Prévue le 14 avril, la partielle de Tripoli destinée à pourvoir au cinquième siège sunnite de la ville, suite à l’invalidation par le Conseil constitutionnel (CC) de la candidature de Dima Jamali issue du courant du Futur, a connu hier un nouveau rebondissement après la circulation d’une vidéo dans laquelle Mme Jamali accuse certains membres du Conseil constitutionnel d’avoir encaissé des pots-de-vin avant d’émettre leur décision.
Sitôt informé de la teneur de la vidéo diffusée par le site électronique as-Siyassa, le président du CC, Issam Sleiman, a annoncé qu’il engagera des poursuites contre l’ancienne parlementaire pour diffamation et atteinte portée à la réputation et à la dignité du président du CC et de ses membres.
Ce nouveau développement, survenu en pleine campagne électorale, risque de ternir un peu plus ce scrutin qui ne semble pas mobiliser outre mesure les électeurs, d’autant que le candidat malheureux des Ahbache (islamistes pro-Assad), Taha Nagi, qui avait mené bataille en mai dernier aux côtés de Fayçal Karamé, a annoncé il y a quelques jours qu’il ne fera plus partie de la compétition, un choix à même de réduire l’importance politique de la bataille.
Mme Jamali doit désormais faire face à sept autres candidats indépendants de moindre calibre – Samer Kabbara (neveu de Mohammad Kabbara, député de Tripoli, relevant du courant du Futur), Misbah Ahdab, ancien député, Talal Mohammad Ali Kabbara, Hamed Omar Amcheh, Mahmoud Ibrahim Samadi, Yehya Mawloud et Omar Khaled Sayyed, journaliste.
Dans l’enregistrement vidéo qui a été vraisemblablement pris à son insu, Mme Jamali a fait état d’ « ingérences politiques patentes. De l’argent a été versé au CC pour qu’il change d’avis les dernières 24 heures », pouvait-on l’entendre dire dans la vidéo. Informée de l’ampleur de la circulation de la bande vidéo, largement partagée sur les réseaux sociaux, Mme Jamali s’est dépêchée de rectifier le tir en affirmant que ses propos ont été charcutés.
« Ce qui a fuité dans cette vidéo n’était autre que des propos à caractère politique pour signifier que des pressions ont été exercées sur les membres du CC, sachant que la décision de cette instance, qui était initialement autre, a fini par prendre une orientation différente à la dernière minute, d’où l’invalidation » de sa candidature, a poursuivi Mme Jamali.
Mme Jamali reprenait à son compte les accusations formulées par le courant du Futur, qui avait qualifié l’invalidation du son mandat parlementaire de leur candidate de « décision vindicative » et de « trahison ».
La décision du CC avait d’ailleurs suscité un malaise non seulement au sein du courant haririen, mais aussi dans les milieux de la partie adverse proche du candidat malheureux des Ahbache, Taha Nagi, à l’origine du recours.
Soutenant M. Nagi, les députés de la Rencontre consultative, groupe de parlementaires sunnites pro-Assad, avaient pour leur part estimé que la décision du CC, constituait « un dangereux précédent », reprochant à cette instance d’avoir ordonné une élection partielle au lieu de désigner M. Taha, qui avait obtenu un nombre de voix à peine supérieur au nombre recueilli par sa concurrente.
La contestation de la décision du CC avait été exacerbée par les remarques de trois membres dissidents, dont M. Sleiman avait omis de signaler l’existence en rendant public le jugement du CC.
Or, pour les dissidents, comme Antoine Messarra, le scrutin de mai 2018 a été « le pire de l’histoire du Liban ». Certains observateurs avaient à l’époque considéré qu’en dépit des fraudes constatées, « Mme Jamali a été le bouc émissaire auquel on a fait endosser symboliquement toutes les irrégularités du scrutin ».
(Lire aussi : Partielle de Tripoli : les sunnites du 8 Mars hors course, le scrutin menacé de désaffection)
Des excuses publiques
Dans un communiqué publié hier, l’ancienne députée a tenu à exprimer son « respect des décisions émanant de l’État et ses institutions », et affirmé « mon attachement à la loi, plus précisément à la décision du CC ». Et de conclure en notant qu’elle considère que « les institutions légales restent la seule planche de salut des citoyens », avant de souligner que le courant dont elle est issue « n’a jamais cessé d’appeler au respect de l’État ».
La riposte du président du CC ne s’est pas fait attendre. « Je n’aurais jamais pu imaginer que les mensonges pouvait atteindre un tel niveau », a indiqué Issam Sleiman, en allusion aux accusations de corruption dirigées contre l’instance qu’il préside. « Notre principal crédit est notre dignité. Nous ne tolérerons aucune ingérence politique d’où qu’elle provienne. Je compte engager des poursuites (contre Mme Jamali), et personne ne pourra exercer des pressions sur moi (pour l’en dissuader) », a-t-il assuré.
Contacté par L’OLJ, M. Sleiman a affirmé avoir eu connaissance de cette vidéo hier dans l’après-midi, alors qu’il se trouvait à une occasion sociale et qu’il a sitôt pris la décision de porter plainte contre la concernée pour diffamation et atteinte portée au prestige du CC.
« Peu de temps après, j’ai reçu un appel de Mme Jamali qui voulait présenter ses excuses. Je n’accepterai ses excuses que si elles sont formulée en public et adressées à tous les membres du CC, au siège même de l’instance, et devant les journalistes », a indiqué M. Sleiman, estimant que la réputation du CC et de ses membres « est une ligne rouge ».
(Lire aussi : À Tripoli, une partielle qui réserve des surprises, le décryptage de Scarlett HADDAD)
Les attaques de Misbah Ahdab
Hier, l’ancien député de Tripoli Misbah Ahdab a repris à son compte les avis dissidents des trois membres du CC qui avaient contesté le bien-fondé de l’invalidation, et ce à l’occasion de l’annonce officielle de sa candidature, saisissant l’occasion pour tirer à boulets rouges sur le courant du Futur.
Lors d’une conférence de presse tenue à Tripoli, M. Ahdab a assuré qu’il s’engage dans la bataille de la partielle « quels que soient les résultats du scrutin ». « Le décompte des voix n’a pas d’importance pour nous puisque nous savons pertinemment que vous êtes des fraudeurs », a-t-il dit, citant l’avis dissident exprimé par M. Messarra.
« L’ensemble du scrutin du 6 mai 2018 est contestable quant à sa régularité, sauf dans des cas limités qui exigent une investigation pour s’assurer de l’expression véridique de la volonté populaire », avait déclaré M. Messarra dans son avis publié en même temps que la décision du CC.
« Vous n’avez aucune légitimité », a poursuivi M. Ahdab à l’adresse de Mme Jamali et des députés du courant du Futur sans les nommer. « Votre légitimité est véreuse, dans la mesure où vous hypothéquez la décision sunnite en instrumentalisant la peur sunnito-chiite, en recourant à l’incitation communautaire et en finançant des batailles électorales dont sont victimes les habitants de Tripoli », a ajouté l’ancien député.
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18 h 43, le 02 avril 2019