solh, c’est un spectacle de désolation qui s’offre aux passants. La plupart des commerces ont fermé depuis le début des manifestations, mis à part une banque qui continue d’opérer. Quant aux rues qui donnent accès au Parlement de ce côté-là, elles sont également interdites à la circulation, par le biais de blocs de béton et de fils barbelés. « Ils sont encore en train de construire des murs. Qu’on leur dise qu’on ne peut pas empêcher ceux qui ont faim de s’exprimer et que la politique de la construction des murs a toujours été un échec dans l’histoire de l’humanité », a écrit la militante et avocate Nayla Geagea sur Twitter jeudi, accompagnant son commentaire d’une photo qui montre la construction du mur du côté de Riad el-Solh.
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Commerces fermés, vitrines détruites
De leur côté, des boutiques dont les vitrines ont été détruites par les manifestants continuaient hier de réparer leurs devantures, signe que les activités commerciales ne sont pas complètement arrêtées dans le secteur.
La mosquée al-Omari n’a pas non plus été épargnée par les casseurs qui ont arraché une partie de son dallage lors des dernières manifestations. Réduit en petits morceaux, le dallage sert à fabriquer des pierres qui sont ensuite jetées sur les forces de l’ordre. Afin d’éviter plus de dégâts, la direction de la mosquée a affiché sur ses murs des textes dans lesquels elle demande aux protestataires d’épargner ce lieu de culte. Un peu plus loin, un bijoutier finissait d’installer des portes en fer sur l’ensemble de sa devanture. « Les manifestants ont essayé de casser nos vitrines, sans succès, mais la direction a préféré prendre ses précautions », raconte un gardien sur place à L’OLJ.
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Du côté des Souks de Beyrouth, de nombreux magasins ont également perdu une partie des pierres qui couvraient leurs devantures, sans compter les vitres brisées. Interrogé par L’OLJ, un membre de l’administration de Beyrouth Souks a indiqué, sous le couvert de l’anonymat, que la direction du complexe « est en train de retirer les signes et panneaux qui donnent sur le Parlement et qui pourraient être détruits par les manifestants ». « Quand les manifestants s’en prennent aux vitrines, je ne comprends pas en quoi ça permet de faire passer un message au Parlement. Ces magasins appartiennent à des citoyens comme eux », affirme le responsable qui confie que « les magasins qui sont à l’intérieur du souk ont été épargnés, mais qu’ils ne gardent plus beaucoup de marchandise sur place ».
De nombreux magasins proches du Parlement ont par ailleurs été vidés de leurs marchandises et certains ont décidé de déménager vers des zones plus sûres de la capitale. Ainsi, la marque Adidas, dont la boutique du centre-ville a déjà été pillée lors d’une manifestation il y a quelques semaines, a temporairement fermé ses portes et appelé ses clients à visiter ses autres branches.
Le chocolatier Patchi, qui appartient au ministre sortant des Télécoms Mohammad Choucair, a été pris pour cible par des manifestants qui ont saccagé une grande partie de sa devanture. M. Choucair est fortement critiqué par la rue pour sa gestion du dossier de la téléphonie mobile, entre autres, ainsi que pour sa proposition d’instaurer une taxe sur les appels en ligne, qui a enclenché le mouvement de contestation le 17 octobre dernier.
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commentaires (5)
Au lieu de fermer le centre de Beyrouth avec des murs, portiques ou barbelés et de l'asphyxier... pourquoi ne pas enfermer enfin tous les vandales, casseurs et autres faux "manifestants" derrière des murs, portiques et barbelés ? Pour que le reste des gens honnêtes puisse vivre et travailler normalement ? 100 jours sans aucun résultat positif...ça commence à bien faire...et il serait nécessaire de changer de méthodes pour "faire la révolution"..et surtout de trier les vrais manifestants des fauteurs de troubles...non...!? Irène Saïd
Irene Said
15 h 09, le 25 janvier 2020