En octobre 2014, vous déclariez déjà : « En cas de nouvelle guerre, nous ramènerons le Liban 70 ou 80 ans en arrière. »* Vous étiez à l’époque le chef d’état-major de Tsahal et à la veille d’entrer en politique. Général Gantz, vous aviez à peine 18 ans quand vous avez été parachuté pour la première fois en terre libanaise. Vingt-trois ans plus tard, en 2000, vous étiez le dernier commandant de l’armée israélienne à quitter le Liban. Bien que sans enthousiasme, vous y reveniez pourtant en 2006 en qualité de commandant des forces terrestres. Quarante-trois ans ont passé sans qu’une seule fois le Liban manque de se trouver au centre de vos occupations et préoccupations. Voilà qui crée des liens, sans doute, et vous autorise à prier le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, « d’avoir pitié du Liban ». Comment ne pas relever l’ironie de ce message venant d’un militaire formé à ignorer la pitié ? Encore que, dans votre discours de campagne, en 2015, et pour faire bonne mesure, vous lanciez déjà à l’adresse des commandements des gardiens de la révolution et du Hezbollah : « C’en est fini du déchaînement régional. Le peuple juif a le droit de vivre dans la paix et la sécurité, et non sous une menace constante. » ** Comme quoi tout le monde a besoin de pitié…
Quand vous nous aviez fait part de votre intention de ramener le Liban 70 ou 80 ans en arrière, nous n’avions pas trouvé l’idée si mauvaise. Vous nous aviez même fait rêver. C’était déjà nous ramener au seuil d’un âge idéal, à l’aube de l’indépendance de ce pays dont toutes les forces vives aspiraient à la liberté. Rarement la belle utopie du vivre-ensemble aura été exprimée avec autant de ferveur, rarement la joie de fonder un pays sur toutes nos différences aura été aussi sincère. Les mauvaises langues ont même trouvé une aubaine dans le fait de revenir à la période bénie qui a précédé la création de l’État d’Israël, si brutalement, si maladroitement jeté sur le fragile échiquier régional que tout s’y est effondré. Mais on ne réécrit pas l’histoire.
Aujourd’hui, vous nous proposez, tout en sollicitant au passage la pitié de Hassan Nasrallah à l’égard du Liban, de nous ramener, en cas de guerre, à « l’âge de pierre ». Et là encore, général Gantz, nous vous en prions, faites donc !
De son âge de pierre, le Liban ignore presque tout. Quelques traces en ont été retrouvées çà et là par une lignée de pères jésuites secondés de spéléologues et d’archéologues dont ils ont su nourrir la passion. Certains artefacts ont été excavés des carrières d’Antélias, d’autres du côté de la Békaa. Ici, des flèches de silex, là, des sépultures muettes, mais aussi des ossements d’animaux inoffensifs, quelques crânes dont l’un, étonnant, présentant une rangée de dents consolidées au fil d’or, semble avoir appartenu à un ancêtre souffrant de
pyorrhée.
Les carrières d’Antélias ont été ensevelies depuis belle lurette. Le brave silex de nos chasseurs cueilleurs a laissé place à un armement sauvage dont certains se servent périodiquement qui pour tuer sa femme, qui pour ôter de son soleil un gamin coupable d’avoir, par inadvertance, éraflé sa voiture. Si la Terre se fait étroite pour tout le monde, elle l’est encore davantage pour les habitants de notre petit pays qui n’en peut mais d’être constamment envahi et menacé de toutes parts. Alors oui, si vous en avez le pouvoir, ramenez-le, cet âge de pierre, âge de sources et de forêts, de guerres anodines et de découvertes fondamentales, où l’humain s’émerveillait de son humanité naissante. Cette humanité, votre peuple, comme le nôtre, pour des raisons différentes, est en train de la perdre. Plutôt la pierre que le ciment de décoffrage, plutôt la beauté des commencements que la laideur de notre époque saturée. Nous avons tous besoin d’une aube nouvelle. Merci.
Quelle éthique pour critiquer et condamner ce militaire misérable et criminel! Votre plume Fifi est d'un talent exceptionnel! Nos petits s'en réjouiraient car le livre d'histoire aurait une seule page à étudier, LOL.... Ne serait-ce que pour ça vous avez eu raison de remercier ce mesquin qui n'a de pitié ni même pour son propre peuple... C'est horrible!
19 h 55, le 07 septembre 2019