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Liban - Décryptage

À Tripoli, une partielle qui réserve des surprises

C’est aujourd’hui, à minuit, que le délai du dépôt des candidatures pour la partielle de Tripoli expire. Hier, la surprise a été créée par l’ancien député Misbah Ahdab qui a décidé à la dernière minute de présenter sa candidature. Mais la ville attend encore la décision des Ahbache (islamistes prosyriens) au sujet d’une candidature éventuelle de Taha Nagi pour que le tableau de l’élection partielle soit complété. Il faut rappeler que cette partielle prévue le 14 avril a été décidée par le Conseil constitutionnel qui a accepté le recours en annulation de l’élection de Dima Jamali présenté par son concurrent Taha Nagi qui avait obtenu un peu plus de voix qu’elle. Mais au lieu de déclarer la victoire de Nagi, le Conseil constitutionnel a réclamé la tenue d’une élection partielle sur la base d’un mode de scrutin majoritaire et limitée au caza de Tripoli.

Cette décision avait été critiquée par les deux camps, celui du Premier ministre Saad Hariri la considérant comme un coup de poignard dans le dos et celui des Ahbache la considérant comme injuste car, selon eux, il aurait fallu annoncer la victoire de leur candidat. Mais, finalement le ministère de l’Intérieur a fixé la date de l’élection au 14 avril.

Dès lors, la ville s’est replongée dans une atmosphère de campagne électorale, même si quelque part l’enthousiasme et la fièvre ne sont pas au rendez-vous.

Pour la plupart des parties politiques concernées, le fait que le scrutin se déroule sur la base du mode de scrutin majoritaire, contrairement aux élections de 2018, est en faveur du courant du Futur qui est pratiquement assuré de la victoire.

Toutefois, la candidature de Dima Jamali ne suscite pas un grand enthousiasme chez les électeurs tripolitains qui sont environ 240 000, selon les listes électorales. La jeune femme n’est pas très connue dans la ville. Si elle est passée lors des élections de 2018, avant le recours en annulation de son mandat, c’est qu’elle était membre d’une liste complète où il y avait des figures populaires auprès des habitants de la ville. Dans cette partielle, elle est toute seule et, selon plusieurs spécialistes de Tripoli, les électeurs ne sont pas motivés pour voter pour elle. Le Premier ministre aurait d’ailleurs pu choisir un ou une autre candidate, mais il a considéré que Dima Jamali le représente et il refuse qu’on lui dicte ses choix. Pour compenser une faiblesse potentielle de la candidate, le secrétaire général du courant du Futur, Ahmad Hariri, est en train de passer le plus clair de son temps à Tripoli, pour mobiliser les électeurs et les convaincre de voter pour Jamali.

Toutefois, le problème de cette campagne est, de l’avis des observateurs, qu’elle manque de slogans politiques porteurs et d’enjeux politiques. Ahmad Hariri a beau dire dans ses rencontres avec les électeurs tripolitains qu’il veut « briser le Hezbollah dans la ville », les électeurs ne se sentent pas concernés car il n’y a pas vraiment de présence du Hezbollah sur place.

Pour l’instant, Dima Jamali doit affronter trois candidats : Yehya Maouloud, Samer Tarek Kabbara et Misbah Ahdab.

Les deux premiers se déclarent proches de la société civile et ont pratiquement le même profil : deux jeunes gens qui prônent le changement et qui ne considèrent pas que l’enjeu de la partielle est politique. Samer Kabbara a, en plus, un lien de parenté avec l’actuel député élu sous la bannière du courant du Futur Mohammed Kabbara (son oncle). Ce qui suscite la curiosité et l’intérêt des électeurs. Il refuse en effet ce qu’il appelle « le suivisme » de son oncle à l’égard du Premier ministre qui, selon lui, aurait dû choisir une autre candidate et il veut redonner à la ville son aura et sa place prépondérante sur l’échiquier libanais, qu’elle a perdus, selon lui, en étant désormais sous la coupe de Hariri.

Le problème de Samer Kabbara c’est qu’il a pratiquement les mêmes électeurs que Yehya Maouloud. Ce qui rend leurs chances à tous les deux minimes. Mais au moins, ils peuvent dire qu’ils ont fait un bon début dans la vie politique et ils préparent le terrain aux élections de 2022.

De son côté, Misbah Ahdab est un candidat sérieux. Il a une bonne base populaire et il aurait pu être un concurrent inquiétant pour Jamali si le Premier ministre n’avait pas renforcé la position de cette dernière par une série d’alliances très importantes. En effet, Saad Hariri a conclu une alliance solide avec l’ancien Premier ministre Nagib Mikati, qui est son rival le plus sérieux, avec le plus grand paquet de voix à Tripoli, mais aussi avec l’ancien ministre des Finances Mohammad Safadi et récemment avec l’ancien ministre de la Justice Achraf Rifi, pourtant son détracteur le plus virulent au cours des dernières années.

Lorsque le mandat de Jamali a été annulé par le Conseil constitutionnel, certains avaient prédit que Mikati pourrait avoir un candidat pour la partielle. Mais ce dernier a choisi de préserver son alliance avec Hariri, qu’il estime plus utile pour la ville et plus importante qu’un siège parlementaire de plus. M. Mikati estime ainsi n’avoir plus à prouver sa popularité dans la ville, puisque sa liste a raflé la moitié des sièges de la circonscription aux élections de 2018 et il a désormais un ministre au gouvernement. Selon lui, il n’est pas nécessaire de remettre en cause sa relation avec Saad Hariri qui peut être bénéfique pour la ville de Tripoli. C’est pratiquement la même situation pour l’ancien ministre des Finances Mohammad Safadi qui considère qu’il est préférable d’aider actuellement son épouse Violette Khairallah dans son ministère, qui peut être utile pour Tripoli et pour le Liban, plutôt que de se lancer dans une bataille électorale.

Quant à Achraf Rifi, il a songé un moment présenter sa candidature. Mais comme il s’agit d’une partielle sur un mode de scrutin majoritaire, son élection n’était pas acquise, surtout avec la candidature de deux personnes liées à la société civile. Il a donc préféré se réconcilier avec Saad Hariri et renoncer à participer à cette bataille.

Toutefois, les trois alliés du Premier ministre ne semblent pas décidés à s’impliquer réellement dans cette partielle et pour l’instant, leurs machines électorales ne sont pas mobilisées. Et la surprise pourrait venir des Ahbache. S’ils décident de ne pas présenter la candidature de Taha Nagi, Dima Jamali serait donc assurée de la victoire mais sans faire un grand score et sans une grande participation. Si, au contraire, Taha Nagi décide de se présenter, ce serait curieusement un élément favorable pour la campagne de Dima Jamali qui deviendrait ainsi la candidate du 14 Mars face à celui du 8 Mars. La bataille électorale retrouverait ainsi une dimension politique capable de mobiliser les électeurs et les slogans d’Ahmad Hariri pourraient ainsi avoir des échos auprès d’une grande partie des Tripolitains.


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C’est aujourd’hui, à minuit, que le délai du dépôt des candidatures pour la partielle de Tripoli expire. Hier, la surprise a été créée par l’ancien député Misbah Ahdab qui a décidé à la dernière minute de présenter sa candidature. Mais la ville attend encore la décision des Ahbache (islamistes prosyriens) au sujet d’une candidature éventuelle de Taha Nagi pour que le...

commentaires (3)

Dictionnaire Libanais, qui sème à tout vent : Surprises: 1-rien de spécial, 2-du déjà vu des milliers de fois depuis ce matin. Exemples d'tilisation dans le jargon libanais: eh, chou yaané? Chou fiya?

Wlek Sanferlou

16 h 47, le 29 mars 2019

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Commentaires (3)

  • Dictionnaire Libanais, qui sème à tout vent : Surprises: 1-rien de spécial, 2-du déjà vu des milliers de fois depuis ce matin. Exemples d'tilisation dans le jargon libanais: eh, chou yaané? Chou fiya?

    Wlek Sanferlou

    16 h 47, le 29 mars 2019

  • Excusez mon ignorance , mais je n'arrive à savoir qui est vraiment Dima Jamali ? Elle semble importante pour Saad et contre la resistance du hezb . C'est tout ce que j'ai retenu .

    FRIK-A-FRAK

    16 h 15, le 29 mars 2019

  • UN DES TRES RARES ARTICLES DE LA TRES CHERE MADAME SCARLETT HADDAD OU IL N,Y A PAS DES ENCENSEMENTS HABITUELS POUR H.N., AOUN ET BASSIL...

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 27, le 29 mars 2019

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