Des photos des agresseurs prises par les manifestants avec leurs matraques, portant la mention « Wanted » (recherchés). Photos tirées des réseaux sociaux
Ils venaient d’arriver dans la ruelle qui abrite le siège du Conseil du Sud à Jnah, aux portes de la banlieue sud, et déployaient à peine leurs banderoles, que déjà des hommes en civil, armés de bâtons et de couteaux, se jetaient sur eux, les frappant à qui mieux mieux, hurlant aussi fort qu’ils le pouvaient : « Nous sommes du mouvement Amal, chiens ! » C’est ainsi qu’ont été accueillis les quelques cinquante militants d’un groupe appelé « La Coalition de construction de l’État », venus manifester contre la corruption et le gaspillage des deniers publics devant les locaux du Conseil du Sud, hier matin. Les contestataires, membres actifs du soulèvement populaire, envisageaient ensuite de se rendre au Conseil du développement et de la reconstruction, en passant par la Caisse des déplacés. Comme ils l’avaient annoncé sur les réseaux sociaux, ils avaient décidé d’organiser « un relevé de compte des gouffres de la dilapidation des fonds publics », à l’occasion des 100 jours de la révolution. Et ces trois caisses qu’ils visent sont considérées comme étant les caisses noires d’hommes politiques.
La Caisse des déplacés devait à l’origine financer le retour des déplacés de la Montagne de la guerre civile, le CDR devait permettre de reconstruire les infrastructures libanaises après ce même conflit et le Conseil du Sud devait porter assistance à la population du Liban-Sud après l’occupation israélienne. Leur fermeture figure dans le plan de réformes présenté par le Premier ministre Saad Hariri, le 21 octobre dernier, quelques jours avant sa démission.
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25 blessés dont 3 hospitalisés
Le mouvement contestataire s’est donc ébranlé à bord de deux bus loués pour l’occasion, à 9h30, depuis la tente de « la Coalition de construction de l’État », à Azariyeh. « Nous avons à peine eu le temps de déployer l’une de nos banderoles, lorsque des voyous en civil, des baltagis, nous ont agressés, raconte à L’Orient-Le Jour Monah Hamadeh, l’un des militants. Armés de couteaux et de matraques, ils nous ont sauvagement battus, n’épargnant même pas les femmes, en criant leur allégeance au chef d’Amal, Nabih Berry, également président du Parlement. » Dispersés, les contestataires sont pourchassés dans les ruelles, les commerces ou les centres d’achat où ils tentent de trouver refuge. Des habitants leur portent assistance. Les deux bus sont saccagés par la même occasion. « Fort heureusement, l’armée libanaise et les Forces de sécurité intérieure nous ont sortis d’affaire et nous ont escortés jusqu’au centre-ville », ajoute M. Hamadeh, regrettant que la mission prévue pour la journée n’ait pas été accomplie. « Mais ce n’est que partie remise », promet-il. Bilan de l’agression : 25 manifestants blessés, dont trois étaient encore hospitalisés dans l’après-midi.
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L’affaire ira en justice
Sur les réseaux sociaux, sont partagées en boucle les vidéos de la scène. Matraques à la main, les agresseurs sont identifiés et dénoncés. « Nous porterons plainte, assurément », affirme M. Hamadeh. Dans une conférence de presse, deux membres de la Coalition, Hani Fayad et Charif Sleiman, rejettent « la responsabilité sur le président du Parlement, Nabih Berry, et sur un des responsables du mouvement Amal, Kabalan Kabalan (président du Conseil du Sud), qui a donné l’ordre d’agresser les manifestants pacifiques ». Ils promettent aussi de porter l’affaire en justice. Quant aux mouvements de protestation, « ils se poursuivront auprès de toutes les institutions identifiées comme étant des poches de corruption et de dilapidation des deniers publics », assurent-ils.
L’affaire n’a pas manqué d’interpeller le nouveau ministre de l’Intérieur, Mohammad Fahmi, qui a dénoncé, dans un communiqué, « l’agression barbare contre des protestataires et des manifestants pacifiques, parmi lesquels des femmes, alors qu’ils se dirigeaient vers le Conseil du Sud ». Promettant d’identifier les coupables, le ministre a annoncé « l’ouverture d’une enquête pour sanctionner les agresseurs ». Il s’est enfin engagé « à protéger les citoyens, manifestants ou autres », et a rappelé que « le droit de manifester est consacré par la loi ». Un peu plus tard, il a annoncé que deux personnes impliquées dans ces violences ont été arrêtées.
De son côté, le Conseil du Sud a « condamné le conflit qui a opposé un groupe de manifestants à des habitants de la région ». « La direction et les employés du Conseil n’étaient absolument pas au courant de ce qui s’est passé, qu’il s’agisse des intentions des manifestants ou des réactions regrettables à leur encontre », a précisé l’institution dans un communiqué. Sollicité par L’Orient-Le Jour, le mouvement Amal n’a pas souhaité s’exprimer.
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commentaires (14)
Est ce que le rôle des forces de l'ordre consiste a escorter les protestataires pacifiques et leur demander de rentrer chez ou d'antipier les débordements en empêchant ces VOYOUS armés d'arriver à se mêler aux foules qui deviennent les proies de ses sauvages munis de coûteux et bâtons? Pourquoi ils n'utilisent pas leurs forces pour leur mettre une bonne raclée et les dissuader de revenir en emprisonnant quelques uns. Nous saurons à la solde de qui ils sont lorsque Berry et Nasrallah se manifesteront pour les libérer. AGISSEZ MESSIEURS LES DÉTENTEURS DE LA JUSTICE. QU'EST CE QUI VOUS EMPECHE DE FAIRE VOTRE BOULOT?
Sissi zayyat
15 h 39, le 26 janvier 2020