Le Liban est dans une « situation économique, financière et sociale à haut risque » et n’a plus le « luxe du temps ». C’est pour marteler ce constat sans concessions au président libanais Michel Aoun qu’une délégation de la Banque mondiale menée par son directeur régional pour le Moyen-Orient, Saroj Kumar Jha, s’est rendue hier au palais présidentiel de Baabda.
Une visite qui survient au 21e jour de la mobilisation populaire contre la classe politique et moins de 24 heures après la décision de Moody’s de dégrader, pour la seconde fois en un an, la note souveraine du pays d’un cran à « Caa2 », tout en gardant ouverte la possibilité d’un nouveau déclassement dans les trois mois. L’agence américaine de notation financière, l’une des trois principales avec Fitch et Standard & Poor’s (S&P), a notamment jugé qu’en « l’absence d’un changement de politique rapide et significatif », le pays ferait face à une dégradation accélérée de sa balance des paiements et à des sorties de capitaux, tandis que les mouvements sociaux se poursuivront.
La Banque mondiale a estimé, de son côté, dans un communiqué publié après la réunion à Baabda, que le PIB du pays devrait se contracter au-delà du -0,2 % qu’elle avait anticipé dans son dernier rapport, publié en octobre, en raison de la « pression économique et financière ». Elle ajoute que les « restrictions » visant à contrôler la circulation de devises – prises par la Banque du Liban cet été et qui ont limité la quantité de dollars circulant sur le marché – plombent les conditions de travail des entreprises et des travailleurs.
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Classes moyennes et défavorisées
Comme Moody’s, elle relève que la crise de confiance que traverse le pays a dopé le taux de dollarisation des dépôts, « ce qui impose une charge élevée sur le bilan des banques et de la Banque centrale ». La Banque mondiale prévient enfin qu’une aggravation de la situation économique conduirait à une explosion du taux de pauvreté, qui passerait d’environ « un tiers » de la population en 2018 à « 50 % », et du chômage (à 25 % selon les estimations les plus récentes). Une situation qui touchera de plein fouet « les classes moyennes et défavorisées ».
Dans ce contexte, Saroj Kumar Jah affirme avoir rencontré le président Aoun pour exhorter l’État libanais à adopter des « mesures rapides assorties de délais pour assurer la stabilité économique et financière du pays », avant d’ajouter que « chaque jour qui passait » compliquait un peu plus les perspectives de « redressement ». « La Banque mondiale n’a pas d’agenda politique ou de mandat. Mais nous avons le devoir de prévenir nos partenaires (…) en difficulté », a précisé l’organisation internationale, qui a appelé à la formation rapide d’un gouvernement qui réponde aux attentes de tous les Libanais et qui mette en place des mesures pour garantir la stabilité financière, relancer la croissance ou encore réduire les déficits – budgétaire et commercial – du pays, entre autres.
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Dernier avertissement ?
Les appels de la Banque mondiale sonnent comme un dernier avertissement lancé à une classe politique libanaise incapable de s’entendre sur le lancement de mesures crédibles pour assainir les finances publiques du pays, dans le rouge vif, et de restructurer une économie exsangue depuis des années. Les dirigeants libanais s’étaient pourtant engagés lors de la Conférence de Paris d’avril 2018 (la CEDRE) à mettre en œuvre ces réformes pour convaincre leurs soutiens de commencer à débloquer l’enveloppe de plus de 11 milliards de dollars en prêts et dons devant financer des projets de réhabilitation d’infrastructures figurant dans le Capital Investment Plan (CIP). Avec 4 milliards de dollars, la Banque mondiale est le plus gros contributeur de cette enveloppe qui doit permettre de doper l’activité du pays pour faciliter sa transition vers un modèle économique qui privilégie davantage le développement des secteurs productifs. En mars dernier, le diplomate français chargé par le président Emmanuel Macron du suivi du processus de la CEDRE, Pierre Duquesne, déclarait déjà que le gouvernement libanais n’avait plus « le luxe du temps ». La classe dirigeante, qui avait alors eu besoin de neuf mois pour former un nouvel exécutif après les législatives de mai 2018, n’avait toujours pas entamé le processus d’élaboration et d’adoption du budget de 2019, un texte qui s’est finalement révélé décevant et qui été adopté avec près de 7 mois de retard sur les délais constitutionnels. Aujourd’hui, la détérioration des conditions économiques et financières au cours des six derniers mois a drastiquement réduit la marge de manœuvre de la Banque du Liban et des banques pour continuer d’assurer le financement de l’État ainsi que le montant des réserves utilisables de devises qui permettent à la Banque centrale de maintenir l’arrimage de la livre au dollar. Dans ce contexte, le déblocage d’une partie de l’enveloppe de la CEDRE, voire des aides et investissements que certains pays du Golfe envisagent de fournir, semble être devenu aussi pressant qu’indispensable pour éviter une sortie de route à court terme, comme l’a souligné Moody’s mardi. Fin octobre, l’Institut de la finance internationale (IFI), qui rassemble plus de 450 banques et institutions financières à travers le monde, allait plus loin en suggérant que le Liban devrait, en plus, solliciter une aide du Fonds monétaire international (FMI) pour pouvoir sortir la tête de l’eau.
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Moody’s dégrade la note du Liban pour la seconde fois en un an
Un message pour les corrompus et leur amis : Votre argent au Liban, n'aura plus de valeur, tout comme pour les autres Libanais. Ensuite ne compter surtout pas sur vos avoirs dans les banques étrangères, car si la corruption et le pouvoir vous protège au Liban, vous n'aurez AUCUNE protection de la part des gouvernements étrangers, la justice étrangère se fera un plaisire de saisir à la première occasion vos avoirs et comptes bien garnis en Suisse ou ailleurs! ... les Libanais de l'étranger y travaille pour obtenir vos condamnations!, surtout que ce sont les expatriés premiers investisseurs d'eurobonds qui seront les premiers lésés. NOUS RÉCUPÉRERONS NOTRE ARGENT DE VOS COMPTE A L ETRANGER. Une solution pour vous: cacher vos fonds en Corée du Nord ou en Iran
14 h 52, le 07 novembre 2019