Croq M, pas assez craquant

La première fois que j’ai entendu parler de ce concept basé sur le pain de mie, j’ai été très intriguée par l’idée ingénieuse de Marc Abou Jamra. Deux ans avant d’ouvrir son local à Gemmayzé, il l’a timidement testé dans un petit marché puis, une fois convaincu qu’il était temps d’aller plus loin, avec le désir d’ouvrir un bistro, il s’est adressé à un spécialiste pour lui concocter un menu basé sur le pain de mie français, et a laissé à son frère Michel, architecte, le soin de concevoir ce qui deviendra finalement leur véritable premier point de vente. Croq M est un petit bistrot moderne où le menu, plein d’humour, comporte des plats baptisés Croq Orgasm ou encore Croq qui Pue, pour n’en citer que quelques-uns.

Ce concept très créatif, qui se veut chaleureux et familial, réveille et séduit l’enfant en nous encore fou de croque-monsieur. Les raisons et les propositions sont multiples, et pour commencer : une salade composée, puis une assiette Croq composée d’un sandwich Croq, de pommes frites et d’un mesclun de salade ; et pour finir, un dessert Croq. Le tout pour environ 35 $ par personne ; pas trop cher, mais en raison des portions trop petites, il faudra en commander plus d’un.

Passons ensuite à la salade de poulet, (en principe) composée d’un mélange de laitue avec du poulet mariné, des tomates, des oignons, des artichauts, des champignons et de la grenade, servie avec une sauce vinaigrette. Le poulet, pas assez mariné, était particulièrement fade. Aucune trace d’oignon, de tomate ou de champignon dans notre bol, et à peine un bout d’artichaut. Nous avons ensuite goûté à la salade Tataki, un lit de haricots verts garni de tataki de bœuf, de tomates cerises et de sauce pesto. Encore une fois, rien de fameux. Nous avons ensuite opté pour la salade de fromage de chèvre ; je me demande vraiment pourquoi la plupart des restaurants de la ville qui servent ce plat ne mettent pas le fromage de chèvre et son pain dans une salamandre pour obtenir une texture de fromage fondu légèrement grillé. Ici, rien que de la salade frisée, et une demi-tomate cerise…

Variété de Croq(s)

Enfin, les Croq sont arrivés. La star de la soirée a été le Croq Chicken Crisp Dynamite et son explosion de saveurs, bien que la « dynamite » au goût piquant ne fût pas l’une d’entre elles – une option hors menu que nous avons choisie à partir du tableau noir énumérant les spécialités du jour. Le Croq Burger à l’ancienne était bon, mais nous n’avons pas trouvé de grande différence avec le Croq Burger normal : une galette de 180 g surmontée d’un fondant au triple fromage et d’une sauce au ketchup Sriracha. Le Croq Orgasm a complété nos 3 choix de sandwiches : du poulet mariné garni de 3 fromages, des oignons et de la sauce BBQ. Aucun autre Croq n’était satisfaisant : le Croq M, qui est le Croq le plus simple à préparer, avec de la dinde, du fromage emmenthal, des chips et de la mayonnaise, avait le goût d’un fromage industriel fondu. Le Croq Lamburger qui comprend de la mozzarella, des poivrons rouges rôtis, du fromage de chèvre et des tomates séchées, un mélange déjà assez lourd, avant l’ajout, encore plus indigeste, d’aubergines. Le Croq Pesto Burger était également difficile à digérer, car le pesto avait un goût amer et n’allait pas du tout avec le reste. Nous avons alors décidé d’éviter le Croq Dog et le Croq à l’Italienne (une sorte de Croq pizza) car nous avions eu assez de mauvaises surprises…

Un concept non abouti

Je dois dire que, même si ce concept avait du potentiel, l’exécution du menu a échoué, car la plupart des options proposées ne correspondent tout simplement pas au pain de mie français, surtout pas lorsqu’il est « sans croûte », car il devient trop doux et il devient impossible de le tenir, surtout avec des tranches coupées si finement. Le menu lui-même est parsemé d’erreurs, car l’orthographe française est utilisée pour les mots en anglais. De plus, les portions sont trop petites – il n’est donc pas étonnant d’avoir inclus le Big Croq’s au menu – ils ont au moins la taille d’un Club Toast, tandis que les portions standard ressemblent plutôt à celles d’un petit pain de mie. Même les frites qui accompagnent le Croq, trop huileuses, n’ont pas de goût, qu’elles soient simples ou à la truffe avec du fromage fondu. Pas étonnant non plus que le restaurant ait commencé il y a quelques semaines à offrir à ses clients la possibilité de servir leur Croq dans des petits pains à hamburger plutôt que des tranches de pain de mie grillé. Mais cette décision est regrettable car, en fait, elle illustre l’abandon de l’idée de base, une déclinaison du croque-monsieur. Le concept de Croq s’applique désormais uniquement aux desserts et encore, il n’y correspond pas du tout...

Le Croq Nutella fourré à la banane, aux noix et au Nutella était un ratage total. Le Croq Knéfé aussi, et le Croq Perdu, qui n’était pas suffisamment trempé dans le lait et donc trop sec et sans goût. Le seul dessert acceptable était le Croq White Lotus, avec du chocolat blanc et noir, des biscuits Lotus et des morceaux de fraises. Un délice, à tel point que nous en avons redemandé.

Au final, Croq M a été une grosse déception. Un très petit espace, avec trop de tables, trop de bruit, encore plus quand un groupe y joue sa musique en live. De plus, le service est très lent, surtout lorsque le lieu est plein. Le serveur transpirait d’une manière très visible, ce qui nous a poussés très vite à questionner l’hygiène des lieux. Plus encore, lorsque la porte de la cuisine s’est ouverte, nous avons aperçu le personnel sans fil à cheveux ni uniforme…

Tout le bistrot est un espace ouvert, la climatisation n’agit pratiquement pas, car d’un côté c’est une façade ouverte donnant sur la rue et de l’autre il s’agit de l’entrée principale du bâtiment, que les propriétaires de Croq M semblent s’être appropriée pour rajouter des tables supplémentaires, même si elles sont à un autre niveau. Finalement, et c’est avec regret que nous l’avons constaté, il y a trop de maladresses pour un projet qui avait toutes les chances de marcher.

Croq M, rue Pasteur.

DATA

Son : niveau max = 110,9 dB, TWA = 78,9 dB

Qualité de l’air : 70/100 (moyen), COV 0,49 ppm, humidité 73 %, température +26 °C.

NOTES

Son : 2/5

Décoration : 3/5

Personnel : 2/5

Plats : 2,5/5

Propreté : 2,5/5

Avis : décevant

Prix : raisonnable.

En résumé…

On aime bien : Croq Chicken Crisp Dynamite, Croq Burger à l’Ancienne, Croq Orgasm, Croq White Lotus, le concept de base.

On aime moins : toutes les salades, les pommes allumettes, Croq M, Croq Pesto Burger, Croq Lamburger, tous les desserts, le service extrêmement lent, le manque d’hygiène du personnel, le local trop étroit.

Le conseil : faites votre croque-monsieur à la maison…

*Critique gastronomique.

Trois ans que, sous un nom d’emprunt, cette Cruella des fourneaux sévit under cover dans la Dernière de « l’Orient-le Jour », un samedi sur deux. Qu’elle multiplie ses visites dans un restaurant, observe les gestes, les plats, les goûts, le service et l’aménagement des lieux. Qu’elle apprécie ou critique avec la plus grande objectivité.

Applaudie par beaucoup, haïe par d’autres, crainte par tous, elle permet surtout aux Libanais d’être (enfin) plus exigeants en termes de gastronomie.

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