Il est de bon ton, chaque fois qu’un nouveau gouvernement voit le jour, de considérer qu’il serait sage de ne pas lui tomber dessus d’emblée et que, somme toute, il vaut toujours mieux dans ces cas-là se contenter de formules polies telles que : « Donnons-lui sa chance. » Une phrase qui a l’avantage d’être une zone grise, dans laquelle on joint une certaine positivité à une claire absence d’engagement…
S’il ne s’agissait que d’émettre un jugement sur les individus qui forment le nouveau cabinet, ou du moins un certain nombre d’entre eux, alors, en effet, on la leur donnerait volontiers, cette chance, en allant même jusqu’à oser espérer qu’ils réussiront, parce que de ce succès dépend le salut du Liban.
Mais un gouvernement, c’est bien davantage que la somme des qualités et des compétences des personnes qui le forment et, en premier lieu, ce n’est sûrement pas une académie des sciences. On y ferait entrer vingt Einstein qu’on ne garantirait en rien son succès. Pourquoi ? Parce que l’économie, les finances, le social, la diplomatie, la sécurité, la guerre, la paix, la géostratégie, l’éducation, la santé, la culture, les questions sociétales et même l’écologie politique ne sont pas des sciences exactes. Ce sont des domaines ouverts à des options politiques différentes, voire contradictoires. Or la tâche d’un gouvernement n’est pas la recherche d’une improbable vérité scientifique, c’est de mettre en œuvre telle option plutôt que telle autre dès lors qu’il a la légitimité démocratique de le faire.
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Interrogé dernièrement à Beyrouth sur les possibilités qu’il puisse accéder un jour à des responsabilités publiques au Liban, vu ses compétences avérées, Carlos Ghosn a eu, en substance, cette réponse qui résume tout le problème : les expertises sont certes importantes dans la gestion gouvernementale, mais leur rôle ne peut qu’être limité, car au final, il faudra toujours des choix politiques.
Bien sûr, l’état dans lequel se trouvent actuellement les finances libanaises rend inévitable une série de mesures exceptionnelles et à l’impact douloureux, quel que soit le gouvernement en place. Il n’empêche qu’au-delà, ce n’est guère par la technique qu’on sauvera le pays, mais essentiellement par la politique, tout comme c’est surtout par la politique qu’on l’a mené à la ruine. C’est à cette aune-là qu’en attendant de porter un jugement sur l’action d’un gouvernement qui démarre, il convient d’examiner les conditions de sa gestation. Inutile de dire que sur ce point, les choses ne sont guère encourageantes.
Mardi soir, après avoir énuméré dans son allocution à Baabda les qualités de son équipe et tenté de suggérer de façon insistante que sa composition allait dans le sens de ce que réclame le mouvement de contestation, Hassane Diab a aussitôt enterré, en réponse à la première question qui lui a été posée après son discours, les deux principales revendications concrètes de la révolution : le gouvernement de spécialistes indépendants et la tenue d’élections anticipées. La question, posée par la correspondante de L’Orient-Le Jour, Hoda Chedid, était la suivante : « Vous aviez promis après votre désignation de ne nommer que des ministres indépendants et vous vous étiez prononcé pour des législatives anticipées. Qu’en est-il à présent, sachant que le cabinet a été formé sur la base d’une distribution des parts entre les politiques et qu’on ne parle plus d’élections ? » En réponse, le Premier ministre a invoqué, pour le premier point, « la réalité du Liban » et, pour le second, la nécessité de mettre au point une nouvelle loi électorale.
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S’agissant du premier point, il a peut-être échappé à l’attention du Premier ministre que le but recherché par la contestation était précisément de changer cette « réalité du Liban », en tout cas dans la manière de former les gouvernements. Or non seulement il n’a pas été tenu compte de cette demande, mais M. Diab a ainsi confirmé que son cabinet n’est pas fondamentalement différent dans sa nature des précédents. En fait, ce qui a changé, c’est, d’abord, que les figures politiques se sont mises au second plan. Par temps de crise aiguë, cette posture est plutôt commode dans la mesure où elle leur permet de se défausser, auprès de leurs bases pas trop regardantes, sur ces pauvres technocrates qui vont devoir suer pour faire passer la pilule des mesures impopulaires qu’ils seront appelés à prendre ; sachant que pour les éventuels succès, il y a fort à parier que le crédit n’irait guère à nos spécialistes diplômés.
Et puis, ce qui a changé aussi, c’est la sortie des composantes de l’ex-14 Mars. Voudrait-on faire croire que cette sortie et le soliloque de l’ex-8 Mars – lequel est lui-même en lambeaux – est la réponse aux attentes des contestataires ?
Quant aux législatives anticipées, elles sont clairement renvoyées aux calendes grecques et elles le seront toujours chaque fois qu’on mettra en avant le subterfuge de la loi électorale. Le drame est que tout le monde ou presque y joue sa partition : une partie de l’opinion parce qu’elle veut toujours croire qu’il existe quelque part un mode de scrutin idéal, la classe politique parce qu’en connaissance de cause, elle sait très bien que cela finit le plus souvent par rendre impossible la tenue du scrutin.
Disons-le clairement : l’effondrement libanais est certes multiforme, mais il est d’abord politique. Aucun des rêves des jeunes et des moins jeunes qui manifestent depuis le 17 octobre ne pourra être réalisé sans une régénération de la vie politique au Liban. Pour cela, il n’y a que les élections. Et certainement pas ce gouvernement qui, au mieux, serait un gestionnaire du chaos, et au pire un cabinet… du 8 Mars.
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Bonjour Beyrouth "un gouvernement ,quelques bonnes tètes ..et après titre pertinent l'OLJ .Après rien ! Nul besoin de sortir de l'ENA pour savoir que l'économie prime sur la politique -Le Liban possède un fond de garantie par le biais de sa réserve d'or ..287 tonnes soit le 18ème pays en classement mondial CQFD! L'or est à 49 dollars le Kg On peut emprunter ,renégocier la dette ,vendre une partie de la réserve( La France l'a fait..) pour renflouer les caisses de l'Etat ,rendre aux épargnants leur du,décréter un plan d'urgence alimentaire ( mesures d'urgences émanant du président Français et il sait de quoi il parle!) Des reformes tant systémiques que paramétriques devraient suivre sans plus tarder pour relancer l'économie ....pour ensuite changer le système de gouvernance ce que réclame les "les gens de la rue " A toujours palabrer et nous balancer une gouvernement "réligiocratique "on y sera encore dans un siècle ! assumer votre rôle Mr salamé Riad ( l'autre!) Bienvenue aux femmes ministres ....
19 h 32, le 23 janvier 2020