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Quand l’heure est grave, il n’est pas rare que les pouvoirs en place, démocratiques ou non, cherchent à s’assurer cette union sacrée qui permet aux nations de mieux faire face à l’épreuve. C’est à ce même rituel, imposé par l’alarmante situation économique et financière, que l’on sacrifiait lundi en réunissant, au palais présidentiel de Baabda, les piliers de la République et les chefs des diverses forces politiques, ainsi que le gouverneur de la Banque centrale et le président de l’Association des banques.


Claire aux yeux de tous est la symbolique de cette initiative sans précédent, marquée par l’instauration d’un état d’urgence économique : nous sommes tous dans la même galère et sous peine de sombrer, il nous faut tous ramer dans la même direction. Fort bien pensé, certes ; mais n’est-ce pas l’ahurissante accumulation d’erreurs de pilotage, sinon l’absence de toute navigation qui, en dépit des innombrables alertes météo, n’a cessé de mener l’esquif jusqu’en pleine mer des tempêtes ?


Pour commencer, cela fait des années que le Liban, rompant avec les notions démocratiques de base, n’a plus d’autre choix que ces gouvernements dits d’unité nationale : incohérents assemblages de desseins contradictoires et qui ne sont en réalité que des non-gouvernements, voués le plus souvent à la paralysie. D’autant plus scandaleuse paraît dès lors, par contraste, la frénésie affairiste reprochée à une bonne part de la classe dirigeante et qui, de fait, se trouve illustrée par une jolie somme de scandales.


On dit ce qu’on fait, on fait ce qu’on dit : pour favorable qu’elle fut, cette mention que décernait hier aux congressistes de Baabda le diplomate français Pierre Duquesne, chargé du suivi du processus mis en place lors de la CEDRE, souligne fort bien la nécessité de passer enfin de la parole aux actes : et cela, de préférence, avant le délai de six mois laissé par les experts internationaux pour que soit évitée une tragédie à la grecque. Car ce qu’on a dit au palais présidentiel, on l’avait déjà dit. C’était du déjà-vu, du déjà-entendu. On n’a fait que reformuler des engagements précédents sans toujours les assortir de décisions nouvelles, notamment à propos de dossiers aussi décisifs que le financement de la grille des salaires, le trop-plein de l’administration, les défaillances du secteur de l’électricité, la contrebande, les nouvelles mesures alourdissant la fiscalité et… la sempiternelle rengaine de la lutte contre la corruption.


Avant que dans les rouages de l’activité économique, c’est dans les consciences des dirigeants que doit entrer en vigueur l’état d’urgence, que doit se manifester le souci réel de la santé du pays. Sinon, le spectaculaire branle-bas de Baabda n’aurait été qu’une triste version de la règle d’association nationale qui a supplanté le système de démocratie parlementaire libanais. On aurait seulement cherché à partager, avec tous ou presque, la responsabilité des développements à venir. À la diluer, en quelque sorte. Et à s’assurer du même coup l’absolution pour les aberrations passées et présentes.


Issa GORAIEB
igor@lorientlejour.com

Quand l’heure est grave, il n’est pas rare que les pouvoirs en place, démocratiques ou non, cherchent à s’assurer cette union sacrée qui permet aux nations de mieux faire face à l’épreuve. C’est à ce même rituel, imposé par l’alarmante situation économique et financière, que l’on sacrifiait lundi en réunissant, au palais présidentiel de Baabda, les piliers de la...