Le chef du Parti socialiste progressiste Walid Joumblatt a tiré à boulets rouges dimanche sur le Premier ministre Saad Hariri et le ministre des Affaires étrangères et chef du Courant patriotique libre, Gebran Bassil, trois jours après la formation du nouveau gouvernement, les accusant d'aller à l'encontre de l'accord de Taëf.
"Nous avons remarqué la façon unilatérale dont le cabinet a été formé et la quasi-absence de la présidence du Conseil des ministres, comme si le ministre des Affaires étrangères avait dessiné les grandes lignes de la déclaration ministérielle et de l'étape à venir. Il s'agit d'une façon de poignarder l'accord de Taëf et de jouer avec le feu", a déclaré le leader druze à l'issue de la réunion hebdomadaire du bloc parlementaire de la Rencontre démocratique.
Le nouveau gouvernement a été formé jeudi soir, après plus de huit mois de tractations. Le cabinet, qui est formé de 30 ministres, dont quatre femmes, s'est réuni pour la première fois samedi, une réunion au cours de laquelle une commission de 10 ministres a été formée pour préparer le texte de la déclaration ministérielle. Le président du Parlement Nabih Berry a assuré que le document serait prêt d'ici une semaine. Un brouillon de 10 pages est déjà prêt et doit être étudié une première fois par la commission lundi à 11 heures.
M. Joumblatt a indiqué qu'une délégation de son bloc parlementaire allait se rendre auprès de Saad Hariri, de Michel Aoun et de Nabih Berry pour leur demander "où va l'accord de Taëf". "Si Hariri veut abandonner Taëf, cela provoquera une grosse crise dans le pays", a-t-il ajouté.
L'accord de Taëf, signé en 1989 et qui a mis fin à la guerre civile, régit le système de partage du pouvoir et les prérogatives de la présidence de la République, de celle du Conseil des ministres et du Parlement.
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"Pas de leçons à recevoir"
Par ailleurs, M. Joumblatt a fustigé l'attribution du ministère d'Etat pour les Affaires des réfugiés à Saleh Gharib, nommé par le chef de l'Etat, Michel Aoun, et validé par l'émir Talal Arslane, le principal rival de M. Joumblatt sur la scène druze. "La nouvelle alliance a pu imposer un ministre des Affaires des réfugiés prosyrien, mais nous n'abandonnerons pas la question de la protection des déplacés syriens" présents au Liban et "nous ne nous laisserons pas entraîner vers la volonté de la partie syrienne de les envoyer en Syrie pour être massacrés ou torturés".
Interrogé par un journaliste, M. Joumblatt a affirmé que les ministres représentant sa formation "ne quitteront pas le gouvernement, qu'ils mèneront leurs dossiers à bien". Le Parti socialiste progressiste compte deux ministres au sein du gouvernement Hariri III, Akram Chehayeb au ministère de l'Education et Waël Bou Faour à l'Industrie.
Le bureau de presse de M. Hariri a rapidement répondu aux propos virulents de M. Joumblatt. "La présidence du Conseil ne voit dans les commentaires et les prises de position autour du processus de formation du gouvernement, qui ciblent son rôle dans la résolution de la crise gouvernementale, qu'une tentative pernicieuse de pêcher en eau trouble", indique un communiqué publié dans la soirée. "La présidence du Conseil des ministres, gardienne de Taëf et des prérogatives que lui donne la Constitution, ne sera jamais un bouc-émissaire et n'a pas de leçons à recevoir", ajoute ce texte, jugeant "inutile de travestir la réalité, en ce qui concerne la déclaration ministérielle et les insinuations visant à perturber l'action du gouvernement".
A Bruxelles, M. Bassil a de son côté déclaré qu'il était temps de donner une chance au pays et au gouvernement. "Le temps de l'action est venu et il semble que de nombreuses personnes sont mal à l'aise", a-t-il déclaré devant des expatriés libanais résidant en Belgique, en réponse aux propos de M. Joumblatt.
Samedi, le leader du CPL avait dénoncé "une tentative d'empêcher le président de la République d'intervenir dans la formation du gouvernement et de donner son avis". Il a souligné que "le président était un partenaire-clé en coopération avec le Premier ministre désigné". Il a aussi dénoncé une tentative "d'empêcher le président Aoun et son équipe d'obtenir le tiers de blocage". "Le tiers est ce que nous méritons en tant que bloc et ce que mérite le président", a assuré M. Bassil.
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commentaires (3)
joumblatt, parfois me fait penser à Iznogoud !!
Talaat Dominique
00 h 26, le 04 février 2019