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À La Une - Liban

Jour XXII : marches estudiantines, blocage des administrations publiques... la pression se maintient

EDL, centrale de Zouk, bureaux d'Ogero, centres d'enregistrement des véhicules... toutes ces administrations étaient bloquées par les protestataires descendus par milliers dans tout le pays, jeudi.

Une étudiante portant un drapeau libanais sur ses épaules, lors d'une manifestation devant la centrale électrique de Zouk Mosbeh, au nord de Beyrouth, le 7 novembre 2019. Photo REUTERS/Mohamed Azakir

Au lendemain d'une mobilisation estudiantine et féminine massive à travers le Liban, notamment dans la capitale Beyrouth, des milliers d'élèves, d'étudiants, de jeunes et de moins jeunes restaient mobilisés jeudi pour le 22e jour consécutif d'une contestation populaire inédite contre la classe politique accusée de corruption et d'incompétence et qui avait poussé le gouvernement de Saad Hariri à démissionner le 29 octobre.

Dès le petit matin, du Nord au Sud, en passant par la Békaa, les manifestants, souvent des étudiants et des lycéens, ont paradé dans les rues des villes en scandant des slogans contre la classe dirigeante, alors que d'autres ont tenu des sit-in devant de nombreuses administrations publiques, universités et écoles.

Dans la capitale Beyrouth, des centaines de jeunes, épaulés par certains de leurs professeurs, se sont rassemblés pour le deuxième jour consécutif devant le siège du ministère de l'Education, poussant les forces de l'ordre à bloquer la circulation. "Je ne veux pas être forcé à émigrer, je veux rester au Liban", lançait un jeune élève au micro de la chaîne LBCI. D'autres racontent avoir refusé de passer leurs examens et préféré plutôt rejoindre les manifestants dans la rue.

A Achrafieh, des centaines de lycéens et d'étudiants ont également paradé dans les rues de ce fief chrétien, appelant les écoles à fermer leurs portes pour les soutenir. Des habitants du quartier ainsi que de nombreux automobilistes ont salué ces jeunes et défendu leurs revendications. Un autre groupe de manifestants a bloqué l'accès à l'Université Libano-américaine (LAU) à Qoraytem, l'appelant à fermer ses portes, aux cris de "Thawra" (révolution) et "le peuple veut la chute du régime". D'autres étudiants de l'Université Saint-Joseph et de l'Université américaine de Beyrouth (AUB) se sont joints aux manifestants dans la rue Bliss, à Hamra, affichant leur unité.


Rassemblement devant la LAU à Beyrouth, le 7 novembre 2019. Photo Nada Baydoun


Rassemblement à Riad el-Solh
Dans l'après-midi, des centaines d'étudiants issus de différentes universités du pays convergeaient vers la place Riad el-Solh, dans le centre-ville de Beyrouth. Selon notre journaliste sur place Anne-Marie el-Hage, un groupe d'étudiants de la Lebanese international university (LIU) scandait des slogans contre les partis politiques, notamment le mouvement Amal du président du Parlement, Nabih Berry, qu'ils accusent de monopoliser l'établissement. "Réprimée, réprimée, la LIU est réprimée", ont lancé les jeunes à leur arrivée sur la place Riad el-Solh, lieu phare de la contestation qui touche tout le pays depuis le 17 octobre. Certains racontent avoir fait l'objet de pressions pour les dissuader de manifester. D'autres affirment que certains sujets sont interdits de débats au sein de l'université, comme les questions liées à la communauté LGBT. D'autres étudiants issus de l'Université Saint-Joseph à Balamand, au Liban-Nord, ou encore de l'amicale de la faculté de droit de l'USJ, ont également participé à la mobilisation. "Il est de notre devoir d'être présent aujourd'hui en tant qu'amicale", affirme à notre journaliste le président de ce groupe, Anthony Khoury. "Nous avions été le fer de lance de la révolution de 2005, aujourd'hui il s'agit de notre deuxième indépendance", a-t-il ajouté.


Un cortège d'étudiants se dirigeant vers la place Riad el-Solh à Beyrouth, le 7 novembre 2019. Photo Anne-Marie el-Hage


A Tyr, des étudiants de plusieurs universités, notamment la Lebanese International University (LIU), ainsi que des lycéens, ont rejoint les manifestants rassemblés sur la place al-Alam située à l'entrée nord de la ville. Ils brandissaient des drapeaux libanais et exprimaient des demandes d'ordre éducatif et social. D'autres lycéens ont tenu un sit-in devant l'école publique de Abbassiyé, appelant leurs camarades à les rejoindre dans la rue. Des échauffourées ont alors éclaté entre les protestataires et les agents de sécurité de l'école, avant l'intervention des forces de l'ordre. Aucun blessé n'est à déplorer. "Ceux qui veulent manifester sont libres de le faire, mais à l'extérieur de l'école, et ceux qui veulent étudier, les portes de l'école sont ouvertes à eux", a lancé le directeur de l'établissement, Mahmoud Ghazal, selon l'Agence nationale d'information (Ani, officielle). Un autre groupe de lycéens contestataires a entamé une marche et tenu un sit-in devant la branche de l'Université libanaise à Tyr. Les forces de l'ordre les ont empêché de pénétrer au sein de l'établissement.


A Saïda, lieu fort de la contestation, des centaines d'étudiants se sont rassemblés sur le rond-point Elia, devenu un lieu symbolique de l'opposition.
Des manifestants ont, plus tard, formé un convoi de quelque 70 voitures qui se sont dirigées en klaxonnant et en brandissant des drapeaux vers le domicile de l'ancien Premier ministre Fouad Siniora à Hlaliyé. Ils sont descendus de voiture devant son domicile en criant "voleur, voleur", et ont apposé sur les murs de sa maison des posters portant son image et la mention "Recherché par la justice" ou "Corruption". En soirée, le nombre de manifestants a augmenté sur la place de la révolution du 17 octobre, où s'est tenu un débat avec des militants de plusieurs régions qui ont partagé leurs expériences, à l'instar de celui qui s'est tenu samedi dernier à Beyrouth.


(Lire aussi : WhatsApp, Facebook, Instagram : les réseaux sociaux, vecteurs de la contestation)



Des dizaines de jeunes ont également manifesté devant l'Université libanaise à Fanar, en banlieue de Beyrouth. Les écoles du Metn n'ont pas été épargnées, l'accès à de nombreuses écoles publiques étant bloqué par les protestataires.
Dans le Kesrouan, de long cortèges de véhicules à bord desquels des étudiants brandissaient des drapeaux libanais circulaient en klaxonnant dans le périmètre de l'Université Notre-Dame (NDU).

Un autre attroupement avait lieu à Khaldé, au sud de Beyrouth. Mêmes scènes à Batroun, à Tripoli et dans le Akkar où des lycéens et étudiants ont entamé des marches dans ces villes du Liban-Nord.  A Baalbeck, dans la Békaa, des lycéens ont tenu un sit-in devant un centre du ministère des Affaires sociales, brandissant des drapeaux libanais.


Manifestation estudiantine à Batroun, le 7 novembre 2019. Photo ANI


La mobilisation estudiantine était importante à Nabatiyé, au Liban-Sud, malgré les pressions exercées par les opposants au mouvement de contestation dans cette région, fief du Hezbollah et du mouvement Amal du président de la Chambre, Nabih Berry, selon notre correspondante Badia Fahs. 

La veille, les étudiants s'envoyaient des messages, notamment via la messagerie mobile WhatsApp, pour se motiver l'un l'autre à rejoindre les manifestations d'aujourd'hui. "Ne craignez rien", "Nous avons manifesté hier et rien ne nous est arrivé" et "Personne ne peut nous atteindre", s'écrivaient notamment les jeunes, alors que les manifestations avaient été marquées, au premier jour de la révolte, par des violences exercées par des membres du conseil municipal de la ville contre les contestataires. Les étudiants de la ville du Liban-Sud ont dû faire face à des campagnes à leur encontre, les accusant d'être payés par l'étranger. 





Comme leurs camarades dans le reste du Liban, les jeunes de Nabatiyé ont fait entendre leurs voix et leurs revendications, liées notamment au niveau d'enseignement au Liban mais également à la chute de la classe dirigeante. "Je participe à cette manifestation pour réclamer un pays qui assure à ses fils des opportunités de travail", lance un des étudiants.

La marche a débuté à 8h du matin et est passée devant plusieurs établissements scolaires publics et privés dont des élèves ont rejoint le mouvement. Après avoir sillonné les rues de la ville, les manifestants, dont le nombre était estimé à 2.000, se sont rassemblés devant le Sérail. 


Rassemblement à Nabatiyé au Liban-Sud, le 7 novembre 2019. Photo ANI


Outre les écoles et les universités, de nombreuses administrations publiques étaient la cible des manifestants. Un groupe de militants, dirigé par l'avocat Wassef Haraké, a ainsi organisé un sit-in devant le siège de la Cour des comptes à Beyrouth. Des dizaines d'autres manifestants se sont rassemblés devant le siège du ministère de l'Intérieur à Sanayeh, alors que d'autres ont bloqué l'accès au siège de la compagnie de téléphonie Alfa, toujours à Beyrouth.

Au niveau de la Corniche du fleuve, un groupe de protestataires bloquait l'accès au siège principal d'Electricité du Liban (EDL) pour le deuxième jour consécutif. La société est régulièrement accusée de corruption par les manifestants, alors que le pays n'est toujours pas parvenu à assurer une alimentation en courant électrique 24h/24, 29 ans après la fin de la guerre civile. Un autre sit-in s'est tenu devant la centrale thermique de Zouk, dans le Kesrouan.

Sit-in devant la centrale de Zouk, le 7 novembre 2019. Photo Suzanne Baaklini

Une altercation a éclaté en matinée entre des manifestants et certains employés qui tentaient de quitter le siège de la centrale, selon notre journaliste sur place, Suzanne Baaklini. Des lycéens sont plus tard arrivés sur place pour renforcer les rangs des protestataires, dont le nombre s'élevait à environ 200 personnes, vers 10h30.

En banlieue de la capitale, des manifestants ont bloqué l'entrée au centre d'enregistrement des véhicules à Dekwané. Ceux situés à Jounieh et Saïda ont également été fermés par les protestataires.

Les bureaux d'Ogero, la société qui gère le réseau des télécoms libanais et qui, elle aussi, est souvent accusée de corruption, ont également été ciblés par les manifestants à travers le territoire. A Baalbeck, dans la Békaa, un groupe d'étudiants a ainsi tenu un sit-in devant la branche de cette société. De même à Chekka, au Liban-Nord, ou encore à Jounieh, dans le Kesrouan, et à Jbeil.

A Tripoli, des manifestants tentaient de bloquer l'accès aux banques de la capitale du Liban-Nord, selon notre journaliste sur place, Ornella Antar. "Tous ça veut dire tous, et le directeur de la banque est l'un d'eux", scandaient des protestataires devant une branche de la banque Audi.


(Lire aussi : À Ramlet el-Bayda, un cri de colère contre les infractions sur les biens-fonds maritimes)





Depuis le 17 octobre, le Liban connaît une contestation populaire contre sa classe dirigeante jugée corrompue et incompétente, sur fond de grave crise économique. Le mouvement, qui a mobilisé des centaines de milliers de Libanais, toutes communautés confondues, a entraîné la démission le 29 octobre du Premier ministre Saad Hariri, mais la formation d'un nouveau gouvernement se fait attendre. Mercredi, le chef de l'Etat, Michel Aoun, a une fois encore assuré que le prochain gouvernement inclurait des "ministres compétents et à l'abri de tout soupçon de corruption".

Le Liban est classé 138e sur 180 en matière de corruption par l'ONG Transparency.

Mercredi, la Banque mondiale a estimé que "l'étape la plus urgente" pour le Liban était "la formation rapide d'un gouvernement correspondant aux attentes de tous les Libanais". En cas d'impasse persistante, la moitié de la population pourrait sombrer dans la pauvreté et le chômage "augmenter fortement", a averti la BM, à l'issue d'une rencontre d'une délégation avec le président libanais Michel Aoun. Selon elle, environ un tiers des Libanais vit déjà sous le seuil de pauvreté.


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Au lendemain d'une mobilisation estudiantine et féminine massive à travers le Liban, notamment dans la capitale Beyrouth, des milliers d'élèves, d'étudiants, de jeunes et de moins jeunes restaient mobilisés jeudi pour le 22e jour consécutif d'une contestation populaire inédite contre la classe politique accusée de corruption et d'incompétence et qui avait poussé le gouvernement de Saad...

commentaires (2)

LA PRESSION SE MAINTIENT ET LES ABRUTIS CORROMPUS ET INCOMPETENTS S,ENTETENT ET SE MAINTIENNENT ENCORE.

LA LIBRE EXPRESSION

18 h 06, le 07 novembre 2019

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Commentaires (2)

  • LA PRESSION SE MAINTIENT ET LES ABRUTIS CORROMPUS ET INCOMPETENTS S,ENTETENT ET SE MAINTIENNENT ENCORE.

    LA LIBRE EXPRESSION

    18 h 06, le 07 novembre 2019

  • Le message aux politiciens ne peut être plus clair : cessez de voler l'avenir de nos jeunes!

    Wlek Sanferlou

    17 h 46, le 07 novembre 2019

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