Le nouveau gouvernement de Hassane Diab a tenu hier sa première réunion au palais de Baabda, sous la présidence du chef de l’État Michel Aoun, à l’issue de laquelle le Premier ministre a reconnu que le pays faisait face à « une impasse financière, économique et sociale », assurant par ailleurs représenter le mouvement de la contestation au sein du cabinet.
« Nous sommes face à une catastrophe et nous devons alléger l’impact et les répercussions de cette catastrophe sur les Libanais », a dit M. Diab, dans une déclaration lue par le secrétaire général de la présidence du Conseil, Mahmoud Makkiyé. « Nous devons assurer une stabilité qui préserve le pays, a-t-il encore dit. D’énormes défis nous attendent (...). Les Libanais ont le droit de clamer et d’exiger d’arrêter cette dégringolade. Nous devons atténuer la catastrophe. » M. Diab a également exprimé le souhait que ses ministres « présenteront une image différente du travail gouvernemental. Nous devons travailler jour et nuit pour atteindre nos objectifs, nous ne sommes pas un gouvernement politique et notre équipe devra être exceptionnelle dans la performance de ses ministres », a-t-il déclaré. Depuis le Grand Sérail où il s’est rendu à l’issue du Conseil des ministres, le nouveau Premier ministre a assuré « représenter le “hirak” », le mouvement de contestation, au sein du gouvernement « tout comme plusieurs ministres, dont la ministre de la Justice et la ministre de la Jeunesse et des Sports ». « Je suis en contact constant avec le hirak, et comme on dit, il y a 107 groupes différents, a-t-il ajouté. Entre quatre et six ministres représentent le mouvement de protestation au sein du gouvernement, mais l’ensemble du gouvernement, avec son approche, représente le mouvement. » M. Diab se targue d’avoir formé une équipe d’experts, mais un grand nombre des ministres ont été nommés par les partis de la mouvance du 8 Mars ou en sont proches. La ministre de la Justice, Marie-Claude Najm, est proche du Courant patriotique libre, alors que celle de la Jeunesse et des Sports, Varty Ohanian, est proche du parti Tachnag.
« Avec ma voix, les femmes ont le tiers de blocage que j’appelle le tiers de garantie », a également dit M. Diab en référence au fait que six femmes font partie de son gouvernement. Le chef du CPL et ministre sortant des Affaires étrangères, Gebran Bassil, n’a pas pu obtenir, comme il le souhaitait, le tiers de blocage, du fait de l’élargissement du gouvernement, dont une première mouture comportait 18 membres.
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« Gagner la confiance »
Le chef de l’État Michel Aoun avait déclaré, au début du Conseil des ministres, que le nouveau gouvernement devait « gagner la confiance des Libanais et travailler pour atteindre les objectifs auxquels ils aspirent, que ce soit en ce qui concerne leurs conditions de vie ou la situation économique ». « Il est nécessaire d’œuvrer pour restaurer la confiance de la communauté internationale dans les institutions libanaises et rassurer les Libanais au sujet de leur avenir, a ajouté le chef de l’État. Nous avions préparé par le passé un plan économique et des réformes financières que le gouvernement devra mettre en œuvre ou modifier si nécessaire. »
Lors de cette réunion, le comité de rédaction de la déclaration ministérielle a été formé et doit tenir sa première réunion vendredi. Ce comité, dont la tâche est délicate, est présidé par le Premier ministre et composé des ministres des Finances, des Affaires étrangères, de la Justice, de l’Économie, de l’Environnement, du Développement administratif, de l’Information, de la Jeunesse et des Sports, des Télécommunications, de l’Industrie et des Affaires sociales, ainsi que du vice-Premier ministre.
« Il y aura des séances successives pour la rédaction de la déclaration ministérielle afin qu’elle soit prête le plus rapidement possible, mais je ne fixerai pas de délai », a précisé Hassane Diab.
Alors qu’on lui demandait si la déclaration ministérielle mentionnerait le triptyque « armée, peuple, résistance » prôné par le Hezbollah, le Premier ministre a répondu : « La réunion de vendredi évoquera de nombreuses questions, dont cette équation, mais laissez-nous le temps de réfléchir à la meilleure formule en ces circonstances. »
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Pas de révocation du gouverneur de la Banque du Liban
Évoquant le volet économique, M. Diab a assuré que « l’approche financière et économique du gouvernement sera complètement différente de celle des gouvernements précédents ». Il a dans ce cadre indiqué que « la révocation du gouverneur de la Banque du Liban Riad Salamé est actuellement hors de question ».
M. Diab a déclaré que son cabinet allait s’atteler à achever la déclaration ministérielle, afin de pouvoir obtenir la confiance (du Parlement) pour que le gouvernement commence à appliquer les réformes nécessaires.
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Il a par ailleurs indiqué qu’il avait rencontré « loin des médias » un certain nombre d’ambassadeurs, dont l’ambassadeur de France, « et tous ont exprimé leur soutien au Liban et se sont déclarés prêts à aider le pays, dans le domaine financier et autre ». Il a aussi assuré qu’il se rendra prochainement à Dar el-Fatwa, qui ne l’a pas encore reçu depuis sa désignation depuis plus d’un mois, pour s’entretenir avec le mufti de la République.
Par ailleurs, les cérémonies de passation des pouvoirs ont commencé hier avec le ministère de la Défense, où la nouvelle ministre, Zeina Acar, également vice-présidente du Conseil des ministres, a demandé au peuple libanais de « surveiller » son action et de la juger sur cette base. « Je suis là pour agir et pour tenter d’accomplir quelque chose », a déclaré Mme Acar lors de la cérémonie de passation des pouvoirs avec son prédécesseur Élias Bou Saab. Ce dernier a salué « les sacrifices de l’armée » et s’est excusé « auprès de tous les citoyens estimant avoir été traités avec cruauté » lors de la répression de la contestation.
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La contestation ne sent pas représentée par Diab puisqu'il a failli à toutes se promesses et qu'il a montré qu'il était avant tout carriéristes et intéressé par le titre pompeux plutôt que par les soucis des citoyens.
14 h 05, le 26 janvier 2020