Le président libanais Michel Aoun a prôné vendredi la "légitime défense" du Liban face à toute agression israélienne contre le pays du Cèdre, près d'une semaine après la flambée des tensions le week-end dernier entre le Hezbollah et Israël dans la zone frontalière.
"Toute atteinte à la souveraineté et l'intégrité territoriale du Liban aura pour réponse une légitime défense dont Israël assumera l'entière responsabilité, quelles qu'en soient ses conséquences", a déclaré le chef de l'Etat, qui a reçu à Baabda le représentant spécial des Nations unies au Liban, Jan Kubis, en présence notamment du ministre d'Etat pour les Affaires de la présidence, Salim Jreissati, selon des propos rapportés par l'Agence nationale d'information (Ani, officielle).
Le président Aoun a ajouté que la dernière attaque de drones israéliens contre la banlieue sud de Beyrouth, fief du Hezbollah, constitue "un écart majeur des règles d'engagement fixées par la résolution 1701 (du Conseil de sécurité de l'ONU) que le Liban respecte depuis 2006".
La semaine dernière, la confrontation entre le Hezbollah et Israël était allée crescendo. Elle avait commencé par un bombardement de l'armée israélienne en Syrie qui a tué deux combattants du Hezbollah, avant de se poursuivre par des accusations d'attaques de drones israéliens contre la banlieue sud de Beyrouth - fief du Hezbollah -, qualifiées de "déclaration de guerre" par le président Aoun. Dimanche, le Hezbollah avait tiré des missiles antichars sur le nord d'Israël, qui a répliqué par des frappes dans le sud du Liban, provoquant des incendies. Cette semaine, la tension est quelque peu retombée.
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Le président libanais a également réaffirmé l'attachement du Liban à la résolution 1701 et a remercié M. Kubis pour ses efforts, ainsi que ceux du secrétaire général de l'ONU et des pays amis du Liban pour le prolongation, sans amendement, pour une durée d'un an du mandat de la Force intérimaire des Nations unies (Finul), malgré des pressions américaines pour en réduire les effectifs. "L'armée libanaise, déployée aux côtés de la Finul, accomplit son devoir conformément aux décisions du pouvoir politique et du Haut-Conseil de défense", a déclaré M. Aoun.
De son côté, le représentant de l'ONU au Liban a déclaré, selon la présidence libanaise, que les Nations unies suivaient avec intérêt les efforts du président Aoun pour résoudre les problèmes économiques et financiers au Liban, saluant le dialogue élargi qui s'est tenu lundi à Baabda au sujet de la situation économique avec l'ensemble des composantes politiques du pays, ainsi que les propositions lancées par le chef de l'Etat dans ce cadre. Sur son compte Twitter, M. Kubis a fait état de "discussion franche avec le président Aoun sur les récents développements sécuritaires et le rôle des différents acteurs et forces" à ce niveau. Il a également exprimé "l'engagement des Nations unies à soutenir les efforts du Liban dans le cadre des réformes nécessaires pour faire face à l'urgence économique" dans le pays.
Après son entrevue avec le Premier ministre libanais, M. Kubis s'est rendu à Aïn el-Tiné pour s'entretenir avec le président du Parlement, Nabih Berry. Réaffirmant l'engagement du Liban envers la résolution 1701, M. Berry a déclaré qu'Israël est la seule partie à violer cette résolution "de manière quotidienne".
Jan Kubis (gauche) s'entretenant avec le président du Parlement libanais, Nabih Berry, le 6 septembre 2019. Photo fournie par le Parlement libanais.
Jan Kubis s'est également entretenu avec le commandant en chef de l'armée libanaise, le général Joseph Aoun. Sur son compte Twitter, le responsable onusien a indiqué avoir remercié le général Aoun "pour la coopération et la communication de dimanche dernier, lorsque nous avons tous oeuvré pour contenir et désamorcer la situation de crise dans le Sud". "Un tel partenariat est essentiel, tout comme le soutien à apporter à l'armée libanaise, ses capacités, compétences et missions", a-t-il ajouté. En fin de journée, le représentant spécial de l'ONU a été reçu par le Premier ministre, Saad Hariri.
Entretien Hariri-Macron
De son côté, le Premier ministre Saad Hariri s'est longuement entretenu dans la matinée par téléphone avec le président français Emmanuel Macron qui a réaffirmé l'engagement de la France en faveur de la stabilité et la sécurité du Liban, du renforcement de l'Etat et de ses institutions, insistant sur la nécessité de maintenir le calme à la frontière sud.
Le chef du gouvernement libanais a, pour sa part, remercié le président français pour ses efforts pour freiner l'escalade après "l'attaque israélienne" sur la banlieue sud de la capitale, exprimant la "gratitude" du Liban pour la prolongation du mandat de la Finul et réaffirmant l'engagement du Liban en faveur de la 1701.
Jeudi, Saad Hariri avait réaffirmé l'engagement du Liban à appliquer la résolution 1701, trois jours après que le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, eut affirmé que sa formation avait "brisé les lignes rouges" dans sa confrontation avec Israël, menaçant de frapper "en profondeur" le territoire d'Israël en cas d'attaque.
Par ailleurs, Emmanuel Macron a exprimé sa "satisfaction" à propos des "avancées actuelles concernant le lancement des projets de la conférence de Paris" d’avril 2018 (la CEDRE). À Beyrouth depuis lundi soir, le diplomate français chargé de la mise en œuvre des résolutions de la CEDRE, Pierre Duquesne, a esquissé un calendrier pour aller plus vite dans la mise en place des réformes structurelles réclamées par les donateurs.
Ces derniers se sont engagés lors de la CEDRE à débloquer 11,6 milliards de dollars en prêts et dons devant financer des projets d’infrastructures inclus dans le Capital Investment Plan (CIP) préparé par le gouvernement. Des fonds qui ne seront déboursés que si le pays, très endetté et mal géré, lance d’importantes réformes structurelles. Or les dirigeants libanais ont accumulé les retards depuis la CEDRE, laissant craindre une remise en question des engagements financiers formulés.
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Et si Michel Aoun "prônait aussi la légitime défense" face à la toute-puissance que s'arroge de plus en plus le Hezbollah dans tous les domaines, dont beaucoup n'ont rien à voir avec une soi-disant "résistance" ? Irène Saïd
09 h 32, le 07 septembre 2019