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Liban - Partielle de Tripoli

La réconciliation Hariri-Rifi, une bouffée d’oxygène pour les souverainistes

« Le mini-État du Hezbollah s’en prend à la communauté sunnite », déplore l’ancien ministre de la Justice via « L’Orient-Le Jour », appelant à « faire face à l’hégémonie iranienne ».

Saad Hariri entouré de Fouad Siniora et d’Achraf Rifi, mardi soir. Photo Dalati et Nohra

Les souverainistes ont eu droit mardi soir à une bouffée d’oxygène attendue. C’est à la veille du 14e anniversaire de la révolution du Cèdre – dont l’apothéose avait été le 14 mars 2005 et qui avait provoqué le retrait des forces syriennes du Liban et le coup d’envoi d’une lutte acharnée pour le monopole de la violence légitime et contre les armes du Hezbollah – que le Premier ministre Saad Hariri s’est réconcilié avec son plus grand opposant sur le terrain sunnite depuis 2016, Achraf Rifi.

Il va sans dire que cette rencontre a « tourné la page » d’une querelle qui a longtemps opposé MM. Hariri et Rifi sur fond notamment de divergences stratégiques particulièrement significatives articulées autour de l’appui du chef du courant du Futur à Michel Aoun à la présidentielle de 2016. À l’heure où le Futur percevait ce choix comme une façon de « sauver le pays » et d’en « assurer la stabilité », les proches de M. Rifi l’interprétaient comme une façon de céder le pays à l’hégémonie iranienne par l’intermédiaire du Hezbollah et de ses alliés locaux. L’ancien ministre de la Justice avait, depuis, fermement condamné l’emprise qu’exerce le parti chiite sur le pays du Cèdre, se plaçant ainsi à la tête des opposants à la ligne politique actuelle.

Le fossé entre les anciens alliés s’était creusé davantage à l’issue de la démission forcée de Saad Hariri, annoncée le 4 novembre 2017 depuis Riyad. D’autant que le chef du gouvernement était revenu sur sa démission quelques jours plus tard, le 23 novembre, sous l’effet d’un forcing exercé par le tandem Baabda-Courant patriotique libre. À la faveur de cet épisode, le gouvernement avait réaffirmé la politique de distanciation du Liban par rapport aux conflits des axes. Mais pour Achraf Rifi, la décision de M. Hariri représentait « un pas vers le Hezbollah ».

Ce tableau est certainement à même d’expliquer le fait que le courant du Futur ait placé la bataille électorale de Tripoli, lors des législatives de 2018, sous le signe de la confrontation politique directe avec Achraf Rifi et Nagib Mikati, ancien Premier ministre.

Perçue sous cet angle, la nouvelle page inaugurée mardi entre le chef du gouvernement et son plus grand opposant (qui avait claqué la porte du cabinet Salam en 2016 sur fond de l’affaire Michel Samaha qu’il voulait mener devant la Cour de justice) est à même de souder les rangs souverainistes et de redonner confiance à la communauté sunnite, dont certains faucons n’ont jamais caché leur mécontentement à l’égard des récents choix du leader du Futur. C’est ce point de vue que présente à L’Orient-Le Jour un proche de M. Hariri, qui insiste sur l’importance de rassembler les composantes de la communauté sunnite, secouée par des divergences internes.


(Lire aussi : Partielle de Tripoli : Hariri marque un point, Rifi se retire de la course)


L’affaire Siniora

Mais la réconciliation intersunnite ne saurait être circonscrite à la dimension strictement communautaire. D’autant qu’elle intervient à l’heure où, tout comme le leader du Parti socialiste progressiste Walid Joumblatt, le courant du Futur se trouve au centre d’une campagne menée par le Hezbollah, dans le cadre de ce que le parti chiite affirme être une « lutte contre la corruption ». En témoigne, bien entendu, la virulente attaque lancée par la formation de Hassan Nasrallah par la bouche de Hassan Fadlallah, député de Bint-Jbeil, contre Fouad Siniora, compagnon de route de Rafic Hariri avec, en toile de fond, l’affaire des onze milliards de dollars. Cette attaque avait aussitôt poussé M. Siniora à riposter pour s’en prendre au parti chiite, mais aussi et surtout rappeler les principes souverainistes brandis par le Futur au sein du 14 Mars. Des milieux politiques souverainistes replacent l’attaque contre Fouad Siniora dans la foulée d’une série de querelles ayant opposé Saad Hariri au camp irano-syrien, notamment l’acerbe échange entre les députés Sami Fatfat (Futur, Denniyé) et Jamil Sayyed (proche de la Syrie, chiite, Baalbeck-Hermel), au Parlement le 15 février dernier.

À la faveur de cette logique, la rencontre Hariri-Rifi à l’initiative de Fouad Siniora est une affirmation claire de l’attachement du leader du Futur aux principes souverainistes, mais aussi et surtout aux faucons de son parti, envers et contre tout, soulignent ces observateurs.

C’est ainsi qu’Achraf Rifi explique à L’Orient-Le Jour sa décision de mettre fin à son malentendu avec Saad Hariri. « C’est avec courage que j’ai tourné la page de mon désaccord avec Saad Hariri parce que le mini-État du Hezbollah s’emploie à renforcer son hégémonie sur le pays et s’en prend à une communauté dans son ensemble, l’accusant de terrorisme et de corruption », déclare-t-il, assurant qu’il maintiendra son discours souverainiste parce qu’il n’est pas question de céder le pays au Hezbollah. « J’invite tous les fidèles à ce pays à se joindre à nous dans notre lutte contre la mainmise iranienne sur le pays », ajoute-t-il.


La partielle de Tripoli

Outre cette dimension souverainiste, le timing de la rencontre entre le Premier ministre et son principal (ex-)détracteur ne peut que lui conférer une dimension électorale, dans la perspective de la partielle prévue à Tripoli, le 14 avril prochain. Cette compétition destinée à pourvoir au siège vacant de la ville après l’annulation de la députation de Dima Jamali (Futur) est surtout une opportunité pour les haririens d’assurer leur prééminence dans les rangs sunnites. Après l’appui de Nagib Mikati et Mohammad Safadi, ancien ministre des Finances, Mme Jamali, à nouveau candidate du Futur, bénéficie désormais de l’appui d’Achraf Rifi. Une décision prise à la faveur de la réunion de mardi et que l’ex-ministre devrait annoncer lors d’une conférence de presse qu’il tiendra cet après midi à son bureau à Tripoli.

Mme Jamali s’est d’ailleurs félicitée, dans un entretien accordé hier au site web du courant du Futur, des retrouvailles entre les deux hommes. « C’est la meilleure réponse à la trahison politique et aux atteintes à la présidence du Conseil », a-t-elle estimé. Allusion à peine voilée à la décision du Conseil constitutionnel et aux récentes attaques contre M. Hariri.

Mais ce tableau ne signifie aucunement que Mme Jamali sera réélue d’office, nuancent les milieux haririens, qui craignent un éventuel partage des voix de l’équipe électorale de Mohammad Kabbara, parlementaire de Tripoli et dont le neveu Samer a confirmé hier lors d’un point de presse qu’il prenait part à la compétition.

L’adversaire de poids des sunnites proches d’Assad et du Hezbollah face à Mme Jamali sera cependant Taha Nagi, candidat malheureux des Ahbache aux législatives de 2018 et qui avait présenté le recours en invalidation contre Mme Jamali devant le Conseil constitutionnel. M. Nagi entretient actuellement le flou sur sa décision finale après les retrouvailles Hariri-Rifi. Interrogé hier par l’agence locale al-Markaziya, il a cependant confié que les concertations se poursuivent avec son allié Fayçal Karamé, député de Tripoli.


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commentaires (4)

Il est impérativement urgent que tous les souverainistes se rassemblent pour lutter contre le danger mortel qui est la mainmise de l'Iran sur le Liban, pays indépendant depuis 1860, souverain et libre de ses choix dans tous les domaines. Quant au retour de la Syrie au sein de la Ligue arabe, cela ne concerne pas le Liban. Notre pays ne se mêle pas des affaires des autres et exige la réciprocité. Lorsque le Liban était déjà indépendant, presque tous les pays qui l'entourent étaient sous domination étrangère, des deux rives de la Côte des Pirates jusqu'à la Méditerranée.

Un Libanais

13 h 24, le 14 mars 2019

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Commentaires (4)

  • Il est impérativement urgent que tous les souverainistes se rassemblent pour lutter contre le danger mortel qui est la mainmise de l'Iran sur le Liban, pays indépendant depuis 1860, souverain et libre de ses choix dans tous les domaines. Quant au retour de la Syrie au sein de la Ligue arabe, cela ne concerne pas le Liban. Notre pays ne se mêle pas des affaires des autres et exige la réciprocité. Lorsque le Liban était déjà indépendant, presque tous les pays qui l'entourent étaient sous domination étrangère, des deux rives de la Côte des Pirates jusqu'à la Méditerranée.

    Un Libanais

    13 h 24, le 14 mars 2019

  • LA COHESION DES FORCES SOUVERAINISTES EST NECESSAIRE ET INDISPENSABLE POUR COMBATTRE LA MAINMISE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    07 h 40, le 14 mars 2019

  • Lequel des 3 va se recevoir la dague dans le dos ? Suite au prochain épisode du roman " les souverainistes, tentative de retour " .

    FRIK-A-FRAK

    07 h 30, le 14 mars 2019

  • Comme c'est triste de subir ces alliances et ces mésalliances. Ils pourraient laisser ce pays tranquille et partir à la retraite, ailleurs !

    TrucMuche

    00 h 56, le 14 mars 2019

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