Pendant huit longs jours, les Libanais ont retenu leur souffle en attendant la riposte du Hezbollah. Toutes sortes de rumeurs circulaient, notamment sur la possibilité d’une escalade ou même d’une guerre encore plus violente que celle de 2006. Du côté israélien, l’inquiétude n’était pas moins grande. Au contraire, les menaces verbales les plus virulentes étaient démenties par les mesures sur le terrain qui consistaient en un retrait de l’armée israélienne d’une superficie entre 5 et 7 kilomètres et de l’arrêt de toutes les activités de l’autre côté de la frontière. En même temps, les Israéliens multipliaient les provocations en envoyant presque sans arrêt des drones dans l’espace aérien libanais, comme pour dire au Hezbollah de riposter rapidement pour que le suspense et la tension soient levés.
Du côté des responsables libanais, il n’y avait pas de véritable inquiétude car ils savaient que le Hezbollah ne prendrait pas de risques inutiles et voulait en ripostant maintenir ce qu’on appelle « l’équilibre de la dissuasion », non déclencher des affrontements. Mais personne n’avait d’indications réelles sur la forme, le timing et le lieu où se déroulerait la riposte du parti chiite, car comme l’a dit Hassan Nasrallah lui-même, c’est le terrain qui décide à ce niveau.
Dimanche, la riposte a finalement eu lieu et après un rapide moment d’inquiétude, les commentaires ont commencé à se multiplier, certains estimant que la riposte était plus formelle que réelle et d’autres la qualifiant de grande victoire.
Indépendamment de la division politique interne sur tout ce qui touche au Hezbollah, il faut constater qu’après l’opération de dimanche et l’empressement des Israéliens à dire que les développements militaires sont terminés, la tension a largement baissé des deux côtés de la frontière.
Désormais, c’est donc l’heure des analyses et de l’évaluation de la situation après huit jours de tension maximale.
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Pour mieux comprendre la portée de ce qui s’est passé, il faut aussi apporter quelques précisions sur la double attaque israélienne. Dans la nuit du samedi 24 août, les Israéliens ont bombardé la localité de Akraba dans la banlieue de Damas, faisant deux morts dans les rangs du Hezbollah. Pourtant, les deux jeunes ingénieurs spécialisés dans les questions technologiques et en particulier dans les drones n’étaient pas dans une position militaire ni dans une caserne. Ils vivaient dans un appartement civil, dans une banlieue résidentielle, et c’est là que les bombardements israéliens les ont fauchés. Ce qui pose le problème d’une éventuelle infiltration israélienne dans leur entourage qui a permis d’obtenir des indications sur leur domicile. Il s’agit en tout cas d’une flagrante attaque dans laquelle les Israéliens ne peuvent pas prétexter le transport d’armes ou d’autres activités militaires. C’est pourquoi le Hezbollah ne pouvait pas ne pas riposter.
Quelques heures plus tard, deux drones israéliens ont attaqué la banlieue sud et, plus précisément, le bâtiment qui abrite le département médias du Hezbollah en pleine zone résidentielle et marchande dans le quartier de Moawad. Officiellement, rien n’a filtré sur la cible que visaient les deux drones. Mais selon des sources sécuritaires, les Israéliens avaient reçu des informations sur la tenue d’une réunion importante entre une délégation du Hamas et des responsables du Hezbollah en ce lieu et à ce moment précis. Or, on sait que les Israéliens sont actuellement obsédés par trois sujets concernant le parti chiite : ses missiles de haute précision, son développement technologique, notamment en matière de drones, et son rôle dans le dossier palestinien, notamment ses efforts pour réconcilier le régime syrien et le Hamas. Ce serait donc pour cette raison que les drones israéliens avaient été envoyés le dimanche 25 août dans ce lieu précis. Mais il semble que les Israéliens aient été mal informés et mal organisés. Car non seulement le premier drone n’a pas atteint sa cible, mais de plus, lorsque le second a explosé, il n’a trouvé que quelques vitres à casser ainsi que des bureaux vides. Toutefois, là aussi pour le Hezbollah, l’attaque ne pouvait pas rester sans réponse, surtout dans le but de dissuader les Israéliens de la réitérer.
Le parti a donc pris son temps pour mener une riposte à multiples messages. D’abord, il a mis les nerfs des Israéliens à l’épreuve pendant huit longs jours et autant de nuits, les poussant à décréter le plus haut niveau d’alerte dans le secteur de la Galilée du Nord. Ensuite, il a agi de plein jour, ce qui est audacieux, surtout en termes militaires, et alors que l’armée israélienne avait réduit au maximum ses activités le long de la frontière avec le Liban. Le Hezbollah aurait pu lancer une attaque de nuit mais il a sciemment préféré agir de plein jour pour augmenter l’ampleur du défi adressé à « l’armée la plus puissante de la région ». De plus, il a choisi de ne pas attaquer dans le secteur des fermes de Chebaa, qui aux yeux de Beyrouth est une terre libanaise, pour lancer son opération en territoire israélien, ce qu’il appelle la Palestine occupée. Ce qui veut dire qu’une ligne rouge a été franchie puisque désormais, à toute attaque israélienne contre le Liban, correspondra une attaque en plein territoire occupé par les Israéliens. Et pour compléter le tableau, le Hezbollah a choisi de riposter dans la localité qui s’appelait Salha et qui fait partie des sept villages réclamés par le Liban aux Israéliens. Il a ainsi ouvert un nouvel espace de confrontation et remis sur le tapis « l’identité libanaise » de ces villages.
Finalement, le Hezbollah, comme l’a dit Hassan Nasrallah, a réalisé « une opération propre ». Indépendamment de l’existence de blessés israéliens, les multiples messages de cette riposte sont parvenus à destination.
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Et qui me dit que ce n'est pas la Hezbollah qui a envoyé ces 2 drones au sud de Beyrouth pour déclencher une guerre pour détruire le Liban?
12 h 41, le 06 septembre 2019